Le fossé entre les anciennes et les nouvelles constructions se creuse…

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Le prix élevé des habitations pèse de tout son poids sur le rendement locatif. C’est vrai surtout sur le marché du bâti neuf, plus onéreux. Les investisseurs immobiliers ont-ils avantage à opter pour un appartement existant ?

Une voiture d’occasion coûte moins cher qu’une voiture flambant neuve. Normal. Il en va de même pour l’immobilier : un bien existant est moins onéreux qu’un bien de construction récente. “Par expérience, je dirais que le prix net d’un nouvel appartement est d’environ 10 à 15 % plus élevé que celui d’un bien existant équivalent”, déclare Koen Hoste, gérant de l’agence immobilière Living Stone (filiales à Louvain, Oud-Heverlee, Tirlemont, Haacht, Zaventem et Malines).

La différence n’est pas énorme. Les deux marchés sont intimement liés et suivent une évolution de prix similaire. Le fossé entre les vieilles et les nouvelles constructions a toutefois tendance à se creuser depuis quelques années. La principale raison est le durcissement des règles et des normes, en matière de performances énergétiques notamment, qui poussent les frais de construction à la hausse.

La majoration (de plus en plus marquée) des prix décourage non seulement les nouveaux arrivants sur le marché du logement, mais réduit aussi le rendement des investisseurs immobiliers. Comme les loyers n’ont pas suivi l’évolution forcenée des prix à la vente, le rendement locatif du marché immobilier résidentiel est sous pression depuis quelques années. Ce phénomène observé sur le marché secondaire est encore plus flagrant sur le marché du bâti neuf. A l’heure actuelle, les investisseurs immobiliers doivent se contenter d’un rendement locatif de 3 %.

Une performance plutôt honorable comparé aux produits classiques à rendement fixe. Mais le constat suscite pas mal de questions. Un rendement aussi peu élevé est-il normal pour un investissement peu liquide et nécessitant pas mal de main-d’oeuvre ? Les investisseurs ne paient-ils pas trop cher leur placement immobilier dans le bâti neuf ? Koen Hoste évalue la différence de prix à 10 %. “Sur un investissement de 250.000 euros, l’économie s’élèverait à 25.000 euros dans le cas d’un appartement existant. Réparti sur 10 ans, cela représente un budget annuel de 2.500 euros pour les frais de maintenance supplémentaires. Est-ce suffisant ? A chaque investisseur de faire le calcul.”

Charge fiscale

La fiscalité n’encourage pas vraiment les investissements dans les nouvelles constructions. Alors que l’immobilier existant se voit appliquer le régime des droits d’enregistrement, le bâti neuf – hormis le terrain dans certains cas – est soumis au régime de la TVA, nettement plus coûteux. Outre le prix net de vente plus élevé, l’acheteur doit débourser grosso modo 10 % de plus pour un bien récemment construit.

A Bruxelles, ce désavantage fiscal sera encore davantage marqué dès l’année prochaine. Le bonus logement (valable pour l’acquisition d’un logement unique et propre, qu’il soit neuf ou existant) disparaîtra dès le 1er janvier au profit d’un élargissement de l’exonération des droits d’enregistrement (portée à 175.000 euros). Aucune compensation n’est prévue pour l’achat d’une nouvelle construction. Une situation qui fera réfléchir plus d’un primo-acquéreur.

“J’aurais tendance à dire que mieux vaut acheter de l’ancien et l’adapter aux normes et aux besoins actuels, estime Philippe Janssens, du bureau d’études immobilières Stadim. Mais l’inoccupation temporaire est alors un passage obligé. Bon nombre d’investisseurs préfèrent acheter un bien louable immédiatement pour le faire fructifier. Autre argument : tous les investisseurs particuliers n’ont pas les connaissances ni l’expérience requises pour mener à bien un projet de rénovation.”

Il précise toutefois que, dans le cas d’un appartement, les connaissances nécessaires ne sont pas aussi importantes. Pas besoin d’être promoteur immobilier diplômé pour installer une nouvelle cuisine ou une salle de bains.

Koen Hoste met cependant en garde : un vieil appartement peut cacher des coûts insoupçonnés. “Je conseille à tous les candidats acheteurs d’un appartement existant de lire attentivement les comptes rendus des trois dernières assemblées générales de copropriétaires. Si des travaux importants sont programmés, mieux vaut le savoir. Pas de problème si une réserve est constituée car ce capital arrive dans l’escarcelle de l’acheteur. Mais dans le cas contraire, tout l’intérêt d’un prix d’achat peu élevé risque d’être rapidement neutralisé.”

