“Hamster”, emphytéose, micro… Cinq pistes alternatives pour acquérir une habitation

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La hausse constante des prix immobiliers et les exigences croissantes des banques ne facilitent pas la vie des candidats-acquéreurs. Il faut donc oser sortir des sentiers battus.

Le prix des habitations se maintient en Belgique. Les augmentations sont généralement applaudies car les observateurs y voient la preuve de la santé florissante de notre marché immobilier.

Cette hausse constante plaît nettement moins aux candidats-acquéreurs. Les prix sont sous pression, clame-t-on de plus en plus fréquemment. Les regards se tournent souvent vers les banques qui, la crise financière aidant, ont resserré les conditions d’octroi de leurs crédits. De son côté, la Banque nationale de Belgique (BNB) préconise une politique de crédit encore plus stricte. Dans son bilan annuel, elle prône pour le marché hypothécaire belge des mesures visant à décourager la production de prêts à un taux loan-to-value supérieur à 80 %. Autrement dit, pour éviter de devoir remplumer leurs fonds propres, les banques devraient exiger des aspirants propriétaires un apport de 20 % au moins du montant de leur achat. Avec l’approbation des autorités européennes, la BNB envisage d’appliquer la nouvelle politique dès le mois de mai. Les jeunes qui ne peuvent pas compter sur l’aide financière de leurs proches doivent-ils faire une croix sur leur projet de logement ? Existe-t-il d’autres options ? Voici quelques pistes alternatives.

1. Location “hamster”

John Romain (Immotheker Finotheker)
John Romain (Immotheker Finotheker) “Pour évaluer avec précision la capacité d’emprunt nette maximale, il convient d’analyser de façon détaillée la situation financière personnelle du client.”© PG

Le marché belge du logement se distingue par sa diversité : chaque habitation est unique. Le contraste avec le choix limité de formules de logement est frappant. Le Belge a le choix entre deux options seulement : acheter ou louer. Les choses pourraient changer. La société de construction limbourgeoise Gilen Woonprojecten lance un nouveau concept : la location avec option d’achat. L’idée est simple : les loyers payés par le locataire peuvent servir à financer l’achat de l’habitation. Concrètement, les loyers des cinq dernières années sont déduits du prix de vente et le locataire a jusqu’à 10 ans pour décider s’il souhaite ou non acquérir l’habitation qu’il occupe. Il n’y a aucune obligation d’achat : si le locataire ne désire pas activer l’option d’achat, il continue à louer, tout simplement.

” Nous avons fait de gros efforts pour traduire une matière relativement complexe en une formule simple, explique le gérant Rudi Gilen. Nous proposons un contrat de location tout ce qu’il y a de plus classique, en tous points conforme à la législation. Simple et transparent pour le client mais sous cette apparente simplicité se cache une sacrée expertise. ”

Un investissement immobilier doit être considéré par rapport à l’ensemble du portefeuille de placement.

La location ” hamster ” proposée parGilen Woonprojecten peut aider à surmonter le problème des prix de l’immobilier, de moins en moins abordables. Selon une récente enquête de l’entreprise, l’achat d’un logement est devenu impayable pour 81 % des locataires. ” En économisant cinq ans de loyers, les candidats-acheteurs doivent pouvoir mettre environ 20 % de fonds propres sur la table, poursuit Rudi Gilen. En attendant, ils peuvent déjà occuper la maison de leurs rêves. ”

Cette formule constitue une sorte de préfinancement. La société compense-t-elle cette facilité par une majoration du loyer ou du prix de vente ? ” Non “, répond Rudi Gilen. ” Nos loyers et nos prix de vente sont conformes à ceux du marché. Au moment où le client signe, nous ignorons s’il optera pour l’achat ou la poursuite de la location. Le manque de transparence nous pénaliserait si nous trafiquions les prix. ” Gilen admet toutefois que les faibles taux d’intérêt actuels jouent en sa faveur. ” Une légère hausse des taux ne serait pas problématique mais si nous devions retrouver la situation d’il y a une vingtaine d’années, notre modèle pourrait être en difficulté. Comme tous les modèles d’ailleurs. Nous nous engageons à bloquer les prix pendant cinq ans et n’anticipons aucun changement fondamental. ”

Selon Gilen, la location ” hamster ” cadre avec la vision à long terme de l’entreprise. ” Tant que notre politique est socialement cohérente, nous ne risquons pas grand-chose. Cette cohérence sociale est notre filet de sécurité en quelque sorte. Je ne pense pas que ce concept soit applicable à toutes les sociétés de construction. Nous sommes une entreprise familiale, sans financiers extérieurs, qui ne distribue pas de dividende. Chaque euro de bénéfice est réinvesti. ”

