D’un marché de la sélection à un marché de la séduction

Amid Faljaoui, directeur de de trends-tendances © AMID FALJAOUI, DIRECTEUR DE TRENDS-TENDANCES

Parlons du marché de l’emploi. C’est la grande énigme en ce moment… En période de crise ou de pré-récession comme on nous l’annonce, ce sont généralement les employeurs qui sont en position de force. Or, que constate-t-on? Que ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui. Le pouvoir est du côté des salariés. Et comme le faisait remarquer récemment un spécialiste du secteur des ressources humaines sur une chaîne d’information économique, nous sommes passés d’un marché de la sélection à un marché de la séduction.

Autrement dit, s’il y avait auparavant pléthore de candidats avec des employeurs qui pouvaient faire la fine bouche, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Toutes les entreprises cherchent des candidats pour des tas d’emplois qui ne trouvent pas de titulaire. D’où la fameuse pénurie d’emplois dont les médias nous parlent tant. Et quand je dis que tout le monde cherche, c’est vraiment tout le monde: toutes les entreprises, de toutes les tailles et dans tous les secteurs.

Mais passer d’un marchéde la sélection à un marché de la séduction n’est pas simple. Ne serait-ce que parce que les aspirations des jeunes candidats ont changé. Bien entendu, le salaire trône encore sur le podium, mais la rémunération n’est plus leur seule motivation. La jeune génération est très (trop? ) sensible aux horaires. Répondre à cette demande n’est pas simple car l’employeur cherche plutôt quelqu’un de “disponible pour satisfaire les clients n’importe quand et n’importe où”, comme le remarquait le quotidien économique Les Echos. Il n’est pas simple de concilier ces deux points de vue, surtout dans des secteurs tels que ceux de la restauration et de l’hôtellerie. Last but not least, ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail veulent aussi du sens, ils veulent bien venir travailler mais à condition que l’entreprise ait des valeurs et une mission bien définie. Là aussi, comme le font remarquer mes confrères des Echos, ce n’est pas simple, car le travail – à tort ou à raison – “a été fabriqué depuis des décennies par le morcellement de l’activité”.

L’entreprise de demain sera une entreprise à mission ou ne sera pas.

Pareille interrogation sur le sens est surtout valable pour les jeunes diplômés ingénieurs qui, de par leur nombre insuffisant, ont souvent une palette de choix devant eux. Récemment encore, un promoteur immobilier m’avait expliqué qu’un jeune candidat ingénieur voulait savoir ce que faisait exactement au Moyen-Orient l’entreprise auprès de laquelle il postulait. En clair, il voulait s’assurer auprès de son recruteur que les méthodes de travail hors Belgique respectaient bien le droit social.

Bien entendu, les jeunes ne sont pas exempts de contradictions. En Belgique, l’un des plus grands cabinets de consultance me confirmait que la voiture de société avait encore la cote d’amour auprès des jeunes générations (surtout celles vivant hors des grandes villes). De même, il constatait qu’un certain nombre d’avantages extralégaux restent toujours aussi demandés. Visiblement, l’esprit de l’abbé Pierre n’habite pas encore le cortex de tous les nouveaux candidats. Mais il n’y a rien à faire, la tendance est là. Elle se traduit d’ailleurs par un taux de démission historique aux Etats-Unis, et moindre ici en Europe mais tout de même plus élevé que d’habitude.

Au final, le message de ces tendances est simple: “Cher employeur, si vous ne voulez pas que vos salariés deviennent des mercenaires, il faut dare-dare les intéresser aux objectifs de l’entreprise et aux moyens de les atteindre”. Bref, en détournant André Malraux, l’entreprise de demain sera une entreprise à mission ou ne sera pas.

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