Entre économie “covidée” et retour du Catch 22

Amid Faljaoui

Le Covid-19 a épuisé psychiquement et physiquement tout le monde. Les politiques les plus aguerris le savent bien: le danger actuel, c’est la fatigue de la population. C’est le ferment d’une explosion sociale et d’un déport des voix vers les tribuns les plus radicaux. On le sent bien avec ces histoires de troisième dose, la population en a “sa dose”, sans jeu de mots, et chacun voudrait revenir à… la normale.

Mais c’est quoi la “normale”? Bien entendu, chacun a sa définition. Est-ce le retour au monde d’avant la pandémie? Je me garderai bien de me prononcer, parce que le sujet est abrasif. A vrai dire, la question ne se pose même pas car le retour à la normale n’est pas pour tout de suite. La raison? Le Covid-19 a grippé les rouages de l’économie mondiale. On pourrait même dire que la pandémie a “covidé” nos économies.

Le premier indicateur à avoir été “covidé”, c’est l’inflation. Absente pendant de longues années, la voici de retour dans nos conversations. Le ménage pour se plaindre de ses factures d’électricité et l’entrepreneur pour râler sur la hausse de ses coûts. Les plus optimistes diront que cette hausse des prix est temporaire. Qu’elle résulte d’une forte reprise économique, donc d’une forte demande. Le hic, c’est que l’offre de produits ne suit pas. D’où ces goulets d’étranglement.

Par ailleurs, ce retour de l’hydre inflationniste fait peur aux épargnants. Normal, leur épargne est en train de fondre puisque la hausse des prix est supérieure au rendement de leur livret. Avec un rendement de 0,11% sur l’écrasante majorité des comptes d’épargne et une inflation d’environ 4%, sans oublier les frais bancaires, nous perdrons chaque année plus ou moins 4% d’intérêt si rien ne devait changer.

Rien de neuf sous le soleil, le phénomène est connu des économistes qui parlent de taux d’intérêt réel (le taux d’intérêt moins l’inflation). Avec l’inflation actuelle, “durablement temporaire”, ces taux d’intérêts réels sont en chute libre. Bref, c’est un sale temps pour les personnes qui vivent de leurs rentes (retraités). D’ailleurs, si la Bourse et l’immobilier continuer de caracoler, c’est normal. En effet, comme il n’y a pas d’autres alternatives pour trouver du rendement, ces deux segments de l’économie sont en surchauffe quasi perpétuelle. Pour la brique, c’est logique: avec des taux d’intérêt bas et une inflation haute, l’emprunteur est gagnant.

Ce que le citoyen consommateur gagne en capacité d’endettement, il le perd sur le prix de l’immobilier.

Est-ce donc le moment d’acheter son bien immobilier, docteur? Je vois que vous avez des doutes. Parce que la situation ne durera pas éternellement et que les taux d’intérêt finiront un jour par remonter? Vous aurez raison de le penser, mais nos dettes publiques sont tellement élevées que même si les taux remontent (ce qu’ils font en ce moment), ils seront toujours en retard d’une guerre sur l’inflation, histoire de voir ces mêmes dettes publiques s’effacer d’elles-mêmes… Traduction, l’emprunteur à taux fixe est gagnant en période inflationniste. Mais le vice de cette situation, c’est que le prix des maisons et des appartements reste toujours orienté à la hausse. En d’autres mots, ce que le citoyen consommateur gagne en capacité d’endettement, il le perd sur le prix de l’immobilier.

Le romancier américain Joseph Heller avait intitulé l’un de ses romans Catch 22. Depuis sa publication après la Seconde Guerre mondiale, ce titre est devenu une expression anglo-saxonne pour désigner une situation inextricable. Exactement comme ce chômeur qui se voit refuser un emploi par manque d’années d’expérience, mais comment pourrait-il en avoir si on ne l’embauche pas? L’immobilier en Belgique, c’est du Catch 22 à la puissance 10…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content