Depuis le lancement du concept en février dernier, Gilen Woonprojecten a enregistré plusieurs locataires ” hamster “. La formule suscite manifestement beaucoup d’intérêt. ” Nous avons reçu des milliers de courriels auxquels nous sommes en train de répondre. Nous possédons un portefeuille de terrains assez important et notre but est de proposer chaque projet selon cette formule. Nous effectuons des tournées de promotion en Wallonie et en Flandre. Si des partenaires locaux fiables se manifestent, une collaboration n’est pas exclue. Nous croyons dans cette formule. Ce serait dommage de ne pas y inclure d’autres partenaires. ”

2. Emprunter différemment, sur une plus longue durée

John Romain, CEO d’Immotheker Finotheker, relativise le problème de l’accessibilité des prix. ” Les jeunes restent plus longtemps à la maison, fait-il remarquer, car il est plus facile d’épargner en restant chez papa et maman. Par contre, la situation des personnes isolées – de plus en plus nombreuses sur le marché du logement et de l’hypothèque – se complique. ” Il se dit, lui aussi, assez préoccupé. ” Que se passera-t-il si les taux repartent à la hausse ? Les Régions réduisent lentement mais sûrement l’avantage fiscal du bonus logement. Il a même été purement et simplement supprimé à Bruxelles. Certes, cette mesure s’accompagne d’une majoration de l’abattement mais cela ne compense nullement l’avantage du bonus logement. Si on y ajoute l’obligation d’un apport de fonds propres plus important de la part des emprunteurs, le tableau est nettement moins rose. ”

Ce qui ne veut pas dire qu’il faut emprunter à tout va. John Romain préconise des conseils indépendants et personnalisés. ” On applique un peu trop souvent des règles générales galvaudées. Comme cette règle selon laquelle il ne faut pas consacrer plus d’un tiers des revenus au financement de son logement. Pour évaluer avec précision la capacité d’emprunt nette maximale, il convient d’analyser de façon détaillée la situation financière personnelle du client. Je dis bien la capacité d’emprunt nette car il faut aussi tenir compte des incitants fiscaux comme le bonus logement. ”

John Romain propose-t-il des alternatives aux candidats-acheteurs qui disposent de moyens financiers limités ? ” L’étalement de l’emprunt sur une plus longue durée – 25, 30 voire 35 ans – permet de réduire les mensualités, de disposer d’un matelas de fonds propres plus conséquent et de combler le fossé de la pension, assure-t-il. Mais les emprunts sur 30 ans ou plus ne sont plus de mise aujourd’hui. Les banques évitent le plus possible les longues durées car le funding se fait à court terme. La Banque nationale les soutient car plus vite le prêt est remboursé, moins la banque court de risques. Mais est-ce vraiment sain ? J’en doute. Qui dit prêt de courte durée, dit mensualités plus élevées. Les résultats d’une récente enquête sont assez révélateurs : 40 % des Belges de 35 à 44 ans ne sont pas en mesure d’épargner. Les familles doivent en outre supporter une facture énergétique plus salée. Cette tendance à écouter la durée des prêts pourrait aggraver les problèmes de remboursement. ”

Christophe Niclaus (Immo2Life):
Christophe Niclaus (Immo2Life): “La vente en viager en pleine propriété est une piste intéressante pour les multipropriétaires.”© PG

John Romain critique également la propension des banques à encourager les emprunteurs à opter pour un taux fixe. ” Du fait des taux peu élevés, le client penche plutôt pour un taux fixe. Par souci de sécurité. Il faut savoir qu’un prêt accordéon par exemple, qui compense une hausse éventuelle des taux par un allongement de la durée, offre la même sécurité. ”

3. Rente viagère

Le resserrement par les banques de leur politique de crédit est peut-être l’occasion pour les nouveaux candidats-acheteurs immobiliers de se tourner vers d’autres formes de financement, moins classiques. La rente viagère par exemple. Dans le cadre d’une vente en viager, l’acheteur paie au vendeur une avance, appelée le bouquet, à la signature du contrat. Le paiement du solde s’effectue par une rente mensuelle indexée (la rente viagère) versée par l’acheteur au vendeur. Sans l’intervention d’un banquier. ” La rente viagère, qui constitue sans aucun doute une forme de financement alternative pour les jeunes, est une option rarement retenue “, constate le notaire Jelle Van Hove. Pour une question d’offre limitée essentiellement, souligne le notaire. ” Dans la plupart des contrats de rente viagère, une personne âgée vend son habitation sous réserve d’usufruit ou d’occupation. Une option intéressante si l’acheteur le considère comme un investissement, pas s’il veut y habiter. ”

