Dette publique: “A la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent”

Amid Faljaoui

Alors qu’on discute encore pour savoir quand les restaurants pourront enfin rouvrir leurs portes, d’autres sont déjà dans l’après-pandémie. C’est le cas de Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, qui vient encore de répéter qu’il était “inenvisageable” d’annuler la dette publique et notamment celle générée par le Covid-19. Et d’ailleurs, Jan Jambon, le ministre-président de la Région flamande, n’a pas dit autre chose lorsqu’il a avoué que sa Région – pourtant très riche – était au maximum des aides qu’elle pouvait octroyer, vu que la dette publique devra être un jour remboursée par “tous”.

Nous allons gesticuler, prendre à témoin Dieu et ses saints mais, au final, il faudra rembourser. Calmement et sur le temps, mais il faudra rembourser.

Pendant ce temps, plus de 100 personnalités économiques et politiques ont lancé vendredi dernier un appel à annuler les dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne. Parmi ces 100 personnalités, il y a Paul Magnette, le président du PS. Personnellement, je suis assez perplexe quant à ce débat sur l’annulation de la dette publique liée au Covid-19. Mais je prends le pari que les économistes et les politiques vont encore s’écharper pendant des mois sur ce sujet malgré la fin de non-recevoir de Christine Lagarde. Les partisans de l’annulation de la dette publique disent que les taux d’intérêt sont tellement bas que c’est un moment historique pour s’endetter à long terme. A vrai dire, beaucoup d’économistes le disent également mais à condition que ce soit un endettement pour des investissements productifs futurs et non pas pour sauvegarder des secteurs du passé.

Les partisans de l’annulationde la dette publique affirment également que la population a déjà assez souffert de cette pandémie. Bref, ils ne voient pas pourquoi les citoyens devraient payer pour la dette liée au Covid-19 sous prétexte que l’Etat s’est endetté pour sauver des entreprises de la faillite et payer le chômage temporaire à des centaines de milliers de salariés du privé. Aux yeux des politiques, cet argument est sans doute le plus solide. La crainte d’une révolte sociale, si on augmente les impôts ou réduit les dépenses sociales, est loin d’être théorique.

Face à ce camp plutôt tonitruant, vous avez les tenants de l’orthodoxie budgétaire qui disent: si on ne rembourse pas notre dette, nous le paierons cher plus tard. Par exemple via des taux d’intérêt plus élevés pour notre pays. Et comme notre dette publique appartient en majorité à des investisseurs étrangers, cela risque de faire mal. Au final, selon eux, le paradoxe, c’est que ce seront les partis qui défendent les plus défavorisés qui risquent de surexposer les plus démunis. Les lecteurs plus âgés se souviendront de ce que disait Valéry Giscard d’Estaing face au front commun de la gauche: “L’économie se venge toujours. Et elle se venge sur nous et pas sur ceux qui ont pris les décisions contestées”.

Bien entendu, ce débat est le signe d’une bonne démocratie, mais il n’aura lieu que dans quelques pays dont la France et la Belgique. La raison? Les patrons de l’Europe, ce sont les Allemands. Et là-bas, le débat est déjà tranché. Pas question d’annuler ou de rééchelonner la dette. En conclusion, nous allons gesticuler, prendre à témoin Dieu et ses saints mais, au final, il faudra rembourser. Calmement et sur le temps, mais il faudra rembourser. Les amateurs de foot connaissent l’expression: “Et à la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent”.

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