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“La victoire de la diversité signifie la défaite de la non-discrimination”

Un groupe sélect de femmes managers est déposé par un hélicoptère sur le plafond de verre. Or, le plafond reste intact. C’est ce qu’explique Marc De Vos, directeur de la cellule de réflexion Itinera.

Les mesures de non-discrimination sont des créatures bizarres. Elles interdisent aux entreprises et aux organisations d’établir une distinction sur la base du sexe, de l’âge, de la religion ou de l’appartenance ethnique. Elles visent la neutralité identitaire, en partant du principe que les paramètres homme ou femme, jeune ou vieux, catholique ou musulman, blanc ou noir sont non pertinents ou peu souhaitables dans la politique du personnel. Du moins, c’est leur objectif officiel.

Dans la pratique, elles ne contraignent personne à être neutre en termes d’identité, mais bien à être conscient de l’identité d’un individu. Au nom de la diversité, les règlements antidiscriminatoires sont pratiquement réduits à des exigences de discrimination. Il est impossible de faire valoir la diversité et la politique de la diversité en tant que valeur ajoutée sans reconnaître que les différences d’identité sont pertinentes, soit exactement l’inverse de ce qui était prévu.

Présomption de discrimination

Le passage de la non-discrimination à la diversité est allé si loin qu’une prétendue absence de diversité est presque considérée comme une présomption de discrimination. Les entreprises et les organisations qui n’emploient pas suffisamment l’un ou l’autre groupe dans l’une ou l’autre fonction sont pointées du doigt. La meilleure chose qu’il leur reste faire pour prouver leur innocence est de mener une politique active en matière de diversité. Dans ce contexte, l’identité est consciemment utilisée comme instrument. Nous nous trouvons alors à la frontière de la discrimination organisée au nom de la non-discrimination.

Cette frontière est franchie si l’objectif de diversité se transforme en quotas. La législation visant à lutter contre la discrimination finit alors par devenir une discrimination obligatoire au profit d’une minorité favorisée politiquement. Et ça marche, comme en témoignent les nouveaux chiffres des conseils d’administration des sociétés belges cotées en bourse. Près d’un administrateur sur quatre est une femme : quatre fois plus en dix ans, grâce à la loi relative aux quotas qui garantit la diversité de genre depuis 2011.

Or, la victoire de la diversité signifie la défaite de la non-discrimination. Parmi une petite couche supérieure de femmes d’affaires prospères, une proportion encore plus faible a été promue dans les conseils d’administration. C’est réjouissant pour les concernées. Ça l’est peut-être aussi pour les entreprises. Mais cela ne brise en aucun cas le “plafond de verre”, qui symbolise l’accès lent des femmes aux hauts postes sur le marché du travail au sens large.

La victoire de la diversité signifie la défaite de la non-discrimination

Un groupe sélect de femmes managers, baptisées les “jupes dorées”, est déposé par un hélicoptère sur le plafond de verre. Or, le plafond reste intact. Pour changer la donne, il faut chercher bien plus profondément : dans les pratiques conscientes et inconscientes en matière de personnel, dans le mode de vie des femmes, dans les rôles au sein des familles et dans la combinaison de la maternité et du travail.

Réseau des anciennes

Les conseils d’administration étaient l’apanage des hommes parce qu’ils s’appuyaient sur un réseau des anciens dans lequel tout le monde se connaissait et se servait les uns les autres. La loi relative aux quotas y a ajouté un réseau des anciennes. Mais cela signifie-t-il que les critères de sélection et de performance sont plus justes, plus professionnels et plus transparents ? Les compétences jouent-elles désormais plus que les relations ? Nous n’en savons rien, mais tout le débat porte sur la composition des conseils d’administration par comparaison à l’échelle de la non-discrimination.

Les quotas sont des cosmétiques symboliques qui ignorent les causes profondes de l’inégalité des résultats sur le marché du travail en faveur de la manipulation artificielle des résultats. La non-discrimination entend offrir aux femmes les mêmes chances qu’aux hommes, afin que les différences de carrière reflètent les préférences personnelles et familiales. Les quotas de genre visent des résultats égaux pour les femmes et les hommes sur une base obligatoire, indépendamment des carrières des uns et des préférences des autres.

Que les quotas soient en fin de compte une bénédiction ou une malédiction pour les bénéficiaires, qu’ils profitent à tous sur le marché du travail, qu’ils contribuent à l’élimination des stéréotypes dans la politique du personnel et l’administration, ou qu’ils rapprochent notre société de l’équité, peu importe. La fin justifie les moyens, mais le moyen des quotas menace l’objectif de la non-discrimination.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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