Inquiétudes d’une femme médiatique

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L’année 2015 fut particulièrement douloureuse pour Claire Chazal. En seulement quelques mois, elle perd ses deux parents. Le tristesse de l’adieu se mesure à la pile des questions qu’elle rêvait encore de poser à ses géniteurs. En septembre, le couperet professionnel tombe : dans quelques semaines, elle présentera son dernier 20 heures sur TF1 après plus de 20 ans à la barre de la grand-messe de l’information. La conjonction de ces événements a poussé Claire Chazal dans une profonde solitude. Son refuge ne pouvait être que l’écriture pour cette dévoreuse de littérature. Celle qui fut la star de la plus puissante chaîne d’Europe par son audience nous livre ici ses souvenirs et ses inquiétudes.

J’ai su être follement libre.

Avec un vers d’Apollinaire pour titre, Puisque tout passe laisse le lecteur avec cette paradoxale attitude par rapport au temps qui laisse derrière nous aussi bien les mauvais moment que les bons moments. ” Il y a tout de même une forme de philosophie dans ce titre, mélancolique mais pas trop triste “, nous confie Claire Chazal. Non pas de la résignation mais tout de même un certain fatalisme, reconnaît-elle plutôt apaisée. Cette attitude tranche avec une sorte de peur permanente de ne pas avoir été perçue comme il le fallait. Notamment par ses parents : un père aux ” moments sombres et aux humeurs chagrines “, écrit-elle dans ses pages les plus émouvantes. Sa mère avait ” réussi “, mais sans sentiment de s’accomplir, se réfugiant derrière une certaine froideur. Chez les Chazal, on parle peu, et surtout, la télévision, on ne l’aime pas tellement. Pour Claire, cette indifférence parentale par rapport à son métier surexposé a causé un manque. De la télé, elle-même s’en distancie. ” J’ai adoré faire ces journaux, confie-t-elle. Mais le monde de la télévision ne m’intéresse pas du tout. C’est un milieu professionnel comme un autre. On ne doit pas le mythifier, ni l’éreinter non plus. Ce n’était pas mon graal. ”

C’est donc dans la littérature que père et fille se retrouvent. Claire Chazal parsème ses ” fragments de vie ” de références variées. Parfois à l’envi, comme si elle était toujours cette bonne élève qu’elle fut adolescente. ” C’est vrai que j’étais par tempérament un être plutôt réservé, discipliné, non transgressif, aimant les codes, conformant. Je pense que c’est ce qui structure un être humain. De cela, je pense avoir fait autre chose et effectivement j’en ai fait une vie, pas forcément transgressive mais où je n’ai pas vraiment suivi les codes sociaux. ” Faisant allusion à sa vie sentimentale, elle revient dans cet ouvrage sur l’échec de son mariage avec Xavier Couture, acteur incontournable du PAF. Elle ne pouvait pas éluder non plus son grand amour, médiatisé, pour son collègue de l’époque Patrick Poivre d’Arvor. De cette passion ” chaotique “, elle en retient leur fils François, ” jeune homme mystérieux “, à qui la journaliste dédie cet ouvrage. ” Qu’ai-je reçu ? Qu’ai-je su transmettre ? “, questionne-t-elle, inquiète encore une fois. Attachée aux combats féministes mais refusant leurs définitions exclusives et agressives, elle revendique sa transgression dans ses choix d’avoir élever un enfant seule et d’avoir géré ses relations comme elle l’entendait. La conclusion reste amère cependant : ” C’est la peur de souffrir qui me détourne aujourd’hui de l’amour “.

Personnage complexe à la retenue toute bourgeoise des cercles parisiens, Claire Chazal se perd parfois dans un livre au style trop appuyé. Ses rares souvenirs professionnels, souvent consensuels, s’expriment sans véritable regard critique sur le métier. Le lecteur ne pourra cependant mettre en cause la sincérité avec laquelle elle se livre sur les chapitres intimes de sa vie.

Claire Chazal, ” Puisque tout passe “, éditions Grasset, 198 pages, 18 euros.

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