Chaudfontaine, la perle rare liégeoise

© DEBBY TERMONIA

Verte et huppée, la commune est appréciée, particulièrement pour deux de ses entités: Embourg et Beaufays. Mais pour garder sa place, encore faut-il pouvoir étancher la soif des candidats acquéreurs.

A la question de savoir quelle est la commune la plus prisée en province de Liège, la réponse des observateurs du marché immobilier liégeois fuse, unanime : Chaudfontaine. C’est que, depuis la fusion des communes, celle-ci compte sur son territoire deux entités extrêmement huppées et… cotées : Embourg, au nord-ouest, faisant face au campus du Sart-Tilman de l’Université de Liège et au CHU (Centre hospitalier universitaire) éponyme, et Beaufays, au sud. ” Ce sont un peu les Uccle et Lasne liégeois “, acquiesce Renaud Grégoire, membre de la cellule communication de la Maison des notaires de Liège. Soit deux entités dont l’attrait est ” historique “, décrit-il, lié à un haut niveau de qualité de vie et à ” un effet d’entraînement auprès de personnes évoluant dans le même environnement socio-économique “.

Une histoire familiale

Avec ceci que, comme toujours en immobilier, la clé du succès est la… situation. En la matière, Chaudfontaine peut se targuer de figurer en bonne place dans la périphérie immédiate de Liège-Ville, plantée sur les hauteurs vertes de la Cité ardente, en première couronne. Cette proximité enviable est doublée d’un accès direct et rapide au centre-ville liégeois grâce à plusieurs grands axes (E25, etc.). Sans compter, complète le notaire liégeois Paul-Arthur Coëme, que la commune s’inscrit ” à la frontière entre l’ouest et l’est de la province de Liège, soit entre les plateaux hesbignon et condrusien et les vallées ardennaises “. Un contexte paysager non dénué d’influence sur l’attrait exercé par Chaudfontaine, insiste-t-il.

Mais, surtout, par Embourg, son quartier phare, dont l’histoire immobilière est indissociable d’une grande famille liégeoise, les Piedboeuf. Ayant bâti leur fortune dans la chaudronnerie, ceux-ci ont constitué, au début du siècle passé, un vaste domaine autour du château d’Embourg, détruit par un incendie en 1944. A la fin des années 1950, les Piedboeuf y élèvent en lieu et place le désormais très recherché lotissement Les Parcs. ” Cette première vague d’urbanisation à Embourg fait la part belle à un habitat de qualité constitué de grosses villas trônant sur de grandes parcelles de quelque 3.000 m2 “, décrit Paul-Arthur Coëme. Très vite, le lotissement attire une population aisée dont le flux ne tarit pas avec les ans. ” Le voisinage du Sart- Tilman, et donc de l’université comme de l’hôpital, amène toujours son lot de professeurs, chercheurs et médecins à Embourg, trop heureux de pouvoir faire les trajets entre leur domicile et leur lieu de travail sans devoir passer par le centre-ville liégeois “, commente le notaire. Dans la foulée, nombre de commerces ouvrent dans les environs, permettant aux habitants d’Embourg de faire leurs emplettes sans quitter le quartier. Le développement d’un réseau scolaire – primaire comme secondaire – suit, ainsi que celui de multiples autres services et facilités.

Résultat ? ” Embourg affiche rapidement complet “, rapporte Paul-Arthur Coëme. Et déverse son trop-plein sur l’entité voisine, Beaufays. ” Les parcelles de terrain y sont cependant plus petites – de l’ordre de 1.000 m2 – parce que les lotissements y sont plus récents “, construits par de grands groupes de développement de type Matexi et consorts. L’habitat y est également ” moins prestigieux ” qu’à Embourg, comptant une majorité de villas de trois à quatre chambres, contre les fastueuses propriétés de six chambres et trois salles de bains d’Embourg, avec piscine et terrain de tennis en sus.

Coûteuses et… dépensières

Aujourd’hui encore, le succès d’Embourg et de Beaufays ne démérite pas. Du moins auprès d’un public de candidats acquéreurs fortuné et de facto… limité. ” Cela fait bien d’y habiter “, ponctue Paul-Arthur Coëme, abondant dans le sens de son confrère Renaud Grégoire en identifiant lui aussi un ” effet d’entraînement ” qui profite aux deux entités calidifontaines. La crise est toutefois passée par là. Elle a débouché sur un ” net ralentissement ” des transactions et une ” forte décote des prix ” ces dernières années en raison de ” tarifs qui demeurent trop élevés par rapport au pouvoir d’achat des candidats acquéreurs en région liégeoise “, détaille le notaire liégeois. D’autant, renchérit Renaud Grégoire, que ce type de grosses propriétés, souvent mal isolées et rarement aux normes, ne convient plus nécessairement aux souhaits actuels des jeunes couples désireux de s’installer. ” Les jeunes sont généralement en demande de biens immobiliers moins énergivores et requérant peu d’entretien. Ils préfèrent consacrer leur temps libre à leurs loisirs plutôt qu’à l’entretien d’un grand jardin. ” Pour preuve, ailleurs en province de Liège, dans la région de Huy, par exemple, où est installée l’étude de Renaud Grégoire, on trouve les mêmes villas cossues qu’à Embourg et Beaufays, mais… ” personne n’en veut “.

