Bart Tommelein (bourgmestre d’Ostende) et Bart Versluys (promoteur immobilier): “Le tournant est amorcé à Ostende”

BART VERSLUYS et BART TOMMELEIN © debby termonia

Le bourgmestre d’Ostende, Bart Tommelein, compte sur les promoteurs immobiliers comme Bart Versluys pour aider la ville à faire peau neuve. En échange, ce dernier espère une vision claire de développement urbain de la part de l’administration. “Nous nous voyons régulièrement et il n’y a rien de mal à cela”, affirment-ils en choeur.

Le promoteur immobilier Bart Versluys connaît par coeur le chemin qui mène à l’hôtel de ville d’Ostende. Le bâtiment est fermé au public le vendredi. Le promoteur nous guide sans sourciller jusqu’à l’entrée à l’arrière du bâtiment et au cabinet du bourgmestre. ” J’y vais régulièrement pour les dossiers de demande de permis “, explique-t-il. Le Groep Versluys, installé à Ostende, est un des principaux promoteurs immobiliers de la côte. Versluys développe un tout nouveau quartier sur les terres ostendaises d’Oosteroever. Le bourgmestre Bart Tommelein (Open Vld) l’accueille chaleureusement.

BART TOMMELEIN. Je ne suis pas de cet avis. Le bourgmestre doit parler avec tout le monde, avec le personnel communal, les syndicats, les associations de défense de l’environnement, etc. Pourquoi ne pourrais-je pas parler aux entrepreneurs ? Balivernes. A condition que les entretiens avec les promoteurs immobiliers et les entrepreneurs se déroulent au grand jour, en toute transparence.

Nous aurons grandement besoin des promoteurs car il y a énormément à faire à Ostende. Il était autrefois de bon ton de décrier la construction. J’ai toujours affirmé le contraire car le patrimoine résidentiel d’Ostende est usé jusqu’à la corde. Bon nombre d’habitations ne sont plus conformes aux normes minimales de qualité et d’énergie. Il va falloir démolir et reconstruire de nombreux appartements et habitations.

BART VERSLUYS. Le remodelage du paysage urbain de demain dépend en grande partie des promoteurs et des administrations. C’est pourquoi il est important de se concerter et de chercher des solutions ensemble. Je tiens à connaître la vision de l’administration. Bart a raison : cela doit se faire ouvertement, en toute transparence.

La nouvelle administration d’Ostende veut ” attirer les groupes intermédiaires et les familles avec deux salaires “. Comment comptez-vous vous y prendre ? Dans la pratique, les familles qui touchent un double salaire préfèrent une petite maison avec jardin à la campagne ou dans la banlieue verte.

B.T. L’accord communal prévoit aussi la priorisation des logements pour personnes seules. J’insiste car ce groupe est souvent laissé pour compte par les villes. Or, il est en constante augmentation. Pour attirer les familles à double salaire et les jeunes, il faut améliorer l’attractivité de la ville en intervenant à différents niveaux et en organisant toutes sortes d’activités : offre culturelle riche et variée, loisirs, emploi, mobilité et qualité de vie.

Ostende a l’avantage d’être une ville très compacte. Nous avons le plus petit centre-ville de Flandre. Il est possible de se rendre quasi n’importe où à pied ou à vélo. Les espaces ouverts sont également très importants en termes d’attractivité. Ostende a la chance de compter de nombreux parcs fort bien entretenus. Sans parler de la mer et de la plage, le plus grand espace public qu’on puisse trouver dans une ville flamande. Il faudra peut-être créer de nouveaux espaces ouverts en certains endroits. Autrement dit, il faudra parfois densifier et construire en hauteur. Il n’y a plus de place pour des maisonnettes avec jardinet à Ostende. Le stock de terrains à bâtir est épuisé. Les dernières parcelles disponibles sont déjà en construction. Nous devrons donc faire preuve de créativité et imaginer d’autres formes de logement.

B.V. Les appartements que nous construisons aujourd’hui n’ont rien à voir avec ceux du siècle dernier. La plupart des appartements sont aujourd’hui complétés par des terrasses très spacieuses. Une terrasse de six mètres sur huit offre pour ainsi dire les mêmes possibilités qu’un jardinet. Autrement dit, le jardin n’est plus indispensable.