” Les rentes viagères en pleine propriété sont effectivement assez rares “, confirme Christophe Niclaus, gérant d’Immo2Life, agence immobilière spécialisée dans les ventes en viager. Christophe Niclaus a récemment mené à bien une vente en viager en pleine propriété. ” La vendeuse était une dame âgée sans enfants, décrit-il. Au décès de son mari, elle a souhaité emménager dans une habitation plus modeste. La rente viagère lui permet de payer le loyer de son appartement. La vente en viager en pleine propriété est une piste intéressante pour les multipropriétaires aussi. J’ai déjà supervisé plusieurs transactions pour des personnes brouillées avec leurs enfants. C’est une façon de soustraire le bien du futur héritage. ”

Outre l’offre limitée, y a-t-il d’autres inconvénients pour les candidats-acquéreurs intéressés par un achat en viager ? ” Il faut déjà un bon bas de laine pour payer le bouquet, répond Christophe Niclaus. Un des grands avantages est de pouvoir négocier en toute liberté. On peut par exemple convenir de réduire le bouquet et d’augmenter légèrement la rente viagère mensuelle. ” Selon le notaire Jelle Van Hove, tous les risques peuvent être juridiquement couverts. ” Autre avantage important : pas besoin d’acte de crédit hypothécaire. Par contre, vous ne pouvez pas déduire l’hypothèque de l’impôt sur les personnes physiques. ”

4. Emphytéose

La tendance haussière des prix sur le marché du logement est due en grande partie à l’augmentation persistante du prix des terrains. Dissocier le prix élevé du terrain de celui du logement devrait donc avoir un effet positif sur le prix d’achat. Une vente par emphytéose offre cette possibilité. A la côte, plusieurs promoteurs immobiliers proposent la formule emphytéotique pour les appartements en vente.

Les jeunes ne doivent surtout pas se laisser berner par les mythes et légendes sur les avantages financiers de l’achat.” Gert Peersman (professeur d’économie)

Dans le cas d’une emphytéose, l’acheteur acquiert uniquement le bâti et paie un loyer annuel (le canon) pour le terrain. L’investissement initial est ainsi nettement moins élevé. Cette formule présente également un avantage fiscal car l’acheteur ne doit payer aucun droit d’enregistrement sur le terrain.

Le droit d’emphytéose a toujours une durée limitée, de 27 ans minimum à 99 ans maximum. C’est là que le bât blesse, selon le notaire Jelle Van Hove. ” Aucun problème pour le premier propriétaire, ajoute-t-il. Surtout pour une durée de 99 ans, vous pouvez sans souci céder le bien. Mais plus l’échéance approche, plus vous avez de difficultés à vendre ce type de bien. Même s’il est prévu contractuellement, l’allongement automatique de la durée est impossible juridiquement parlant : une fois la durée fixée, elle ne peut être modifiée. ”

Le notaire acte peu de contrats emphytéotiques pour l’achat d’un premier logement. ” La plupart des contrats emphytéotiques entrent dans une construction fiscale entre sociétés associées “, précise-t-il.

Rudi Gielen (Gielen Woonprojecten):
Rudi Gielen (Gielen Woonprojecten): “En économisant cinq ans de loyers, les candidats-acheteurs doivent pouvoir mettre environ 20 % de fonds propres sur la table.”© PG

5. Louer plus longtemps, voire à titre définitif

” Louer revient à jeter l’argent par les fenêtres. ” Cet adage populaire en Belgique explique pourquoi le marché locatif constitue généralement un choix par défaut. La location offre pourtant des avantages non négligeables. Elle constitue pour les nouveaux-venus sur le marché du logement la solution idéale pour circonscrire avec précision leurs souhaits en matière d’habitation. La flexibilité qu’offre la location est aussi un atout pour tous ceux qui n’ont pas encore arrêté de choix définitif, que ce soit sur le plan privé et/ou professionnel. C’est LA solution provisoire par excellence.