Pas d’économie sur le confort

Le bâti neuf est peut-être plus cher à l’achat mais il garantit une meilleure louabilité. “Un bien neuf se loue facilement 10 % plus cher tout simplement parce qu’il est neuf, déclare Koen Hoste. Sur un marché où l’offre de biens récemment construits est abondante, le prix des vieux appartements, moins confortables, est sous pression.”

Koen Hoste conseille aux propriétaires d’appartements existants de continuer à investir dans le confort de leur appartement. “Cette stratégie est plus payante que de baisser le loyer de 50 euros par exemple. Les locataires apprécient le confort : une belle salle de bains, une cuisine entièrement équipée, etc. Une cuisine semi-équipée fera reculer de nombreux candidats-locataires. L’enjeu ici est non plus de gagner ou de perdre 50 euros mais de louer le bien plutôt que de le voir inoccupé.”

Selon Koen Hoste, l’avantage d’une meilleure louabilité pèsera de plus en plus lourd dans la balance. Car les normes toujours plus strictes en matière de performances énergétiques poussent les coûts à la hausse et ont un impact sur la facture d’énergie de l’utilisateur/locataire. “Les locataires en sont de plus en plus conscients, assure Koen Hoste. Ils sont attentifs au loyer, évidemment, mais aussi aux frais généraux.”

Cette conscientisation joue une fois de plus en faveur des nouveaux projets, dixit Koen Hoste. “La sobriété énergétique prévaut, y compris dans les communs, constate-t-il. Tout est mis en oeuvre pour réduire la facture d’énergie au strict minimum : panneaux solaires, éclairage Led, capteurs, etc. Les promoteurs essaient de limiter les communs au sous-sol, question de réduire l’impact sur les charges.”

Economies sur la superficie

Depuis quelques années, les promoteurs immobiliers se concentrent davantage sur le segment des investisseurs. Le discours des vendeurs a parfois de quoi surprendre. Un exemple parmi d’autres : “Achetez un nouvel appartement et revendez-le au bout de 10 ans. Vous évitez ainsi de devoir le rafraîchir. Et avec la plus-value réalisée, vous pouvez acheter un nouvel appartement.” “L’argument vaut ce qu’il vaut, réagit Philippe Janssens. Mais la plus-value suffit-elle à récupérer les 21 % de TVA après 10 ans ? Il faudrait pour cela que les prix augmentent de 2 % par an. Dans le contexte actuel, c’est tout sauf évident.”

La nouvelle génération d’appartements offre une plus-value potentielle supérieure, reconnaît Koen Hoste. “La prestation énergétique pèsera aussi plus lourd au moment de la revente, précise-t-il. Un appartement de niveau E30 n’a pas la même valeur qu’un appartement de niveau E70 vieux de 10 ans. Quant à savoir si une plus-value est réalisable dans la pratique, cela dépend essentiellement des variables économiques, difficilement prévisibles.”

Cela ne fait aucun doute : les nouveaux appartements présentent un meilleur bilan énergétique. Mais du fait des coûts de construction plus élevés, les promoteurs immobiliers pourraient être tentés de rogner sur la qualité de leur projet. “Je n’ai pas l’impression qu’ils économisent sur le gros oeuvre ou quoi que ce soit, assure Koen Hoste. Les prix de vente ont toujours plus ou moins suivi l’évolution à la hausse du prix de revient. En revanche, les promoteurs immobiliers jouent indéniablement sur la compacité. Autrefois, la norme pour un appartement deux chambres était de 100 m2. Elle se rapproche aujourd’hui davantage des 90 m2. L’aménagement est optimisé, les chambres à coucher sont plus compactes. Les terrasses sont agrandies pour donner une impression d’espace. Surtout les terrasses intégrées qui deviennent en quelque sorte le prolongement de l’espace de vie, une sorte de lounge.” Philippe Janssens n’est pas favorable à cette tendance à plus de compacité. “Elle se justifie jusque dans une certaine mesure, admet-il. Le problème des petits appartements, c’est qu’ils s’adaptent plus difficilement aux nouveaux besoins et souhaits des occupants.”

LAURENZ VERLEDENS

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