72 heures au Cap

Le cap de Bonne-Espérance C'est un point de passage hautement périlleux entre l'océan Indien et l'Atlantique. © PHOTOS: R. CALLEBAUT

Avec la fin des restrictions sanitaires, l’Afrique du Sud rouvre ses portes au tourisme. La ville la plus australe du pays et ses environs, au croisement entre l’océan Indien et l’Atlantique, sont en osmose complète avec l’époustouflante nature environnante.

Ce sont les éternelles rivales. Johannesburg, la mégalopole tentaculaire versus Le Cap, la destination balnéaire au climat méditerranéen avec ses plages bordées de palmiers. Mais la mère-patrie comme on l’appelle puisque c’est ici, au pied de la Table Mountain, que les Hollandais décideront en 1648 d’y établir la première colonie, a bien plus à offrir que son image de carte postale. Trois jours qui risquent de passer très vite.

JOUR 1

9h00 Rien de tel que de rejoindre Table Mountain et ses 1.086 mètres de dénivelé pour une première prise de contact. Le point de départ de l’ascension n’est qu’à une quinzaine de minutes en voiture du centre. On rejoint le sommet de ce vaste promontoire caillouteux recouvert à perte de vue par les landes à pied (2 heures) ou en téléphérique (10 minutes). De là-haut, on mesure à quel point cette métropole de 4 millions d’âmes est littéralement encartée entre l’océan et les masses rocheuses. Bien plus qu’un panorama, Table Mountain est un parc naturel qui offre, pour ceux qui ont le temps, des randonnées de plusieurs heures.

Table Mountain et ses 1.086 mètres de dénivelé pour une première prise de contact.
Table Mountain et ses 1.086 mètres de dénivelé pour une première prise de contact.© PHOTOS: R. CALLEBAUT

11h30 Construit en grand partie par et pour les artisans du Cap à la fin du 17e siècle, avant que la communauté musulmane de Ceylan, de Java puis de Malaisie ne s’y installe, le (petit) quartier de Bo-Kaap est une suite de longues rangées de petites maisons, pour la plupart à un étage, qui frappent par leur chromatisme vitaminé. Pittoresque et rafraîchissant.

12h30 C’est l’heure de pousser la porte de l’espace Water Dixon (120, Church Street) à Bo-Kaap. Derrière une élégante façade vert bouteille, voici le studio de Caitlin Warther et Wendy Dixon, un duo d’artistes sud-africains dont le travail se concentre sur de poétiques installations à base de surfaces réfléchissantes et de jeux de lumière. Le duo produit également des miroirs (à partir de 360 euros) qui se jouent du spectre coloré, à la frontière de l’art et du design.

13h00 Déjeuner au Café Origin (28, Hudson Street). Torréfacteur de café artisanal, Joël Singer ne se contente pas de concocter les meilleurs blends de la ville. Dans son restaurant (et boulangerie) de Bo-Kaap aux allures de loft industriel, ce Montréalais propose aussi des bagels à la “cream cheese & spring onion” et des bowls de parfaite tenue.

14h30 On pénètre au District 6 Museum (25A, Buitenkant Street) aménagé avec simplicité dans une ancienne église méthodiste. L’adresse est une plongée dans les heures sombres de l’apartheid, quand le gouvernement délogea dans les années 1960 plus de 60.000 “coloured people” pour y établir des nouveaux quartiers réservés aux Blancs. A travers des photographies et des objets du quotidien, ce musée retrace la vie d’ “avant”, une vie cosmopolite où toutes les communautés et populations se mélangeaient. C’est émouvant et parfois excentrique comme l’évocation en images de Kewpie, drag-queen locale qui exerçait la profession de barbier et de meneuse de revue.

16h00 Coupé du reste du monde par sa géographie naturelle qui l’apparente à une large anse, Camps Bays est LE quartier en vue. Beaux palmiers, belles façades, grosses cylindrées. Une Miami Beach un peu trop show off pour les uns, un vrai coin de paradis pour les autres qui se délectent du spectacle naturel. Face à l’océan déchaîné, on se prend pour un navigateur du Vendée Globe. Jusqu’à ce qu’un clone de Beyoncé en pleine séance de selfie interrompe votre traversée en solitaire.

Le Café Origin, où l'on déguste les meilleurs blends de la ville.
Le Café Origin, où l’on déguste les meilleurs blends de la ville.© PHOTOS: R. CALLEBAUT

19h00 Le soleil se couche tôt dans cette région du globe, aux alentours de 18 heures, et 20 heures au plus haut de l’été (c’est-à-dire l’hiver pour nous). Il est donc temps de se restaurer au sympathique Mynt Café (31, Victoria Road), l’un des très nombreux restaurants casual où l’on trouve, comme à l’accoutumée dans les menus sud-africains, des grillades et des burgers. Au pays du braaï (barbecue), la barbaque est reine.

Dans la région vallonnée de Stellenbosch, c'est en 1655 que la Compagnie néerlandaise importe pour la première fois des plants de vigne.
Dans la région vallonnée de Stellenbosch, c’est en 1655 que la Compagnie néerlandaise importe pour la première fois des plants de vigne.© PHOTOS: R. CALLEBAUT

21h00 On regagne sa chambre à l’ Atlantic Cape Town Hotel (31, Francolin Road), un 5 étoiles un peu à l’écart du monde, ce qui est précieux les vendredis et samedis soirs à Camps Bay pour qui cherche des nuits paisibles. Vue grandiose depuis les chambres de cet établissement aux allures de paquebot.