La concurrence entre les résidents à titre secondaire et les habitants permanents constitue-t-elle un obstacle supplémentaire pour attirer ces groupes intermédiaires ?

B.V. Nombreux sont les résidents permanents qui ont commencé par séjourner dans leur seconde résidence. Ils ont acheté un appartement pour les vacances et, séduits par les charmes de la côte, ils ont décidé d’y élire domicile. C’est possible aujourd’hui du fait notamment de l’offre adaptée. Avant, les studios et les appartements étaient tellement petits qu’il était inconcevable d’y habiter à l’année. Les appartements d’aujourd’hui sont nettement plus spacieux et plus confortables.

B.T. L’époque où les résidents intermittents étaient considérés comme des citoyens de seconde zone à Ostende est bel et bien révolue. Comme ils ne pouvaient pas voter ici, ils étaient souvent considérés comme des vaches à lait fiscales par bon nombre de mes collègues. Un point de vue que je ne partage pas. Dans les villes universitaires, des voix s’élèvent pour permettre aux étudiants de voter dans la ville où ils étudient et passent donc le plus clair de leur temps. Une excellente idée qu’il faudrait pouvoir étendre aux occupants de seconde résidence.

Nous ne faisons aucune différence entre les Ostendais de souche et les Ostendais d’adoption.Tous les habitants, même ceux des secondes résidences, font partie intégrante de la population ostendaise. Ils sont plus souvent chez nous que dans les autres communes côtières. Cela tient évidemment au fait qu’Ostende est la seule ville au bord de la mer. Il n’y a pas de saison morte chez nous, même en hiver.

Ostende est confrontée à un autre problème de taille : le manque de cohésion entre les différents groupes de population. Cela tient notamment à l’immobilier : vu la surabondance d’habitations à louer de piètre qualité, Ostende attire plus de personnes à faibles revenus que d’autres villes. Comprenez-moi bien. Je suis un libéral très social et tout le monde est le bienvenu à Ostende. Je ne veux pas d’une ville de riches, voire super riches.

Que comptez-vous faire ?

B.T. La ville doit offrir des logements sociaux de qualité, autrement dit une alternative aux personnes qui occupent des logements vétustes non conformes. Le marché privé de la vente et de la location devra également faire un gros effort. La propriété d’un logement constitue encore et toujours une forme non négligeable de sécurité sociale. En tant que ministre flamand des Finances, j’ai réduit les droits sur la vente à 7% pour faciliter l’accès à la propriété. Une diminution de la TVA à 6% sur la démolition et la reconstruction est un autre stimulant. Pour tout ce qui concerne l’efficacité énergétique, le taux de TVA devrait être uniformisé à 6% car le taux de 21% freine au lieu d’encourager les transformations nécessaires.

B.V. Je ne peux qu’adhérer aux propos de Bart. La diminution de la TVA serait une bonne chose mais sans un changement radical de la loi sur la copropriété, la rénovation du patrimoine tant espérée n’aura pas lieu. Nous en sommes témoins quasi chaque jour : d’importants dossiers d’investissement sont bloqués par un ou plusieurs propriétaires qui, la plupart du temps, n’habitent pas à la côte. Tant que le problème de la surprotection des copropriétaires n’est pas résolu, les autres mesures restent sans effet.

La construction en hauteur est un sujet délicat en Flandre, surtout à la côte. Ostende y est favorable. Comment avez-vous fait pour convaincre votre partenaire de la coalition Groen ?

B.T. Avec deux arguments. Primo : on crée plus d’espaces ouverts en autorisant la construction en hauteur à certains endroits. Prenez l’exemple des appartements sur la digue. Un horrible mur en béton de sept ou huit étages. En insérant une tour de logements çà et là, on casse le rythme. Secundo : construction en hauteur rime souvent avec efficacité accrue, ce qui est tout bénéfice pour l’énergie et le climat. Cela permet de réaliser davantage sur un espace plus petit, de combiner logements, services et mobilité. Pas question pour autant de construire en hauteur n’importe où. Les lieux d’implantation doivent être soigneusement sélectionnés.

Propos recueillis par Laurenz Verledens

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