Polestar, l’étoile polaire électrique de Volvo

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Polestar (“étoile polaire”, en anglais) est la nouvelle marque de Volvo. Electrique, elle va livrer des modèles plutôt sportifs destinés à surfer sur le marché premium ouvert par Tesla. En utilisant l’approche de la vente directe de la marque américaine, et de l’achat sur le Web.

En janvier au Brussels Motor Show, elle trônait dans un stand blanc et gris, à quelques pas de celui de Tesla. Et ce n’était pas un hasard. La marque de voitures Polestar, que personne ou presque n’a déjà conduites en Belgique, s’était offert une présence remarquée pour annoncer son arrivée sur notre marché, à proximité du champion actuel de la voiture électrique. Pour montrer qu’il y a une alternative.

Polestar ne part pas de zéro, loin s’en faut. Il s’agit d’une filiale commune de Volvo Car et de son actionnaire, le chinois Geely, sans doute l’un des groupes les plus audacieux du secteur ( lire l’encadré ” Geely, le nouveau Volkswagen ? “). Le nom est celui d’un préparateur suédois de voitures de course (basées sur des modèles Volvo), racheté par le constructeur pour en faire une marque à part entière de voitures sportives de série à partir de Volvo modifiées (comme AMG pour Mercedes).

Geely est un constructeur privé qui accumule les participations dans des marques bien connues, comme Lotus ou Daimler dont il est le premier actionnaire avec 10% des parts. Il contrôle aussi 50% de Smart.

La mission de Polestar est de s’imposer sur le marché de la voiture électrique premium pour surfer sur la demande croissante de voitures électriques, qui pourrait être dopée par la multiplication des zones à basse émission et les aides plus ou moins élevées accordées par certains pays.

La Polestar 1 vient de sortir, en série limitée, lançant ainsi la marque. Il s’agit d’un coupé deux portes hybride, avec une puissance considérable (609 CV), vendu à 157.500 euros.

Polestar, l'étoile polaire électrique de Volvo
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En point de mire : la Tesla Model 3

La Polestar 2, le premier vrai modèle de série, exclusivement électrique, sera livrable à partir de cet été. C’est un coupé quatre portes, un fastback, à 408 CV vendu à partir de 58.900 euros dans sa version de lancement. Précisément dans le créneau de la Tesla Model 3, première voiture électrique vendue en Belgique (Tesla a immatriculé 3.690 voitures au total en 2019).

La marque Polestar ne sera disponible que dans neuf pays au monde, dont six en Europe. Pourquoi en Belgique ? ” Parce que c’est un marché historique et que Volvo a une usine importante à Gand “, expliquait Jonathan Goodman, COO de Polestar, numéro deux de la marque, lors du Salon de l’Auto en janvier. ” Car c’est un marché très accueillant pour les véhicules premium : “les premium représentent environ 25% du marché”, confirme Lies Eeckman, CEO de Polestar Belgique et Luxembourg, ex-BMW.

Polestar mise plutôt sur la performance, le design sportif. ” Jonathan Goodman

Les dirigeants restent toutefois discrets sur les objectifs chiffrés. L’agence Reuters, citant le CEO de Polestar, parle de 50.000 à 100.000 ventes par an (dont la moitié en Chine) une fois qu’une gamme de trois modèles sera disponible, ce qui ne sera pas le cas avant 2021.

Pourquoi lancer une nouvelle marque plutôt que tabler uniquement sur Volvo, marque déjà bien établie qui n’a jamais autant vendu qu’aujourd’hui (705.000 autos en 2019) ? ” Volvo, c’est la sécurité, le confort. Polestar mise plutôt sur la performance, le design sportif “, répond Jonathan Goodman. Volvo fait et fera des voitures électriques mais Polestar vise des amateurs de performance. La Polestar 2, dans son édition de lancement à 58.900 euros, promet 0 à 100 km/h en 4,7 secondes, 470 km d’autonomie et quatre roues motrices. Le prix est quasiment le même que celui de la Tesla Model 3 ” Grande Autonomie ” (58.300 euros) qui passe de 0 à 100 km/h en 4,6 secondes et affiche plus de 560 km d’autonomie. Un modèle SUV, le Polestar 3, sera présenté en 2021.

Plateforme commune

Et pour peut-être concurrencer la Tesla Model S, Polestar vient de présenter un concept car, la Polestar Precept, qui préfigure sans doute la challengeuse de la Model S. Notons que Volvo annonce un SUV XC40 électrique sur la même base que le Polestar 2, même puissance et un tarif voisin (59.950 euros).

