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Cinq mesures qui vont bouleverser la vie des sociétés

Une ambitieuse réforme du droit des sociétés est sur les rails. Son objectif est de rendre le droit des sociétés plus flexible et plus attractif pour les investisseurs belges et étrangers.

Le projet devrait être soumis au Parlement dans la seconde moitié de 2017. Même si les textes législatifs ne sont pas encore disponibles, les contours de la réforme deviennent progressivement plus nets. La réforme du droit des sociétés portée par le ministre de la Justice Koen Geens fait partie d’un grand chantier de modernisation de la législation de base (Code civil, Code pénal, Code des sociétés, etc.). La réforme a pour ambition de simplifier le cadre légal existant et de donner plus de flexibilité aux sociétés quant à leur organisation interne. L’objectif est de rendre le droit des sociétés belge plus attractif pour les investisseurs belges et étrangers.

Certains changements envisagés toucheront à des principes fondamentaux de notre droit des sociétés* :

1. La fin de la théorie du siège réel

La Belgique devrait abandonner la théorie du siège réel et rejoindre le nombre grandissant de pays ayant choisi la théorie de l’incorporation pour déterminer la lex societatis d’une société. En pratique, ceci signifie que le droit des sociétés belge gouvernera le fonctionnement d’une société dès lors que le siège social de cette société se situera en Belgique (peu importe que le siège réel de la société soit situé en Belgique ou à l’étranger).

La réforme pourrait inclure une procédure réglant le transfert de siège social à travers les frontières.

2. Moins de formes de sociétés différentes

Le nombre de formes juridiques des sociétés et associations de droit belge sera fortement réduit. De plus, les distinctions entre les différentes formes juridiques seront plus claires.

La société coopérative à responsabilité limitée ne sera désormais plus permise que pour les sociétés qui ont effectivement une nature coopérative.

Le nombre de formes juridiques pour les associations sera également limité. En outre, les associations pourront accomplir des actes de commerce pour autant que leurs profits ne soient pas distribués à leurs membres.

3. SA : uniquement pour les très grandes sociétés

La société anonyme (SA/NV), qui est l’une des formes juridiques actuellement empruntées par de nombreuses grandes sociétés belges, mais aussi par des moyennes et même des petites sociétés, sera désormais uniquement destinée aux très grandes sociétés.

Seules les sociétés anonymes pourront être cotées en bourse.

La nouvelle loi vise à fournir plus de flexibilité aux sociétés anonymes. Par exemple, une société anonyme ne devra plus nécessairement être gérée par un conseil d’administration. Un seul administrateur sera suffisant. L’instauration d’un modèle de gestion dual, au sein duquel coexisteront un conseil de surveillance et un conseil de direction, sera mieux organisée qu’actuellement.

4. SPRL : pour les PME et les grandes sociétés

La société privée à responsabilité limitée (SPRL/BVBA) deviendra la principale forme juridique en Belgique pour toutes les petites et moyennes sociétés, et même pour de nombreuses grandes sociétés. Pour rendre la SPRL plus adaptée aux sociétés moyennes et plus grandes, les restrictions légales existantes en matière de cessibilité des titres seront supprimées. De plus, le cadre légal pour les SPRL qui ont un collège de gestion sera clarifié.

Les SPRL n’auront plus de capital social. Toutefois, l’actif net d’une SPRL sera en partie composé des apports des associés, ceux-ci étant représentés par des parts sociales. Il sera possible de créer plusieurs catégories de parts sociales et des droits de vote multiples pourront être attachés à une seule part sociale.

De nouvelles règles seront introduites pour protéger l’équilibre entre les associés d’une SPRL (par exemple, une procédure pour déterminer la valeur d’émission de nouvelles parts sociales si des apports sont réalisés par les associés au cours de l’existence de la société). Quant aux créanciers, ils seront notamment protégés par l’instauration des règles suivantes : (i) obligation de doter la SPRL de suffisamment d’actifs au moment de sa constitution, (ii) obligation pour les fondateurs d’établir un plan financier détaillé, (iii) obligations relatives à la valorisation des apports en nature, et (iv) obligations à remplir annuellement lorsque l’actif net de la société devient négatif.

Les distributions de dividendes deviendront plus flexibles. Toutefois, celles-ci seront uniquement autorisées dans la mesure où l’actif net de la société reste positif après la distribution et pour autant que le collège de gestion approuve la distribution après avoir effectué un “test de liquidité”. Les règles relatives à l’acquisition par la société de ses propres parts sociales et celles portant sur l’assistance financière seront simplifiées.

Il est proposé que les associés puissent, sur simple demande, quitter la société et obtenir le remboursement de leurs parts sociales. Les détails concernant l’exercice de ce droit ne sont pas encore connus.

5. Suppression de certains freins

Dans une volonté de modernisation du droit des sociétés belge, certaines règles dont l’application engendre des difficultés pratiques seront supprimées, notamment :

– l’obligation d’une pluralité de fondateurs pour la constitution d’une société anonyme ;

– la responsabilité solidaire (sauf exceptions) de l’actionnaire ou associé unique d’une société anonyme ou d’une SPRL ; et

– la règle selon laquelle un administrateur d’une SA peut être révoqué à tout moment (ad nutum).

Il n’est pas clair si l’interdiction des clauses léonines, selon laquelle un actionnaire ne peut être complètement affranchi du risque de pertes de la société (ce qui restreint les possibilités d’accorder des options de vente aux actionnaires), sera maintenue.

Une définition légale de la notion de gestion journalière pourrait également être introduite afin de clarifier la portée des pouvoirs de décision et de représentation des administrateurs-délégués et des autres personnes chargées de la gestion journalière.

Conclusion

Seul l’avenir nous dira si tous les changements attendus seront effectivement intégrés en droit belge. La réforme envisagée est très vaste et ne peut être complètement détachée des autres branches du droit (droit de la faillite, droit comptable, droit fiscal, droit de la sécurité sociale). Un projet de loi réformant le droit de la faillite devrait d’ailleurs prochainement être soumis au Parlement.

Enfin, les aspects pratiques de la mise en oeuvre de cette réforme seront cruciaux, en particulier dans quelle mesure et dans quels délais les sociétés existantes devront se conformer aux nouvelles règles. Vu que les modifications de statuts continueront de nécessiter un notaire, les entreprises belges pourraient ne pas souhaiter que des changements statutaires soient obligatoires à court-terme.

Esther Goldschmidt, associate, et Jérôme Vermeylen, partner chez Altius

*Dans le cadre du présent article, nous utilisons la terminologie juridique découlant de la législation actuelle. Il est cependant probable que cette terminologie soit fortement modifiée dans le cadre de la réforme envisagée.

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