Jupiter redescend sur terre

Illustration. En décembre 2019, manifestation contre le nouveau régime des retraites. © BELGAIMAGE

Retraites, écologie, immigration… Emmanuel Macron devra jongler entre sa volonté de réformer et celle de trouver un consensus dans une France nerveuse.

Terminé l’arrogance d’hier, place au président qui écoute. L’écoute sera en effet le nouveau style adopté par Emmanuel Macron cette année, alors que le président français tentera de maintenir l’équilibre entre volonté de réforme et de consensus. La France reste agitée, la crédibilité de Macron est fragile, et cette nouvelle approche pourrait bien nuire aux ambitions du pays.

A la suite du conflit avec les gilets jaunes, le président va choisir d’appliquer le remède de la pédagogie. Il renouvellera l’expérience des réunions locales de son ” grand débat national ” de 2019 pour tenter d’expliquer ses prochaines réformes. Il faut s’attendre à le voir faire la tournée des salles municipales, répondre aux questions en bras de chemise et défendre ses arguments.

Bataille de Paris

Le sujet le plus sensible sera celui de la réforme des retraites, que le gouvernement tentera de faire adopter par le Parlement avant l’été. Emmanuel Macron compte fusionner les 42 régimes de retraite en un système unique par points. Complexe sur le plan administratif, ce projet est également explosif sur le plan politique. En décembre 2019, ceux qui risquent de perdre leurs avantages sont déjà descendus dans la rue, accusant Macron de vouloir liquider l’Etat providence.

La décision finale sur les retraites sera reportée après les municipales, qui se dérouleront au mois de mars dans les 35.000 communes du pays. En France, les maires sont des personnalités très appréciées, ce scrutin sera donc un test à grande échelle pour évaluer si le jeune parti présidentiel, La République en marche (LREM), peut s’implanter localement. Le succès risque de ne pas être au rendez-vous. Le scrutin le plus emblématique sera la bataille pour la mairie de Paris. Benjamin Griveaux, un proche de Macron, affrontera Anne Hidalgo, la maire socialiste en place. La course sera serrée, et la campagne de Griveaux pourrait s’enliser, notamment parce qu’il affronte un rival de son propre camp, Cédric Villani, célèbre mathématicien et député LREM. Si cet affrontement menace les chances de Macron de prendre la capitale, le président pourrait envoyer Edouard Philippe, le Premier ministre, à la place. Dans cette éventualité, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, le remplacerait probablement.

Tout au long de l’année, Macron insistera sur deux thèmes, en grande partie dans le but de déstabiliser ses adversaires. Pour repousser les Verts, il se présentera comme le champion du combat mondial contre le changement climatique et d’une économie respectueuse de l’environnement. Pour endiguer la droite dure et Marine Le Pen, il restera ferme sur l’immigration. La vie politique française faisant preuve d’une mobilité inhabituelle au sein des partis, les personnalités à suivre cette année seront l’écologiste Yannick Jadot, le socialiste et ancien ministre Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand au centre droit et, à l’extrême droite, Marion Maréchal, la nièce aux dents longues de Marine Le Pen.

Dirigeant naturel

Sous pression en France, Macron tentera de s’imposer à l’étranger comme le prochain dirigeant naturel de l’Europe. En l’année qui marque le centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc, héroïne nationale, cette volonté suscitera des critiques à propos de la grandeur fantasmée de la France. Macron ne manquera pas d’idées – notamment sur la nécessité d’une ” souveraineté ” européenne – ni de propositions pour parvenir à les concrétiser, comme le renforcement de la coopération européenne en matière de défense, y compris dans les domaines spatial et de l’intelligence artificielle. Il continuera obstinément de jouer les négociateurs dans les dossiers iranien, syrien ou même russo-ukrainien, même si les résultats ne sont pas à la hauteur.

De telles ambitions ne lui vaudront pas que des amis. Les efforts de Macron pour rapprocher la Russie de l’Europe, loin du giron de la Chine, seront perçus avec méfiance à Berlin et à l’Est. Le 9 mai, à Moscou, le président français va peut-être assister aux commémorations du jour de la victoire (contre l’armée allemande, en 1945). Pourtant, s’il s’y prend bien, la mise en retrait du Royaume-Uni à cause du Brexit, l’affaiblissement de l’économie allemande et les problèmes intérieurs d’Angela Merkel, le tout porté par une Commission européenne favorable à la France, pourraient offrir au président français une occasion exceptionnelle de devenir le nouveau porte-parole de l’Europe.

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