Plusieurs constructeurs ont choisi de lancer de nouvelles marques pour mettre l’accent sur un positionnement particulier, comme DS pour Citroën ou Lexus pour Toyota dans le haut de gamme. Les clients sont généralement bien au fait de la parenté entre les marques.

Sur le plan industriel, la nouvelle marque utilise des éléments de la marque ” mère “. Ainsi, la Polestar 2 est construite sur la plateforme CMA, qui est la base des modèles compacts pour Volvo et Geely. Rappelons qu’une ” plateforme ” est la structure invisible pour le client, qui structure la voiture. CMA est ainsi utilisée pour la Volvo XC40, assemblée à Gand et pour la Geely Xingyue, assemblée en Chine. Elle accepte différentes motorisations, électriques et à carburant.

Les Polestar étant produites en Chine, quel est l’impact coronavirus ? ” Nous n’avons pas encore augmenté la production, nous ne sommes donc pas encore touchés, indique Lies Eeckman. Bien sûr, au cours des prochaines semaines, nous en saurons davantage. ” Il est vrai que le pays se remet de l’épidémie au moment où elle touche l’Europe.

La concept car Precept préfigure sans doute la future concurrente de la Tesla Model S.
La concept car Precept préfigure sans doute la future concurrente de la Tesla Model S.© PG

Vente (presque) directe

La marque Polestar constitue une sorte de laboratoire pour le groupe Geely. Pour tester une approche de la vente directe, par exemple. La même approche que Tesla qui vend ses véhicules sans concessionnaire, sur le Web, en ouvrant ici et là des vitrines où les clients potentiels peuvent venir voir l’automobile, poser des questions, organiser un essai, etc.

” Nous ouvrirons d’ici l’été le premier des quatre Polestar Space belges qui sont prévus à Bruxelles, Gand, Liège et Anvers, annonce Lies Eeckman. Ils seront situés dans des zones commerçantes. ” Et donc pas hors de la ville, le long d’une nationale ou dans un zoning, comme c’est souvent le cas pour une concession traditionnelle. L’achat se fera en ligne sur le Web. Il serait en effet quasiment impossible d’organiser une vente directe avec la marque Volvo car elle remettrait en cause les liens avec les concessionnaires indépendants. C’est, du reste, le souci de tous les constructeurs, qui ne pratiquent guère la vente sur le Net. Avec Polestar, le groupe Geely tâte le terrain. Cette approche sera observée avec beaucoup d’intérêt (et d’inquiétude parfois) par le monde de la distribution automobile en Belgique.

Les concessionnaires Volvo jouent toutefois un rôle, du moins pour quelques-uns d’entre eux : Polestar ne va pas gérer directement les Polestar Spaces mais confier le travail à des concessionnaires Volvo sélectionnés (Sterckx-De Smet à Bruxelles, Nordicar à Liège). Ils seront rémunérés ” sur les ventes dans leur région “, indique Jonathan Goodman, et assureront la maintenance. Même les achats réalisés par des clients qui ne sont pas venus dans un Polestar Space généreront une commission. ” La rémunération des Polestar partners gérant les Polestar Spaces sera aussi fonction de la satisfaction des visiteurs “, précise Lies Eeckman.

Une navigation basée sur Google Maps
Une navigation basée sur Google Maps© GETTY IMAGES

Les premières voitures Android

Le nouveau constructeur n’a pas une vraie stature de constructeur : il s’appuie sur la structure de Volvo, sur son ingénierie et sur ses implantations. Ainsi, pour son lancement, Polestar Belgique est hébergé par Volvo Belgique, à Berchem-Sainte-Agathe. Il a adopté une approche light. ” Nous avons une organisation fluide, sans héritage du passé, basée sur des partenariats approfondis “, avance Lies Eeckman.

Cette approche singulière se prolonge dans la technologie. Polestar a accepté de collaborer étroitement avec Google pour l’ infotainement dans ses véhicules. Et va adopter une navigation basée sur Google Maps. ” Ce seront les premières voitures basées sur Android “, se réjouit Lies Eeckman. Les constructeurs sont généralement réticents à accepter Google sur leurs tableaux de bord, et le font de manière limitée, notamment à travers Android Auto ou Apple CarPlay qui permettent d’utiliser certaines applications d’un smartphone sur l’écran d’ infotainement de l’automobile (Waze ou Google Maps).

