“Des maisons spacieuses dans un cadre verdoyant”

Patricia Martin est la cofondatrice de l'agence immobilière TopImmo, qui possède deux agences à Arlon et Neufchâteau, en plus de son siège social de Bastogne. © Debby Termonia

L’immobilier luxembourgeois voit tous ses indicateurs au vert. Le vert qui est d’ailleurs le principal atout de la province, pour les télétravailleurs comme pour les résidents secondaires, combiné au traditionnel effet Grand-Duché.

Confiné, l’acheteur immobilier semble avoir cherché une chose en 2020: l’espace, nouveau critère d’achat aussi bien à l’intérieur, dans nos maisons, qu’à l’extérieur, dans nos jardins et aux alentours. Pas étonnant dès lors que la province du Luxembourg ait connu un certain essor l’an dernier. Le sud du pays, lieu de résidence de choix des travailleurs frontaliers, deviendra-t-il le nouvel eldorado des télétravailleurs, Luxembourgeois et autres résidents secondaires en quête d’air pur? Patricia Martin, cofondatrice de l’agence immobilière TopImmo, nous donne son avis.

TRENDS-TENDANCES. L’activité immobilière en province du Luxembourg, à savoir le nombre de ventes, a connu en 2020 une hausse de 2,6%, contre 0,8% pour la Région wallonne et contre une chute de 2,7% pour l’ensemble de la Belgique. Le sud de la province et l’arrondissement d’Arlon en particulier ont toujours bénéficié du rayonnement du Grand-Duché du Luxembourg. A cela s’est-il ajouté un effet Covid?

Patricia Martin. Avec la pandémie, la province connaît un regain en raison de la qualité du territoire, de ses espaces verts, de son air pur. C’est ça, notre richesse. En confinement, nous avons le luxe de prendre nos chaussures de marche et d’aller nous promener sans masque dans la forêt. Ce rebond s’explique par plusieurs éléments: le nouvel attrait des secondes résidences, principalement pour les Bruxellois et les Flamands, l’intérêt de certains Luxembourgeois pour des biens de ce côté de la frontière et le paramètre du télétravail. Dorénavant, puisqu’on n’ira plus qu’une fois au bureau par semaine par exemple, on peut s’installer plus loin, à Chiny ( au sud de Neufchâteau, Ndlr), près de la Semois ou près de l’Ourthe et faire davantage de la qualité d’environnement un critère d’achat. C’est un élément essentiel qui a provoqué un regain de l’immobilier, peut-être plus particulièrement en province du Luxembourg. D’ailleurs, ce qui a la cote maintenant, ce ne sont plus la maisons avec séjour ouvert où on est content de rentrer le soir, où on peut surveiller les enfants depuis la cuisine, où on a un petit coin avec un ordinateur pour vérifier un mail ou passer quelques instants. Non, c’est la maison spacieuse, avec un bureau pour chaque adulte en télétravail, avec une pièce pour les enfants, et puis un grand jardin – au lieu des cinq ares suffisants il y a encore peu – pour se créer un beau cadre de vie chez soi quand on est confiné. Il en va de même pour les appartements où on cherche avant tout un appartement avec terrasse ou un rez avec un côté jardin.

Ce qui a la cote, c’est la maison spatieuse avec un bureau pour chaque adulte en télétravail.

Autre phénomène résutant de la pandémie: certains Luxembourgeois qui n’ont pas le pouvoir d’achat suffisant, ni autant d’espace chez eux n’hésitent pas à investir en Belgique dans des fermes avec des hectares pour simplement profiter de ce cadre de vie ou bien pour y vivre presqu’en autarcie, en développant un projet de permaculture et en élevant quelques animaux.

La province connaît également la hausse la plus forte des prix des maisons au niveau belge, soit 14% en moyenne, contre 4% sur l’ensemble du pays. Comment explique-t-on cela?

C’est l’effet du Grand-Duché. Arlon se situe à moins de 10 minutes du Grand-Duché du Luxembourg, où certains types de biens sont trois fois plus cher, avec un minimum de 300.000 euros pour même pas 40 m2. Le frontalier va donc se rabattre sur la Belgique et se rapprocher le plus possible du Grand-Duché. Soit toutes ces communes proches, comme Arlon, Messancy, Aubange ou Attert qui est le poumon vert d’Arlon. D’où les prix plus élevés dans ces communes. Si le centre d’Arlon a quelque peu perdu sa vitalité commerciale, le centre commercial Hydrion ( à l’ouest, Ndlr) a eu un impact sur les constructions dans les villages de Heinsch ou Viville en périphérie, des maisons avec une vue sur la campagne. Messancy ( au sud d’Arlon, Ndlr) a un peu plus la cote actuellement: situé à quelques kilomètres des principaux axes autoroutiers, avec un shopping décentralisé et un parking aisé, avec de beaux villages ruraux et verdoyants où l’on peut se permettre des maisons spacieuses.

