Vous êtes ici ? Dites-le sur Foursquare !

Après Facebook et Twitter, c’est le média social le plus scruté du moment. Mis en ligne en mars 2009, Foursquare compte plus de deux millions d’utilisateurs. Un emballement qui n’a pas échappé aux grandes marques comme Starbucks ou Domino’s Pizza, entre autres.

Foursquare, c’est d’abord un jeu. Un jeu idiot qui consiste à accumuler des badges pour avoir accompli certaines actions, comme le font les scouts américains – ceux qui connaissent Up ! (Pixar) et le petit Russell voient certainement de quoi il retourne.

Ces actions, appelées check-in, sont basées sur la géolocalisation, un outil que tout smartphone connecté à Internet est capable d’utiliser. L’idée, donc : je fais mon premier check-in, je gagne un badge débutant. Je fais 10 check-in dans 10 endroits différents, je gagne un badge d’aventurier. Je fais un check-in dans trois Apple Stores différents, je gagne un badge “Steve Jobs”. Etc.

Ce “service” peut paraître futile, voire carrément inutile. Mais Dennis Crowley, geek new-yorkais de 33 ans et cofondateur de Four-square, avec Naveen Selvadurai, est un petit malin. Déjà initiateur de Dodgeball en 2004, un site qui permettait de notifier sa localisation à ses amis via SMS et racheté par Google en 2005 avant d’être fermé faute de fréquentation (100.000 utilisateurs), il passe avec Foursquare à la vitesse supérieure. Et ce grâce au bond en avant de la technologie mobile.

Plus abouti, son concept convainc d’abord les early adopters, qui connaissent déjà les réseaux sociaux sur le bout des doigts. Au-delà du jeu, ceux-ci créent une communauté, qui peut se retrouver dans la “vie réelle” via la géolocalisation et, surtout, échanger des tuyaux, des bons plans. A chaque check-in, l’utilisateur peut en effet laisser son petit commentaire. La communauté suit donc les recommandations des membres et se sert de Foursquare comme d’un guide touristique maison. Des partenariats avec des stars de la chanson ou du cinéma commencent aussi à faire leur apparition. Objectif : que les fans suivent les recommandations de leur star préférée.

Un filon à exploiter Outil sympathique, ce réseau social d’un genre nouveau doit cependant trouver une manière de monétiser son audience. Dennis Crowley le sait. Son équipe, qui compte désormais une trentaine de personnes, planche sur un arsenal de solutions. Comme ses prédécesseurs Facebook et Twitter, il attend cependant de voir l’utilisation qui sera faite de son site avant de définir un véritable business model pour sa start-up. “Leur positionnement n’est pas encore très clair, avance Fred Colantonio, consultant en marketing, stratégie internet et réseaux sociaux. C’était la même chose aux débuts de Twitter, qui sert maintenant clairement de média d’information. C’est dans la logique de la segmentation des outils : Facebook pour le réseau social, Twitter pour l’information. Quant à Foursquare, ce sont les utilisateurs qui lui donneront son positionnement définitif.”

Réseau d’amis ? Guide touristique ? Carte de fidélité virtuelle ? Outre-Atlantique, des sociétés ont commencé à exploiter le filon. Chez Starbucks, c’est le “maire” qui est visé. Pour devenir “maire” d’un endroit dans Foursquare, c’est simple : il faut y faire des check-in plus souvent que les autres. Le “maire” d’un café Starbucks reçoit chaque jour une réduction d’un dollar pour un “frappuccino” acheté dans n’importe quel Starbucks des Etats-Unis. L’émulation, la compétition pour devenir “maire à la place du maire” fait le reste. “Pour une marque, l’essentiel, c’est que les consommateurs pensent à elle, indique Régis Vansnick, professeur d’e-marketing à la Haute Ecole Lucia De Brouckère. Pour attirer ces consommateurs dans les enseignes de la marque, celle-ci a tout intérêt à ratisser large. Les réseaux sociaux sont un terrain idéal. Une étude a d’ailleurs démontré que les utilisateurs de Facebook et de Twitter consomment plus que la moyenne.”

En Belgique, le site est un désert Pour l’instant, force est de constater qu’en Belgique les initiatives sont totalement inexistantes. Régis Vansnick est bien “maire” de l’hôtel de ville de Mons. Amusant, mais peu illustratif des potentialités de Foursquare en termes de business local. “Les petits commerçants ont pourtant un beau coup à jouer avec les réseaux sociaux, assure Régis Vansnick. Ce sont des outils de promotion bon marché qui pourraient accroître leur notoriété. Je donne un exemple : les restos situés autour du Parc Pairi Daiza (Ndlr : ex-Paradisio) ne parviennent pas à capter la clientèle de passage. Avec un outil comme Foursquare, ils pourraient se signaler beaucoup plus facilement.” Selon le professeur d’e-marketing, les premières entreprises à se montrer sur le réseau pourraient même bénéficier d’une notoriété supplémentaire, grâce à leur statut de pionnier.

Foursquare et ses deux millions d’utilisateurs se cantonnent essentiellement du côté de l’Amérique du Nord. “J’ai fait un test de Foursquare à Louvain-la-Neuve : je n’ai pas trouvé grand-chose à part le cinéma et quelques restaurants, raconte Jacques Folon, spécialiste des médias sociaux chez Edge Consulting. La population louvaniste représente pourtant plus ou moins le coeur de cible de ce média social. Mais tout le monde ne peut pas se payer un BlackBerry ou un Iphone, et les coûts de connexion restent élevés.”

Autre frein potentiel au développement de Four-square : l’utilisation même de la géolocalisation. Le site Pleaserobme.com a beau jeu de dénoncer le partage excessif de données avec la terre entière. Forcément, si vous êtes au Starbucks, vous n’êtes pas chez vous. Et les cambrioleurs vous disent merci. “Foursquare n’est pas plus dangereux qu’un autre média social, tempère Jacques Folon. Chacun peut décider qui aura accès aux informations livrées.” Comme avec Facebook, tout est dans le paramétrage de l’outil. Sachant que le principe d’un média social est le… partage. “Je suis parfois surpris du nombre d’informations que les gens acceptent de partager sur Facebook, du genre : J-2 avant de partir aux Caraïbes, s’étonne Fred Colantonio. Cela étant, déclarer où l’on se trouve, c’est encore une barrière psychologique pour certains. Mais elle est en train de sauter.” Pour le développement de Foursquare, il vaudrait mieux.

Des investisseurs aguerris Tout cela n’empêche pas Dennis Crowley de dormir. Lors du lancement de son bébé, il avait réussi à réunir 1,35 million de dollars, via une série d’investisseurs, dont O’Reilly Alpha Tech Ventures et Union Square Ventures, qui en son temps avait déjà participé au financement de Twitter. Après des rumeurs de rachat par Yahoo !, Dennis Cowley a finalement décidé de continuer en solo, fort d’une nouvelle levée de fonds. Les investisseurs historiques, associés à Andreessen Horowitz, société dirigée par les cofondateurs de Netscape et investisseur des premières heures dans Facebook, viennent de mettre 20 millions de dollars sur la table. L’entreprise de Dennis Crowley est dé-sormais valorisée à 95 millions de dollars.

Gilles Quoistiaux

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