Etre solitaire pour être solidaire?

Amid Faljaoui

Je n’ai pas lu de sondage à ce propos, mais vu les conversations captées ici et là, sans oublier les petites blagues assassines diffusées en masse sur WhatsApp ou Facebook, je pense, hélas, que le niveau de confiance des Belges à l’égard de leurs politiques (et probablement aussi, des médias) est au plus bas.

Les politiques diront que c’est la faute des citoyens car ils n’ont pas compris que le nouveau slogan de cette pandémie est en quelque sorte ” restons solitaires pour être solidaires “. Mieux encore, comme le faisait remarquer ironiquement le consultant Philippe Bloch, aujourd’hui, ” rester planqué n’est plus une lâcheté ; l’égoïsme est même devenu étrangement une forme d’altruisme “. En clair, plus vite on diminuera nos interactions physiques, plus vite cette pandémie sera freinée. De leur côté, une partie de nos compatriotes n’en peuvent plus de ce gouvernement de médecins qui se contredisent les uns les autres et de ces politiques aux injonctions parfois tardives et souvent contradictoires.

L’entrepreneur sait qu’il doit importer ” les emmerdes ” et exporter de l’enthousiasme.

Au fond, c’est assez étonnant mais aujourd’hui, les citoyens ont davantage confiance dans le monde de l’entreprise que dans celui des élus, des médias et des experts. En réalité, c’est normal: l’entrepreneur sait qu’il doit importer ” les emmerdes ” et exporter de l’enthousiasme. La devise de l’entrepreneur, c’est ” demain, ça ira mieux “. A l’inverse, les politiques, à force de se focaliser sur les interdits, de nous parler de tsunami, ont oublié de nous donner un but, une ” raison d’être “.

La Belgique n’est pas seule dans son désarroi. La communication du Premier ministre français Jean Castex en est la preuve. N’est-ce pas lui qui a osé déclarer que novembre sera éprouvant: ” Les cas positifs d’aujourd’hui seront, pour certains, les malades hospitalisés de demain et peut-être les morts d’après-demain “? Personne ne lui a-t-il expliqué que l’économie est faite de psychologie et de confiance? Ni lui ni Frank Vandenbroucke n’ont compris que la confiance d’aujourd’hui, c’est la consommation et l’investissement de demain, et la croissance d’après-demain. Le président américain Roosevelt, lui, le savait et n’avait pas hésité à rappeler dans son discours d’investiture que ” sans vision, le peuple meurt “.

Ces quatre mots sont le grand défi de nos politiques aujourd’hui: au-delà des interdits, des conférences de presse anxiogènes, nos élus n’arrivent pas à rassembler les citoyens autour d’un projet positif et fédérateur. Il ne suffit pas de dire qu’on va débloquer de l’argent, il faut aussi nous parler de la sortie du labyrinthe. Bref, nous donner au moins une destination commune, à défaut d’un timing précis.

A l’inverse, le monde de l’entreprise apparaît comme doté d’un cap et simultanément, comme plus ingénieux, plus souple et plus capable de surmonter les obstacles. La preuve? Les firmes ont basculé à la vitesse de l’éclair vers le télétravail, elles se sont mises en réseau, elles ont accéléré leur numérisation, adapté leur organisation, mis en place les protections nécessaires pour leurs collaborateurs. Elles ont communiqué positivement à l’égard de leurs employés, de leurs clients, de leurs fournisseurs. Elles ont ajusté leur offre, négocié avec leurs banquiers, avec l’administration, elles ont parfois aussi changé de modèle économique. En fait, les entreprises ont compris que le fameux ” monde d’après ” est une page blanche. Il sera ce qu’on en fera, tous, collectivement. Mais justement, n’est-ce pas cela, le rôle des politiques: nous donner les clés pour réorganiser ce nouveau monde et nous y sentir bien, malgré le virus? L’homme d’affaires américain Clément Stone le disait plus prosaïquement: ” Lorsque la vie vous envoie un citron, pressez-le et obtenez-en de la citronnade! “

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