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L’irresponsabilité de l’élite politique de Washington est abjecte

Même si l’irresponsabilité de l’élite politique de Washington est ignoble, le reste du monde, la zone euro, ferait bien de réfléchir à deux fois avant de s’en prendre au vaudeville américain.

Comme il y a dix-sept ans, l’impasse politique à Washington autour du budget et “Obamacare” a mené à un “shutdown” de l’état américain. En réalité, celui-ci reste limité étant donné qu’on ne touche pas aux services minimums. Un million de fonctionnaires en congé non payé, les parcs nationaux fermés et la NASA qui ferme ses portes ne constituent que les aspects les plus visibles.

Cependant, ce sont surtout les conséquences indirectes qui auront de lourdes conséquences pour les États-Unis, mais également pour le reste du monde.

Le commentateur Reuters John Whitesides a parfaitement résumé la situation. Selon lui, ce vaudeville américain “soulève la question de la compétence d’un Congrès trop profondément divisé pour remplir ses fonctions les plus essentielles”. L’élite politique américaine est-elle encore capable d’un minimum de politique sérieuse ? C’est la question de ces prochains jours. Dans deux semaines, il faudra en effet prendre une décision au sujet de la relève du plafond de la dette qui atteint 16 700 milliards de dollars.

L’élite politique pourrait très bien recommencer ses numéros de cirque et menacer la hausse du plafond. Si cette hausse est retardée ou annulée, l’état américain ne sera plus capable de payer ses factures et sera de facto en faillite.

L’incapacité des responsables politiques de Washington de mener une politique un tout petit peu sérieuse risque de peser lourdement sur la reprise économique. Il est absolument indispensable de rassurer les marchés financiers pour faire remonter la croissance économique au-dessus de zéro et l’y maintenir.

Le shutdown américain aggrave l’incertitude au sein du système économico-financier. Les familles devront à nouveau se serrer la ceinture et les entreprises auront à revoir leurs plans d’investissement.

Cela vaut pour les États-Unis, mais également pour le reste du monde. Avec une part de 22%, les États-Unis restent de loin l’économie la plus importante du monde. L’économie américaine a eu du mal à dépasser une croissance de 2% malgré la politique extrêmement stimulante de la banque centrale (la Fed). En 2011, le pays a obtenu 1,8% de croissance et en 2012 2,8%. Le premier trimestre de cette année se chiffrait 1,1% et pour le second trimestre l’état estime provisoirement la croissance à 2,5%.

Cette incertitude de plus en plus grande et cette croissance en baisse ne manqueront pas d’exercer un impact négatif sur l’économie dans le reste du monde. Faisons un petit tour d’horizon.

La Chine souffre des conséquences d’octrois de crédit excessifs ayant mené à différentes bulles, notamment dans l’immobilier. En outre, l’état chinois tente de relancer son économie en focalisant moins sur l’export que sur la consommation intérieure. En termes de croissance, les risques liés à ce changement de cap sont considérables.

Au Japon, l’extravagance monétaire et budgétaire est extrême. En outre, le gouvernement Abe a l’intention d’introduire une hausse d’impôts considérable. Reste à voir quelles seront les conséquences sur la croissance économique.

Au Brésil, l’euphorie liée à la croissance économique semble tout à fait passée. Le gouvernement Dilma n’est pas capable de mettre en place les restructurations nécessaires. Et l’Inde souffre de problèmes financiers et bancaires pesant de plus en plus lourdement sur le potentiel de croissance de l’économie.

Reste la zone euro. Avec les pays susmentionnés, elle constitue les deux tiers de l’économie mondiale. Les mois précédents, l’union monétaire européenne a baigné dans un calme remarquable dû surtout à la crédibilité de Mario Draghi, le président de la Banque Centrale européenne (BCE). Draghi a réussi à convaincre les marchés financiers qu’il maintiendrait la liquidité du système bancaire et qu’il maîtriserait le marché des obligations d’état. Cependant, l’espace de temps créé de cette façon n’a pas été suffisamment utilisée par les responsables politiques de la zone euro pour vraiment renforcer une union politique, économique, budgétaire et bancaire. Certaines mesures ont été prises pour l’union bancaire, mais on est encore loin d’une véritable union bancaire. Sans plus d’Europe plus substantielle, la zone euro ne peut pas survivre.

Entre-temps, le Portugal, l’Irlande et la Grèce continuent à se débattre dans des circonstances socio-économiques très difficiles. En Grèce, les coupes sombres économiques risquent de miner la démocratie politique. En Espagne et en Italie, la crise continue à faire des ravages. Il est clair que l’Europe et les gouvernements nationaux ne réussissent pas à mener une politique anticrise cohérente et ferme. Tout le monde est parti du principe qu’après les élections allemandes, on prendrait des décisions importantes.

Ce point de vue a toujours été du “wishful thinking” de la part de l’élite européenne. Avec la victoire éclatante de Merkel, un revirement substantiel allemand autour des eurobonds et l’union de transfert, n’est pas à l’ordre du jour. Et reste à voir si la formation de gouvernement plus difficile que prévue en Allemagne ne constituera pas une source complémentaire d’incertitude.

Le shutdown américain résulte d’une incapacité manifeste des politiques de Washington d’apporter une contribution constructive à l’économie. Malheureusement, les Américains ne sont pas une exception. Au sein de la zone euro, la négligence coupable de la part des responsables politiques est presque pire, même si elle est moins spectaculaire aujourd’hui. Ajoutez-y les problèmes brièvement ébauchés ci-dessus souvent associés à une politique terriblement défaillante dans les autres grandes économies mondiales et il y a lieu de s’inquiéter malgré la timide reprise économique.

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