Un appartement loué vaut plus qu’un bureau vide

© MATEXI

La tendance le démontre, la réaffectation de bureaux en appartements semble être la formule magique. Mais si l’option de la réaffectation peut sembler logique, elle n’est pas toujours aisée à mettre en ouvre.

Le marché bruxellois des bureaux présente un énorme stock d’immeubles inoccupés. Simultanément, la croissance de la population engendre une pénurie de logements de plus en plus prégnante. “Si vous avez trop de l’un et pas assez de l’autre, il est évident que la solution consiste à modifier l’affectation des immeubles. Cette idée relève simplement du bon sens ; mais elle peut fonctionner !”, reconnaît Carl Van den Eynde, directeur général du holding immobilier Matexi.

A Bruxelles, Wilma Project Development, filiale de Matexi, étudie pour l’instant la possibilité de réaffecter plusieurs immeubles de bureaux. A Gand, le groupe entamera début 2013 le redéploiement d’un ancien immeuble racheté à la KBC en 2010 en 37 appartements de luxe, magasins, garages et bureaux. Le promoteur prépare également un troisième projet du même type visant à aménager 30 à 40 appartements à Bruges.

Réaffectation versus démolition

Si l’option de la réaffectation peut sembler logique, elle n’est cependant pas toujours aisée à mettre en £uvre, reconnaît Carl Van den Eynde. “Comme toujours en matière d’immobilier, l’emplacement est crucial. Cela dit, un bon emplacement de bureaux n’est pas nécessairement un bon emplacement résidentiel.” L’exemple le plus parlant est celui d’un édifice visible depuis l’autoroute : excellent pour des bureaux, sans la moindre valeur pour des logements.

Pour Serge Hannecart, administrateur délégué de la société de promotion L.I.F.E., seuls les immeubles de bureaux en centre urbain peuvent faire l’objet d’une réaffectation en habitat. “Pour le résidentiel, il est essentiel d’être en ville, analyse-t-il. En périphérie, le développement d’un projet intéressant se heurte à un plus grand nombre d’obstacles.” A Anvers, L.I.F.E. a reconverti l’immeuble de bureaux des Antwerpse Waterwerken (AWW). Le long de la chaussée de Malines, un immeuble de bureaux de 10.000 m2 a été mis à nu et réaménagé en bureaux-lofts de 700 m2. Il ne s’agit donc pas de résidentiel, “mais nous répondons à une pénurie de marché”, souligne Serge Hannecart. “Avant de dénicher un immeuble de bureaux de cette superficie dans le centre d’Anvers, il faut beaucoup chercher. On y trouve bien quelques maisons de maître, mais la plupart sont très peu pratiques. L’alternative consiste en un immeuble obsolète, sans rayonnement.” Ailleurs à Anvers, L.I.F.E. a opté pour des logements destinés à des étudiants : 200 chambres seront ainsi aménagées dans un ancien entrepôt des AWW. Un succès, selon Serge Hannecart : “En six semaines, nous avons vendu la moitié des chambres.” Ce n’est pas le seul projet de reconversion du genre pour L.I.F.E.

“Nous préférons toujours une réaffectation à une démolition, explique l’administrateur délégué de L.I.F.E. La démolition a deux conséquences : elle rend le projet plus onéreux et fait perdre du temps. Mais pour une réaffectation, la structure doit être de qualité suffisante et permettre une répartition intéressante des volumes.” Outre l’emplacement, la structure de l’immeuble constitue donc un paramètre crucial dans une réaffectation, souligne également Carl Van den Eynde : “De nombreux immeubles de bureaux aménagés au fil des ans sont malheureusement condamnés à la démolition après 30 ans, vu les dimensions inadéquates.”

Potentiel bruxellois

Le fait que Matexi-Wilma et L.I.F.E. réaffectent des bureaux à Gand, Bruges et Anvers – et non à Bruxelles – tient davantage du hasard que d’un effet de mode. Car les deux promoteurs s’accordent à dire qu’en matière de réaffectation des bureaux, l’avenir est à Bruxelles. “On y parle de 1,5 million de m2 de bureaux vides, et ce chiffre est sans doute inférieur à la réalité. C’est gigantesque !”, note Carl Van den Eynde. “Il y a déjà eu quelques réaffectations par le passé, mais je ne vois aujourd’hui aucun immeuble de bureaux inoccupé à vendre, remarque Serge Hannecart. Et si vous en connaissez un, je suis acheteur – du moins si le prix est intéressant !”

Et Carl Van den Eynde de saluer l’efficacité de l’administration bruxelloise. “La Région de Bruxelles-Capitale soutient à 100 % la réaffectation d’immeubles de bureaux en unités d’habitation. Lorsqu’une administration fait bien son travail, il faut également le préciser.” Un constat partagé par Serge Hannecart qui ajoute que Bruxelles est heureuse de collaborer avec les candidats à la reconversion.

Pourtant, le système actuel de taxation sur les bureaux lui pose problème : “Dans la mesure où cette taxe doit être payée aussi longtemps que vous n’avez pas obtenu le permis de bâtir, elle provoque une augmentation des coûts de développement. Mais c’est surtout l’incertitude qui constitue un obstacle : pourrez-vous au final reconvertir ? Elle complique la donne en vous obligeant à exiger du vendeur l’ajout d’une clause suspensive liée à l’obtention d’un permis de rénovation. L’autre solution est de laisser jouer le hasard. Mais ce n’est pas une option que nous privilégions…”

LAURENZ VERLEDENS

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