Bourse: le grand écart en fonction des différents segments immobiliers

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La crise du coronavirus a accéléré de nombreuses tendances. Le secteur immobilier n’y a pas échappé avec des fortunes et des perspectives de plus en plus hétéroclites entre les différents segments.

Financièrement, la crise du coronavirus a eu un impact structurel favorable pour les sociétés immobilières. La baisse durable des taux d’intérêt, avec des rendements de référence autour de zéro tant en Europe qu’aux Etats-Unis, réduit leurs coûts de financement et rend leur dividende plus attractif. Toutes n’en ont toutefois pas profité. La principale explication est l’accélération des grandes tendances sociétales : boom de l’e-commerce, démondialisation, télétravail, développement durable, numérisation. En tant que secteur transversal, l’immobilier est directement concerné. Mais l’impact s’est avéré très disparate en fonction des segments immobiliers comme l’illustre le parcours boursier de quatre géants de l’immobilier : Prologis, leader mondial des entrepôts, Vonovia, géant allemand de l’immobilier résidentiel, Unibail-Rodamco-Westfield, numéro un mondial des centres commerciaux, et Equinix, le plus grand fournisseur mondial de centres de données.

Bourse: le grand écart en fonction des différents segments immobiliers

L’immobilier commercial : grosse déprime

“L’immobilier commercial est toujours en difficulté et souffre de la crise du coronavirus. Ceux qui pensaient que nous avions peut-être vu le pire après la première vague de la pandémie pourraient devoir revoir leur point de vue”, écrivait il y a quelques semaines Frank Vranken.

Le stratégiste en chef de Puilaetco faisait référence à l’annonce d’une recapitalisation par Unibail- Rodamco-Westfield (URW). L’essentiel du portefeuille immobilier du géant franco-néerlando- australien est composé de 89 centres commerciaux de référence en Europe et en Amérique du Nord. Confronté à la fermeture obligatoire de leur magasin, de nombreux locataires n’ont pas payé leur loyer depuis mars. Au deuxième trimestre, le taux de recouvrement des loyers était ainsi d’à peine 38% pour les centres commerciaux. Bien que la quasi-totalité ait rouvert en juin, seule la moitié des loyers de juillet avaient été payés.

Et ce n’est là que l’impact à court terme. Brian Nowak, responsable d’une équipe d’analystes chez Morgan Stanley, estime également que la crise du coronavirus a accéléré la pénétration de l’e-commerce d’au moins deux ans. Ce qui est une très mauvaise nouvelle pour l’immobilier commercial. Aux Etats-Unis, où la retailpocalypse sévit déjà depuis plusieurs années, la crise du coronavirus a été le coup de grâce. Le record de 9.300 fermetures de magasins en 2019 devrait ainsi être pulvérisé puisque le compteur 2020 était déjà à 7.500 début août, selon le site Business Insider. Une tendance que l’on observe aussi en Europe et Belgique. Pensons seulement aux faillites de Brantano ou de Camaïeu.

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De mauvais augure pour les spécialistes de l’immobilier commercial… La disparition d’enseignes va inévitablement réduire la demande pesant sur les loyers et les prix. URW a vu le taux de vide locatif augmenter à 6,8% et la valeur de son patrimoine immobilier baisser de 7,6% au premier semestre. Pour les immobilières actives en Europe, la crise du coronavirus marque un réel tournant alors qu’elles avaient été jusqu’à présent relativement protégées grâce à la pénétration moins avancée de l’e-commerce.

Dans le cas d’URW, cela l’a déjà contraint à une vaste opération de recapitalisation de 9 milliards. Le groupe veut notamment réaliser une augmentation de capital de 3,5 milliards qui s’annonce déjà très dilutive et réduire ses investissements, ce qui semble être néfaste à court terme. Aux Etats-Unis, de nombreux centres commerciaux investissent dans de nouveaux services pour se reconvertir en centres de loisirs afin d’éviter la fermeture.

Les rendements de dividende élevés des immobilières commerciales, comme les sociétés immobilière réglementée (SIR) belges Retail Estates (7,7% brut), Vastned Retail Belgium (14% brut) ou Wereldhave Belgium (11,9% brut), ne doivent pas vous faire perdre les risques de vue. Comme l’ont déjà expérimenté les investisseurs belges avec Qrf, la renégociation des baux par H&M ayant précipité la chute du titre en Bourse.

Bureaux : l’incertitude

Si l’immobilier commercial est le grand perdant de la crise du coronavirus, les bureaux sont entre deux eaux. L’impact est resté limité jusqu’à présent comme on peut le découvrir dans les derniers chiffres de Befimmo : “peu d’impact de la crise liée à la pandémie Covid-19 sur les résultats du premier semestre de l’exercice”.

La SIR spécialisée dans les bureaux a même enregistré une plus-value de 22 millions d’euros ou 28% (en sept ans) sur l’octroi d’une emphytéose de 99 ans sur la Blue Tower dans le quartier à Bruxelles en août.

La disparition d’enseignes va inévitablement réduire la demande pesant sur les loyers et les prix

Pourtant, les perspectives restent assez floues. “Les décisions stratégiques à long terme sont en suspens”, constatait ainsi Bob Sulentic, CEO de CBRE. La principale incertitude concerne l’évolution des besoins des entreprises. Les optimistes espèrent que des mesures pérennes de distanciation physique auront pour résultat d’accroître les espaces occupés. Les autres redoutent une généralisation du télétravail, ce qui réduirait in fine les besoins de bureaux des entreprises.

