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La belgique dans le couloir des soins intensifs ?

“Précédons les éventuels diktats européens !”, titrions-nous le 10 novembre dans ces mêmes colonnes. Pourtant, on s’en approche à grands pas après le psychodrame de ce début de semaine. Tout le monde s’accorde sur le diagnostic : la Belgique a besoin d’un remède de cheval pour affronter les défis futurs (déficit public, dette, vieillissement de la population, etc.). Dans son entourage, les malades (Grèce, Italie, Portugal,…) se multiplient et la contagion se propage. L’Europe a signifié diverses prescriptions sur lesquelles s’aligne – pour ne pas dire surfe – l’Open VLD.

Depuis 528 jours, les médecins s’agitent autour du patient belge sans se mettre d’accord sur le traitement à adopter. Le clivage Nord/Sud a laissé la place aux rapports gauche/droite et fédéral/Régions. Plus le temps passe, plus le mal progresse et plus douloureuse sera la remise en forme. Un exemple simple, sans même évoquer la potentielle amende de 700 millions d’euros que l’Europe pourrait imposer à la Belgique en cas de retard de remise du budget : le coût de financement de l’Etat sur le marché obligataire s’élève à 800 millions d’euros par pour cent supplémentaire du taux d’intérêt à 10 ans. Une piqûre douloureuse, assurément !

Les Européens, les Belges, assistent incrédules à cette déchéance qui, dans le meilleur des cas, laissera de nombreuses cicatrices sur ce corps trop longtemps placé en observation.

A la crise économique et financière s’ajoute une crise politique. C’est grave, docteur ? Oui, malheureusement ! L’adoption de la réforme institutionnelle est liée à la réussite des négociations budgétaires. Au-delà des affrontements des partis et d’un jeu de théâtralisation, le crédit des politiques s’amenuise encore aux yeux de la population. Insensiblement, une fracture sociale s’installe entre les citoyens, selon qu’ils participent ou non à la vie “active”. Le fossé patronat-syndicats s’élargit.

Sur le plan économique, il est suicidaire d’ajouter des incertitudes nationales à un monde déjà mouvant. Comme les marchés financiers, le monde des entreprises a besoin de stabilité, de confiance et de vision à moyen et long termes. Voilà bien un point sur lequel les partis politiques ont de la peine à assumer. C’est compréhensible, dans un pays soumis à un rythme électoral intense en raison des nombreux niveaux de pouvoir. Immanquablement, les stratégies des partis englobent cette dimension, même dans des périodes cruciales. Mais paradoxalement, le système proportionnel ramène quasiment toujours les mêmes acteurs au(x) pouvoir(s). Une situation qui, à l’inverse de bien d’autres pays, réduit fortement les alternances, au point de démotiver nombre d’électeurs.

Il est tentant pour certains d’imaginer la mise en place d’un gouvernement de technocrates non élus et pas nécessairement asexués politiquement – tels que Monti en Italie – en vue de franchir la passe délicate actuelle. Cette solution, pour autant qu’elle montre son efficacité, n’en reste pas moins problématique sur le plan démocratique ; si dans le passé, des partis ont parfois nommé des ministres non élus, le PS, par la voix de son fidèle soldat Flahaut, a vite fait de rejeter un tel scénario qui s’apparenterait à un désaveu. De toute façon, il y a fort à parier que les formations politiques se déchireraient là aussi quant au choix des personnalités à mettre en selle…

Il est en tout cas essentiel de décider, de prendre des mesures à long terme en leur donnant du sens. Le fédéral n’a toutefois pas le monopole de l’immobilisme ! L’Europe, dont les sommets accouchent souvent d’une souris, n’a pas vraiment de quoi se vanter en la ma-tière. Mais l’Union demeure en quelque sorte un supérieur hiérarchique capable d’imposer ses vues. Quand ce ne sont pas les marchés financiers ou les agences de notation qui dictent la vie des Etats.

Les crises ont au moins un mérite : débloquer les dossiers, faire sauter les verrous. Alors, on s’accroche à cet espoir.

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