Par contre, quand ils n’ont pas le pouvoir d’achat pour ces communes privilégiées et proches du Luxembourg, les gens s’éloignent mais tout en veillant à garder un accès direct aux grands axes autoroutiers que sont la E25, la E411, voire la N4. Ces communes-là auront un prix encore élevé, moins qu’Arlon mais davantage qu’une commune plus éloignée de l’autoroute.

Un quart des maisons vendues à Messancy présentaient un prix au-delà de 400.000 euros. De quel type de biens s’agit-il?

C’est une maison traditionnelle. On n’est pas dans un schéma de bien de prestige. Cela peut être une maison trois façades avec suite parentale, deux chambres, une salle de bain familiale et un jardin de 10 ares, par exemple. Dans les beaux quartiers d’Arlon, de nouveaux quartiers résidentiels proches de la ville avec des maisons récentes, certains types de biens sont présentés à partir de 450.000 euros. Alors, imaginez les villas 4 façades, c’est au-delà de 500.000 euros. Par ailleurs, nous avons un marché au- delà de 700.000 euros qui se profile à Arlon: des biens de toute qualité, sur lesquels il n’y a rien à redire, qui sont aux normes énergétiques et de confort de vie. Ce sont des biens de prestige, de grandes propriétés avec tout le confort de vie, piscine, wellness, ou des biens uniques aussi, avec du caractère, des maisons de maître, etc. Maintenant, en dessous de 400.000 euros à Arlon, ce sont des biens avec des travaux de modernisation. Mais attention, il s’agit bien de tendances de prix. Chaque bien a sa particularité, on ne peut pas faire des généralités.

Les terrains ont aussi connu une forte hausse de prix (7%) sur un an…

En mars 2020, on avait une masse de terrains en portefeuille. Pour décembre, tout était vendu. A la fin du premier confinement, il y a eu un engouement pour les terrains. C’est un bon placement, qui est facile, qui ne demande pas forcément d’entretien et que l’on peut déjà mettre au nom des enfants, pour préparer la succession. De plus, on se trompe moins vite en investissant dans un terrain.

Quelle est la durée de vie d’un bien sur le marché actuellement?

On vend 60% de nos biens en moins de 30 jours et 30% en 60 jours, contre 30% en 30 jours et 60% en 60 jours, en temps normal, chez TopImmo. Ça traduit tout. Tout va tellement vite… On connaît un marché haussier, avec des acheteurs nombreux mais un peu moins d’offres depuis l’automne. En cause: les propriétaires ont réinvesti dans leur maison pour se faire plaisir pendant les confinements, avec des travaux de rénovation, de réaménagement de jardin, de cuisine d’été, de piscine, de wellness, etc., plutôt que de vendre et d’acheter un nouveau bien. Aussi, des vendeurs se mettent en stand-by et s’interrogent sur la pertinence de vendre maintenant: s’ils veulent vendre pour un bien mieux adapté, auront-ils les moyens pour ce nouveau bien vu le marché haussier? Ce qui nous fait basculer dans un marché vendeur et fait chauffer les prix. Avec des acheteurs agressifs.

En ces temps de crise sanitaire et économique, dont les effets ne sont pas encore entiers, l’immobilier est une valeur refuge. Les investisseurs retirent leurs moyens des placements traditionnels pour les mettre dans l’immobilier. Et les jeunes qui avaient un projet d’investissement à moyen terme passent le cap beaucoup plus rapidement, parce que les prix sont en train d’augmenter, que l’offre est en train de diminuer et que leur situation financière leur permet encore aujourd’hui de le faire. Et ce, même s’il y a un recul de 30% des crédits hypothécaires demandés par les jeunes par rapport à 2019, notamment en raison d’un apport en fonds propres qui représente environ 25% du bien ( 10% de la valeur et 10-15% supplémentaires pour les autres frais, Ndlr). Ils se précipitent maintenant pour acheter, c’est ça qui fait l’effervescence.

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