Bob Sulentic se montre plutôt confiant et prévoit que la crise du coronavirus aura pour effet de réduire la surcapacité sur le marché des bureaux. Paul Williams, CEO de Derwent London, se montre par contre plus pessimiste estimant que “le véritable impact du confinement” n’est pas encore visible sur le marché (londonien) et évoquant une hausse “inévitable” du vide locatif.

Les seules certitudes à l’heure actuelle sont que les propriétaires d’immeubles devront accentuer leurs investissements dans la flexibilité et la sécurité des espaces. Cependant, tant que les loyers se maintiennent comme actuellement, les bureaux restent un marché intéressant pour les investisseurs. Sur la base de son dividende prévu pour 2020 d’au moins 2,24 euros par action, Befimmo affiche, par exemple, un rendement de 5,7% brut (soit 4% net). La société néerlandaise NSI est pour sa part active sur le marché des bureaux dans différentes villes aux Pays-Bas. Son rendement de dividende brut atteint 7,3%, soit 4,3% net après double précompte (15% aux Pays-Bas, 30% en Belgique)

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Immobilier logistique : tout sourire

Sur le marché immobilier, quand les commerces pleurent, les entrepôts rient. Principal bénéficiaire (immobilier) du développement de l’e-commerce, l’immobilier bénéficie d’un grand intérêt des investisseurs depuis de nombreuses années comme l’illustrent les extraordinaires parcours boursiers du géant américain Prologis ou de la SIR belge WDP depuis 10 ans.

La crise du coronavirus a même eu un double effet favorable pour l’immobilier logistique. D’une part, elle a accéléré la pénétration de l’e-commerce. D’autre part, la tendance à la démondialisation et les ruptures de chaînes d’approvisionnement vont inciter les entreprises à conserver davantage de stocks. Rien que pour cette seconde tendance, Hamid Moghadam, CEO de Prologis, évoquait un doublement du taux de croissance au cours des quatre à cinq prochaines années avec une demande forte assez rapide pour stocker les biens dans le cadre des procédures de faillite/liquidation.

Le principal inconvénient des sociétés immobilières industrielles/logistiques est leur valorisation élevée. WDP, réputé pour avoir installé des panneaux solaires sur ses entrepôts, vaut désormais plus de 5 milliards d’euros et son rendement de dividende brut prévu pour 2020 plafonne à 2,6%. Intervest Offices & Warehouses peut faire office d’alternative intéressante. La SIR a changé de stratégie il y a quelques années. Elle est désormais majoritairement active dans les entrepôts logistiques (63% du portefeuille fin juin) et a entrepris de moderniser son portefeuille de bureaux. Sur la base de son dividende brut prévu de 1,53 euro pour 2020, son rendement atteint 6,6%.

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Immobilier de santé : l’heure des questions

Dominé par les maisons de repos, l’immobilier de santé avait clairement le vent en poupe ces 10 dernières années sur fond de vieillissement de la population. Les perspectives de consolidation en Allemagne ou aux Pays-Bas ainsi que les besoins de capitaux des exploitants des maisons de repos ont aussi permis à des sociétés comme Aedifica de se développer rapidement.

Les propriétaires d’immeubles de bureaux devron accentuer leurs investissements dans la flexibilité et la sécurité des espaces

La crise du coronavirus a toutefois insinué le doute dans l’esprit des investisseurs comme l’illustre l’évolution du cours d’Aedifica. Structurellement, les nombreux décès dans les maisons de repos ne risquent-ils pas de plomber la demande avec, par exemple, un recours accru aux services à domicile ? A court terme, les impayés vont-ils augmenter en raison des difficultés connues par de nombreux locataires/exploitants de repos confrontés à des surcoûts et des places vides ?

Aedifica a ainsi déjà dû faire face aux difficultés deux locataires, à savoir le britannique Four Seasons et le finlandais Touhula. Jusqu’à présent sans réel impact sur les résultats, la société ayant trouvé de nouveaux locataires.

Même confiance chez Care Property Invest qui indique n’observer aucune pression sur les loyers, notamment grâce au soutien temporaire des autorités en Flandre pour les exploitants de maisons de repos. La SIR compte même poursuivre ses investissements sur ses trois marchés (Belgique, Pays-Bas, Espagne).

Le rendement de dividende d’Aedifica et de Care Property Invest est plutôt limité à 3% brut mais le précompte réduit de 15% le rend plus attractif (2,5% net). Autre alternative, Cofinimmo est investi à 57% dans l’immobilier de santé mais offre aussi une diversification dans les bureaux (30%) et les réseaux de distribution (12%). Le rendement de dividende net atteint 3,2% sur la base d’un coupon brut estimé de 5,80 euros pour 2020.

Centre de données : la bonne idée ?

Absent parmi les SIR belges, le segment des centres de données a connu une excellente année sur fond de numérisation tous azimuts. Les principaux acteurs sont américains : Equinix, CoreSite Realty, QTS Realty, Digital Realty ou CyrusOne. Le principal inconvénient demeure le double précompte sur le dividende, y compris si vous investissez via un ETF comme le Pacer Benchmark Data & Infras- tructure Real Estate SCTR.

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