Facture: toujours une question de preuve

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Les règles relatives aux modes de preuve admissibles et à leur utilisation en matière civile et commerciale ont été récemment revues. Cela concerne aussi les factures adressées entre professionnels et celles destinées aux particuliers.

Vous le savez, en cas de litige, il vous faut souvent démontrer ce que vous avancez. Mais cela ne peut pas se faire n’importe comment puisque c’est la loi qui règle les différents modes de preuves admissibles ainsi que la manière idoine de procéder. Or, en matière civile et commerciale, ces règles ont été récemment revues pour les moderniser et tenir compte de solutions déjà admises en justice, avec une entrée en vigueur au 1er novembre 2020.

Au préalable, il convient de rappeler qu’une preuve peut être déclarée irrecevable, par exemple parce qu’elle aurait été ” irrégulièrement ” obtenue en raison d’une manipulation informatique entachant sa fiabilité. En ce cas, le juge ne peut normalement pas en tenir compte. Par ailleurs, la loi reconnaît une force probante différente en fonction du mode de preuve utilisé. Ainsi, en général, un écrit est mieux considéré qu’un ” simple ” témoignage.

Cette hiérarchie des modes de preuve n’existe cependant pas dans certains cas. De fait, sauf exceptions légales, la preuve est en principe libre entre – et contre – des entreprises, en ce compris les ASBL et les professions libérales. Cela veut dire que tous les moyens de preuve prévus par la loi peuvent être utilisés, sans privilégier l’un d’entre eux.

Facture non contestée

Il importe également de souligner qu’une facture non contestée dans un délai ” raisonnable ” est généralement considérée comme acceptée. Une entreprise pourra toutefois toujours tenter de convaincre le juge que son silence n’équivaut pas à une acceptation ou essayer de prouver l’existence de contestations verbales. En outre, une facture acceptée constitue, en principe, la preuve de l’acte juridique correspondant, par exemple un contrat de vent. Mais cette présomption légale peut être renversée en présence d’éléments de preuve sérieux.

Vis-à-vis des particuliers, les choses sont moins aisées pour l’auteur d’une facture puisque le silence de son destinataire ne vaut acceptation que s’il est circonstancié, c’est-à-dire entouré d’un contexte qui lui donne une signification claire. Et même dans ce contexte, cette acceptation ne vaut que comme une présomption de fait qui est soumise à l’appréciation du juge.

Preuve “par vraisemblance”

Par ailleurs, il faut en principe qu’une preuve soit fournie avec un degré raisonnable de certitude. Toutefois, la preuve ” par vraisemblance ” sera dorénavant expressément admise dans certains cas, par exemple en matière d’assurance contre le vol, où la preuve certaine d’un vol est impossible à rapporter, voire pour prouver un fait ” négatif “, c’est-à-dire prouver le fait qu’il ne s’est rien passé. Il faut pour cela qu’il y ait des éléments sérieux qui accréditent les allégations et que les alternatives ne semblent pas crédibles.

Enfin, une opération égale ou supérieure à 375 euros entre non-entreprises doit aujourd’hui être prouvée au moyen d’un document écrit. A l’avenir, cette limite sera de 3.500 euros, ce qui veut dire que la preuve sera ” libre ” pour les montants situés en dessous.

Il est impossible de présenter ici tous les aspects liés au droit de la preuve et nous renvoyons le lecteur désireux d’en apprendre davantage aux travaux préparatoires de la réforme du Code civil qui sont publiés sur le site internet du SPF Justice https://justice. belgium.be/fr/bwcc. Ce qu’il importe surtout de retenir, c’est que les règles en la matière diffèrent selon que la partie adverse est une entreprise ou non et que certaines de ces futures règles sont, en pratique, déjà consacrées par les cours et tribunaux.

Par Nicolas Roland, avocat associé chez Younity.

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