La location à (plus) long terme constitue-t-elle un choix judicieux ? Oui, à en croire l’économiste Gert Peersman. Le professeur d’économie de l’Université de Gand réfute le sacro-saint adage. ” Il n’y a aucune raison de croire que l’avantage financier que représente le fait de posséder sa propre habitation, à savoir le loyer économisé et la valorisation de la maison, soit plus élevé que le rendement d’un investissement alternatif après correction des risques “, a déclaré Gert Peersman dans De Standaard. Le débat ‘acheter ou louer’ n’est pas rationnel, estime-t-il. On compare des pommes et des poires. Comme l’argument selon lequel mieux vaut acheter de l’immobilier vu le rendement quasi nul du carnet d’épargne. Ce genre de comparaison n’a aucun sens. Il faut comparer ce qui est comparable, c’est-à-dire des placements assortis de risques équivalents. Le propriétaire immobilier doit supporter beaucoup plus de frais. L’octroi d’un prêt nécessite aussi un capital de départ. Ce sont autant d’éléments à prendre en compte. ”

Quid de l’argument selon lequel le remboursement mensuel oblige l’acheteur d’une habitation à réduire sa consommation au profit de son investissement ? ” Le locataire peut s’imposer la même autodiscipline en programmant un ordre permanent d’épargne. Et il jouit d’une plus grande liberté de choix en matière d’investissement et de répartition des risques. ” La surreprésentation des locataires dans les statistiques de pauvreté n’est pas un argument convaincant aux yeux de l’économiste. ” Il y a bien une corrélation – les locataires sont souvent plus pauvres – mais il n’y a pas de causalité. La causalité est inversée : la richesse ne découle pas de la possession ou non d’un bien immobilier mais pour être propriétaire, il faut effectivement être riche. C’est un fait : en cas de perte d’emploi, les propriétaires de leur logement sont plus longtemps inactifs que les locataires. ”

Les jeunes ont-ils intérêt à louer ? ” Je leur conseille d’acheter mais pas pour des raisons financières, poursuit Gert Peersman. Ils ne doivent surtout pas se laisser berner par les mythes et légendes sur les avantages financiers de l’achat. S’ils ne sont pas très à l’aise financièrement parlant, la location constitue une bonne solution. La propriété offre d’autres avantages immatériels, comme une plus grande sécurité, la liberté d’aménager l’habitation à son goût. Autant d’arguments à soupeser à l’aune de la plus grande flexibilité qu’offre la location. Cela ne veut évidemment pas dire que l’immobilier est un mauvais placement mais un investissement immobilier doit être considéré par rapport à l’ensemble du portefeuille de placement. ”

Un apport plus important est “dramatique”

John Romain qualifie de “dramatique” la proposition de la Banque nationale qui consiste à exiger des emprunteurs un apport de fonds propres de 20 % au moins. “Quand on ajoute tous les frais d’hypothèque et liés à l’acquisition, on arrive facilement à 35 – 40 % de fonds propres, ajoute-t-il. Selon nos estimations, cette mesure devrait toucher la moitié des candidats-acheteurs, des jeunes et des personnes isolées pour la plupart. Ils devront épargner plus longtemps pour pouvoir s’offrir un logement.”

La mesure peut aussi induire un comportement déviationniste. Les banques pourraient dès aujourd’hui compléter les prêts hypothécaires avec d’autres prêts. John Romain : “La banque peut limiter le prêt hypothécaire à 85 % par exemple et octroyer dans le même temps un prêt à tempérament pour les travaux de rénovation. La banque respecte ainsi la réglementation mais pénalise le client en quelque sorte. Les charges deviennent encore plus élevées du fait du raccourcissement de la durée des prêts. C’est vraiment pervers”.

Micro-appartements à Amsterdam

Le logement plus petit, donc moins cher, est une autre façon de faciliter l’accès au marché du logement. Sur les marchés très onéreux comme New York et Londres, cette tendance s’est concrétisée par la construction de microappartements, des flats de 25 m2 environ. Ce phénomène fait tache d’huile dans nos contrées. A Amsterdam Nieuw-West, le promoteur immobilier Change= construit 498 logements d’environ 30 m2. Le complexe d’appartements se situe juste en dehors du ring, près du Rembrandtpark et à quelques minutes de marche du métro. Change= vise explicitement “les jeunes actifs de 18 à 30 ans avec de l’ambition”. Outre leur petit flat privé, les résidents ont accès à un jardin intérieur et à des installations comme un restaurant home cooking, un centre smart-work, un bar-laverie et un atelier de réparation de vélos. Les flats se louent 533 euros par mois, plus 78 euros par mois pour le coût des services.

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