JOUR 2

9h00 On dit que c’est la plus belle période pour découvrir les vignes. A l’automne, c’est-à-dire au mois de mai. On quitte les parasols de Camps Bay et on bascule, une heure de route plus tard, dans une végétation teintée de rouge, de safran et accessoirement de vert. Dans la région vallonnée de Stellenbosch, c’est en 1655 que la Compagnie néerlandaise importe pour la première fois des plants de vigne. On compte aujourd’hui plus de 150 domaines qui produisent essentiellement des cépages rouges dont le célèbre pinotage, fruit du croisement entre le pinot et le cinsault. Le dépaysement est total, y compris sur le plan architectural avec des fermes au style Cape Dutch avec leurs pignons arrondis qui rappellent les maisons amstellodamoises.

13h00 Au domaine de Stark-Conde, il ne faut pas se contenter de goûter les excellents Cabernet Sauvignon dans un calme absolu (la “taste room” est dressée au dessus d’un plan d’eau dans un paysage sublime), il faut déjeuner au restaurant du domaine, le bien nommé Postcard Café qui malgré la simplicité de la carte (quiche, salades, etc.) fait preuve d’un joli raffinement (compter 20 euros par personne).

Le (petit) quartier de Bo-Kaap est une suite de longues rangées de petites maisons, pour la plupart à un étage, qui frappent par leur chromatisme vitaminé.
Le (petit) quartier de Bo-Kaap est une suite de longues rangées de petites maisons, pour la plupart à un étage, qui frappent par leur chromatisme vitaminé.© PHOTOS: R. CALLEBAUT

16h00 De retour à Cape Town, on pénètre au Zeitz Mocaa Museum (S Arm Road, Waterfront) consacré exclusivement à l’art contemporain africain. Au-delà des cimaises, il y a l’incroyable bâtiment industriel transformé en 2017 par Thomas Heaterwick. L’architecte anglais s’est emparé de ce monumental défunt silo à grains des années 1920, pour le transfigurer en une cathédrale de béton alvéolée semblable à une ruche.

18h00 Apéro au dernier étage du Radisson Red, voisin du Zeitz. D’un côté, l’activité portuaire avec ses porte-conteneurs et ses remorqueurs, de l’autre, les flancs dénudés et silencieux de la Table Mountain.

20h00 D’un rooftop, l’autre. Dîner au restaurant Eat on 6 du Silo Hotel situé dans la partie supérieure et vitrée du bâtiment abritant le Zeitz Museum. Une cuisine de style brasserie finement sentie avec des produits de saison (tagliatelles pecorino et jeunes pousses d’épinards, tajine pois chiches). Comptez 40 euros par couvert. Le must consiste ensuite à loger dans l’une des 28 chambres de l’établissement. Grisant mais cher (à partir de 860 euros la nuit).

JOUR 3

9h00 Quartier labellisé jeunes créateurs, Woodstock est coincé entre l’autoroute N2 et la zone portuaire. On y trouvait jusque dans les années 1940 une plage de sable blanc qui a été bétonnée afin de développer le commerce maritime. L’activité a légué au fil des décennies des énormes entrepôts de stockage qui ont été en partie reconvertis pour la plus grande joie d’une clientèle urbaine et branchée. L’ancienne bourse de commerce (66, Albert Road) accueille désormais restaurants veganes et boutiques de déco. Les street artists s’en donnent à coeur joie dans les rues adjacentes d’Albert Road.

Le Silo hotel
Le Silo hotel© PHOTOS: R. CALLEBAUT

12h00 Mieux que le food court V&A du port de plaisance, on recommande la halle gourmande du Neighbourgoods Market (373, Albert Road) qui est un enchantement pour les yeux et les papilles. La cuisine du monde entier y est représentée et partagée sur des tables d’hôtes. Uniquement les week-ends jusque 15 heures.

14h00 Pour les navigateurs, l’alternative au canal de Suez a un prix. Il se nomme le cap de Bonne-Espérance et c’est un point de passage hautement périlleux entre l’océan Indien et l’Atlantique. La péninsule de Cape Point, à 70 km de Cape Town et à 2 km du célèbre cap marin offre la vue la plus spectaculaire de ce bout du bout de l’Afrique. Situé dans une réserve naturelle (20 euros l’entrée par personne), ce sublime promontoire balayé par de puissantes rafales fait l’objet d’un véritable pèlerinage pour les Indiens de Durban, troisième ville d’Afrique du Sud.

Une destination raisonnable?

Tapez “Cape Town” (ou Johannesburg) sur internet, et aussitôt l’occurrence “insécurité” apparaît en tête des moteurs de recherche. Dans un pays où le taux de criminalité est l’un des plus élevés du monde, et l’ultrasécurisation de l’habitat une obsession, peut-on s’y rendre en toute quiétude? Oui, à condition d’être vigilant: 80% des actes violents sont commis dans les townships où vit encore malheureusement 40% de la population du Cap. A moins d’être accompagné d’un guide, il y a peu de chance que le touriste s’y aventure seul. La réalité des chiffres impose un minimum de bon sens, comme celui d’éviter de circuler le soir, ou parfois même en fin d’après-midi. Pour passer d’un quartier à l’autre, la voiture est une absolue nécessité.

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