La Belgique bien au-delà des seuils imposés pour le “vert” et le digital

Thomas Dermine

Le plan national d’investissements et de réformes que la Belgique s’apprête à soumettre à l’Europe avant la fin de ce mois d’avril dépasse largement les seuils imposés en ce qui concerne les investissements en faveur du climat d’une part, et de la transition digitale de l’autre. Selon une présentation du secrétaire d’Etat à la Relance Thomas Dermine, vendredi, une part de 57% des investissements prévus par la Belgique (tous niveaux de pouvoir confondus) peut être taxée de “verte”, pour 31% de “digital”, là où la Commission exige respectivement minimum 37% et 20%.

Les gouvernements, soutenus par l’analyse de différents intervenants (entre autres Conseil national du travail et Bureau fédéral du plan) et en dialogue avec les équipes de la Commission, ont établi un plan qui prévoit la plus grosse partie des dépenses dans les premières années. “Au plus tôt on investit après la crise, au plus l’impact et l’effet démultiplicateur sont importants”, appuie Thomas Dermine. Prévus pour la période 2021-2026, les investissements publics de ce plan à 5,9 milliards se concentreront donc en grande partie sur 2021 (1,107 milliard), 2022 (1,563) et 2023 (1,121).

En tout, 87 projets d’investissement ont été retenus, pour 34 projets de réforme. La part du lion revient, comme déjà annoncé, à l’infrastructure (transport, énergie, bâtiments, etc.): 56% des fonds prévus la concernent. La rénovation du parc immobilier (logements sociaux, bâtiments publics, etc.) est d’ailleurs une des plus grosses enveloppes globales planifiées, avec plus d’un milliard si l’on combine les projets fédéraux, régionaux et communautaires. Mais, “on sait qu’investir dans l’infrastructure et le ‘hardware’ n’est pas efficace si parallèlement on n’investit pas dans l’humain”, a souligné vendredi Rudi Delarue, président du Conseil National du Travail, présent à la même conférence de presse. 25% des investissements concernent ainsi le “capital humain”, selon les grandes lignes du plan exposées par Thomas Dermine.

Pour rappel, ce plan est à rendre pour la fin avril à la Commission européenne, déjà impliquée dans la révision des “brouillons” qui lui parviennent depuis octobre. De nombreux pays sont en retard, et cette date du 30 avril semble en réalité prendre de plus en plus des allures de délai “indicatif”, indiquait récemment une source européenne. Mais la Belgique est sur la bonne voie pour introduire sa version finale, “écrémée” des demandes excédentaires, dans les derniers jours d’avril, nous assure-t-on.

Le plan national de réformes et d’investissements doit être rendu pour pouvoir bénéficier de la “Facilité pour la reprise et la résilience”, la plus grosse enveloppe de l’instrument de relance européen que la Commission compte alimenter par un emprunt d’ampleur inédite sur les marchés des capitaux. L’exécutif européen s’est engagé à évaluer et approuver chaque plan national qui lui est soumis dans les deux mois qui suivent. Le Conseil aura ensuite un mois de plus pour adopter la décision d’implémentation finale, de quoi libérer les “préfinancements”.

“Je pense que les orientations du plan répondent aux enjeux auxquels la Belgique doit faire face”, indique vendredi le secrétaire d’Etat à la Relance. Le pays accuse un déficit structurel en investissements publics, martèle-t-il, “et cela commence à se voir”, particulièrement dans les infrastructures (routes, …). Les subventions européennes devraient aider la Vivaldi à se rapprocher de son objectif (ambitieux) de 3,5% du PIB en investissements publics en 2024, vers 4% en 2030. Le secteur de la construction devrait, entre autres, être parmi les bénéficiaires d’une augmentation de la commande publique. Reste à maximiser l’impact au niveau de l’insertion socio-professionnelle, par exemple.

Côté impact, justement, le Bureau du Plan estime que les 5,9 milliards d’investissements publics auront un effet positif correspondant à 0,21% de PIB sur la période 2021-2026, a expliqué vendredi le commissaire au Plan Philippe Donnay. L’impact sera le plus marqué à court terme (2022), mais on observe encore des conséquences positives jusqu’en 2040 (0,14% de PIB), note-t-il. A noter que cet impact ne tient compte que de l’enveloppe du plan “de reprise et résilience”, hors réformes. Or, ces investissements devraient avoir un effet d’entrainement sur d’autres types d’investissements (privés, semi-publics, etc.) et les plans d’investissement des pays voisins devraient aussi faire levier au bénéfice de certaines entreprises belges, particulièrement dans des secteurs transfrontaliers comme l’aéronautique, rappelle-t-il. In fine, l’impact sur l’emploi local dépendra aussi en grande partie de ces investissements additionnels et de la manière dont on réalisera concrètement les projets prévus.

Particularité de l’évaluation de la mouture finale du plan de reprise et de résilience: elle a donné lieu aussi à une analyse d’impact en termes d’égalité hommes-femmes. Selon Liesbet Stevens, la directrice adjointe de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, il est établi qu’environ 18% des projets retenus devraient avoir un impact positif sur l’égalité hommes-femmes. Pour environ 52%, il y a un impact positif “potentiel”. Cela veut dire qu’il y a un travail à faire pour veiller à ce que les investissements ne laissent pas les femmes de côté. D’autant plus qu’à court terme, ce sont des secteurs essentiellement “masculins” (construction, énergie, etc.) qui bénéficieront du gros de l’enveloppe, a-t-elle mis en garde. Liesbet Stevens y voit en revanche une opportunité de travailler, par exemple, à la formation et l’intégration des femmes dans ces secteurs professionnels majoritairement occupés par des hommes.

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