Trop rares promotions

Le haut standing dont se targue Chaudfontaine résulte aussi d’une prise en main urbanistique ferme de la part des autorités communales. Leur mot d’ordre ? La qualité de vie. Elles se sont dotées d’un schéma de structure dès 2012 afin de contrôler le développement urbain et, ce faisant, ” maintenir une pression foncière “, explique Florence Herry (MR), échevine calidifontaine de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Environnement. ” Le territoire de Chaudfontaine est caractérisé par une densité de sept logements à l’hectare, poursuit l’élue. Une moyenne qui rend compte du fait que, contrairement à ce que prône la Région wallonne, nous ne cherchons pas à densifier le parc immobilier de la commune. ” Les promotions d’immeubles à appartements ne sont de facto pas particulièrement bien accueillies, ” sauf le long de certains grands axes routiers ou près des services et des commerces “, précise l’échevine, qui admet que les permis d’urbanisme sont délivrés au compte-gouttes pour pareils projets.

Du coup, dès qu’une promotion est annoncée, les candidats acquéreurs se jettent dessus. ” Ceux qui ont bâti des villas dans les années 1950 décident de les quitter en masse pour se tourner vers des appartements, plus petits et aisés à entretenir, intervient Paul-Arthur Coëme. Ils guettent avidement toute opportunité dans leur commune, quoique le manque d’engouement des services urbanistiques en la matière les rende plutôt rares. ”

Les résidences qui décrochent malgré tout le précieux sésame des autorités communales sont par ailleurs priées de construire du parking en quantité et… en sous-sol. ” Nous voulons absolument éviter l’encombrement, reprend Florence Herry. Pareil avec le local à poubelles, dont l’emplacement doit être stratégique afin que les camions de ramassage ne bloquent pas le trafic quand ils exécutent leur tournée. Ce sont des détails, des petits éléments, mais, mis bout à bout, ils permettent de conserver la qualité de vie et le bien-être qui font la fierté de Chaudfontaine. ”

Un futur moins prometteur

C’est bien connu, la rareté fait le prix. A Chaudfontaine, bien sûr, mais aussi ailleurs. Serge Lejeune, patron de la société de promotion Horizon Groupe, est convaincu que la production d’immeubles à appartements neufs doit être intensifiée en province de Liège. ” Embourg tend à être saturé, annonce-t-il. Si l’on se projette dans une vingtaine d’années, ce n’est pas un quartier qui permet des développements importants. ” A la différence d’autres centres urbains de moyenne taille, tels que Tilff, ” une petite ville qui vit le long de l’autoroute E25 “, où Horizon Groupe a ” l’un des plus prisés de (ses) projets immobiliers “. Mais aussi Visé, où les appartements portés par la société de Serge Lejeune sont ” fort appréciés des seniors ” car le centre-ville est animé, disposant de tous les services et facilités. Les prix de vente y sont dans la moyenne haute du marché, soit, pour la province de Liège, de l’ordre de 3.000 euros/m2. Idem pour Ans, proche de l’aéroport, pour Amay, petite bourgade calme caractérisée par un fort sentiment d’appartenance, voire, de manière générale, ” pour toutes les communes qui gravitent dans un rayon de cinq à dix kilomètres autour de Liège-Ville “, assure le promoteur. Idem pour les lotissements de maisons qui, toujours selon Serge Lejeune, connaissent également un franc succès dans les zones identifiées.

Pour le patron d’Horizon Groupe, la palme revient toutefois à Liège-Ville, où il pronostique le plus haut potentiel en matière d’investissement immobilier. ” Les alentours du projet Paradis Express, en face de la gare des Guillemins, mais aussi ceux du jardin botanique, du parc de la Boverie, de la cathédrale Saint-Paul, de la place Saint-Lambert, etc., font l’objet d’une demande extrêmement forte. Mais l’offre en immeubles neufs est trop maigre pour y répondre “, déplore Serge Lejeune. Celui-ci conclut en confiant parier gros sur le coeur de la Cité ardente.

Frédérique Masquelier

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