Jonathan Goodman
Jonathan Goodman© R. VAD

Un intérieur végane

Enfin, Polestar cherche à jouer à fond la carte environnementale et durable. Après tout, la lutte contre les émissions de CO2 et les gaz toxiques n’est-elle pas le point de départ de la production de véhicules électriques, même si le mariage entre voitures sportives et environnement semble, à première vue, hasardeux ? Selon le pitch de Polestar, la marque assure que tout sera fait pour minimiser le plastique à bord. ” Nous allons réduire la présence de plastiques dans les sièges par l’utilisation d’un tissu en maille 3D, produit à partir de bouteilles PET 100 % recyclées, explique Lies Eeckman. Les plastiques intérieurs seront, eux aussi, fabriqués à partir de déchets en liège, ainsi que les tapis de sol, produits à partir de filets de pêche recyclés. ”

La concept car Precept préfigure sans doute la future concurrente de la Tesla Model S.
La concept car Precept préfigure sans doute la future concurrente de la Tesla Model S.© PG

Thomas Ingenlath, le CEO de Polestar, qui est aussi le patron du design chez Volvo, cherche à se montrer aussi radical qu’Elon Musk pour défendre la voiture électrique. ” Certains grands constructeurs s’inquiètent du risque auxquels ils s’exposent en allant trop vite dans l’électrification. Je pense que c’est l’inverse. Il y a un risque d’aller trop lentement “, expliquait, fin février, cet ancien du groupe VW à Automotive News Europe.

” Combien de temps devra-t-on expliquer que ce n’est pas une idée folle de créer un nouveau constructeur de voiture électrique ? Ce genre de discussion me fatigue, on ne devrait plus l’avoir “, a-t-il ajouté. ” Le rythme et la manière dont l’électrification est implémentée n’est pas satisfaisante et certainement trop lente, regrette-t-il encore. Trois parties doivent se mettre autour de la table pour accélérer l’électrification : l’industrie automobile, les politiques et les consommateurs. ” Pour lui, le problème de l’industrie automobile n’est pas de réduire le niveau de CO2, ” c’est de le supprimer “. Des considérations qui vont nettement plus loin que la marque Polestar, qui ne vise pas vraiment le grand public.

Geely, le nouveau Volkswagen ?

Polestar est une marque du groupe chinois Zhejiang Geely. Ce dernier est un constructeur privé, dirigé par Li Shufu, qui se transforme progressivement en fabricant global multimarque, à l’image de Volkswagen. Sa première opération dans cette direction a été le rachat de Volvo Cars à Ford, en 2010, pour 1,8 milliard de dollars. Depuis lors, les ventes ont quasiment doublé, passant de 373.525 à 705.452 véhicules, de 2010 à 2019, en partie en Chine.

Ce fut la première étape d’une série d’opérations, dont l’acquisition d’une participation de 9,7 % dans le groupe Daimler (Mercedes) l’an passé, ce qui fait de Geely le premier actionnaire du groupe. Il contrôle aussi Lotus et a encore racheté 50% de Smart à Daimler.

Polestar reflète bien l’approche de Geely. Le constructeur n’ignore pas que le made in China pur et simple, avec une marque chinoise, est délicat à vendre en Europe ou aux Etats-Unis. Aussi a-t-il mis au point une approche qui s’apparente à celle d’Apple pour ses iPhone ou ses iPad (” made in China designed in California “), qui rassure les consommateurs occidentaux. Polestar est donc ” made in China, designed in Sweden “. Geely a investi dans Volvo plus de 6 milliards d’euros en développant des plateformes communes avec les marques chinoises du groupe, qui permettent de réduire les coûts et de développer des éléments communs, notamment pour des autos électriques. Et de développer de nouvelles marques, comme Polestar, et aussi Lynk & Co, qui vise un public jeune amateur d’autos connectées.

Certains modèles sont assemblés en Chine, sur les chaînes de Geely. C’est le cas de Polestar, et aussi de certaines Volvo, comme les berlines haut de gamme S90. Dans l’esprit des clients, elles restent des voitures suédoises avec un design scandinave.

La dernière idée de Li Shufu, le CEO de Geely, est de fusionner Volvo Cars avec Geely et de coter le nouvel ensemble à Hong Kong, pour encore davantage intégrer Volvo et Geely. Le nouvel ensemble représente un chiffre d’affaires de 38,5 milliards d’euros (en majorité produit par Volvo Cars). La nouvelle a été annoncée en pleine crise du coronavirus. Peu après, Geely a annoncé se lancer dans la fabrication de satellites pour les voitures connectées et autonomes.

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