Twitter, Amazon, impression 3D… : attention aux bulles !

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D’Amazon à Twitter en passant par 3D Systems, les valeurs de très forte croissance ont déçu dans l’ensemble, attisant les craintes de bulles qui ont caractérisé la plupart des nouvelles technologies lors des premiers signes de maturité.

Le plongeon le plus spectaculaire est à mettre au passif de Twitter qui a quasiment abandonné un quart de sa valeur à la suite de la publication de son rapport trimestriel. Les motifs d’inquiétude étaient nombreux, à commencer par le tassement de la croissance du nombre d’utilisateurs au dernier trimestre de 2013 : + 30 % en glissement annuel (à 241 millions) contre +39 % (à 232 millions) au troisième trimestre. Une forte déception, étant donné que les marchés plébiscitent Twitter depuis son introduction en Bourse en raison du potentiel de croissance qu’il offre, si l’on espère une augmentation du nombre d’utilisateurs comparable à Facebook qui a dépassé le milliard. Plus inquiétant, le nombre de vues a chuté de 159 à 148 milliards. Ces doutes sur la croissance du réseau social ont largement éclipsé une meilleure rentabilisation avec 1,47 dollar de revenus publicitaires par 1.000 vues au quatrième trimestre contre 0,97 dollar au cours du trimestre précédent.

Les réseaux sociaux condamnés à déprimer

Twitter ne fut toutefois pas la seule déception parmi les réseaux sociaux (lire aussi en page 40). LinkedIn a en effet émis des prévisions pour le trimestre en cours inférieures au consensus des analystes, la croissance étant appelée à se tasser. Ces différentes mises en garde interpellent dans un contexte de valorisation tendue. Chaque utilisateur de Facebook et Twitter est ainsi valorisé à plus de 130 dollars et même 180 dollars pour LinkedIn, une prime aux comptes payants. Evidemment, ces sociétés affichent une hausse rapide de leurs revenus, LinkedIn ayant livré la moins bonne prestation avec une croissance de 47 %, mais en achetant un titre trop cher, l’investisseur prend le risque de payer dès maintenant la croissance de nombreuses année à venir.

Facebook, le réseau social le plus mature avec un bénéfice de 2 milliards de dollars, affiche ainsi un ratio cours/bénéfice de 80. Pour afficher une valorisation en ligne avec les marchés (environ 16 fois les bénéfices), Facebook doit donc multiplier ses profits par cinq. Même en tenant compte d’une forte amélioration de la marge nette de 28 % à 40 %, cela signifie que ses revenus devraient atteindre 25 milliards de dollars, soit 20 dollars par utilisateur (partant du principe que le réseau avance progressivement, tenant compte notamment de son blocage en Chine). En d’autres termes, chaque utilisateur devrait être bombardé de 5.000 publicités et cliquer sur 30 d’entre elles chaque année. Tout cela sans tenir compte de la tendance baissière du coût par clic en raison du développement de l’audience sur appareils mobiles (coût par clic moitié moindre que sur PC) et du développement hors des Etats-Unis où le coût par clic est supérieur à l’Europe et aux pays émergents.

Cette constatation vaut évidemment pour l’ensemble des grands réseaux sociaux qui doivent également faire face à une concurrence de plus en plus rude : de Google+ à Snapchat en passant par Tumblr ou Pinterest. Facebook perd ainsi des parts de marché, notamment parmi les adolescents peu enclins à partager le même réseau que leurs parents tandis que Twitter est considéré par certains observateurs comme un repaire de journalistes et de spécialistes des relations publiques.

Par ailleurs, les réseaux sociaux sont évidemment liés au marché de la publicité en ligne qui a crû (selon les estimations) de 13 % l’année dernière pour atteindre près de 110 milliards de dollars, presque autant que l’ensemble de la presse écrite (journaux et magazines) et plus de la moitié des budgets télé. Afin de continuer à attirer les annonceurs, les réseaux sociaux devront donc démontrer aux annonceurs que la pub en ligne est plus rentable alors que selon un sondage de l’agence placemedia, 89 % des managers dans la publicité estiment que les spots TV demeurent plus efficaces.

En Bourse, les réseaux sociaux affichent des hausses somme toute encore assez limitées au regard des précédentes bulles “technologiques” mais ils sont également arrivés assez tardivement sur les marchés, leur popularité étant déjà faite et Facebook étant déjà bénéficiaire. De plus, ils n’ont pas besoin d’énormément de fonds, les investissements demeurant somme toute assez limités. Et stratégiquement, ils ont pu se contenter d’emprunter le sillage de Google qui a véritablement développer le marché de la pub en ligne. Les valorisations n’en restent pas moins interpellantes, Twitter pesant par exemple 30 milliards de dollars en Bourse alors qu’il n’a généré que 665 millions de dollars de revenus l’année dernière pour une perte de 645 millions. Afin d’afficher le même rapport cours/chiffre d’affaires que Google (déjà primé pour sa croissance par rapport aux marchés), Twitter devrait quasiment multiplier ses revenus par sept…

L’impression 3D, une bulle classique

Si les réseaux sociaux font les gros titres, l’impression 3D est devenue l’apanage de la presse financière spécialisée. Les plus optimistes n’hésitent pas à évoquer une technologie de rupture qui finira par bouleverser tous les processus de production à un terme prévisible. Les chiffres de 3D Systems, un des deux leaders de l’impression 3D avec Stratasys, confirment ce potentiel de croissance avec une hausse de 45 % de son chiffre d’affaires en 2013 à 514 millions de dollars, bien mieux que la fourchette de prévision de 440 à 485 millions de dollars émise il y a un an. L’objectif de croissance moyen de 36 % pourrait donc à nouveau être dépassé en 2014.

Cette hausse des revenus provient comme prévu de l’évolution de la vente de machines ainsi que des consommables et services associés. Le groupe précise toutefois qu’actuellement, c’est surtout le marché professionnel qui soutient la tendance, les ménages restant frileux en raison de la complexité d’utilisation et également de l’évolution de l’informatique à davantage de centralisation du matériel alors que les terminaux deviennent mobiles. En passant par des boutiques ou sites commerciaux pour l’impression 3D, les ménages profitent des dernières technologies et des avantages liés à un parc de machines, notamment au niveau de la diversité des matériaux (plastique, argent, cire, résine, céramique, etc.).

Pour 3D Systems, professionnel ne rime toutefois pas avec marges élevées. S’il a fait mieux que prévu en termes de revenus l’année dernière, le groupe a en effet prévenu les marchés que son bénéfice par action serait de 0,83 à 0,87 dollar par action en 2013 alors qu’il s’attendait auparavant à atteindre le cap du dollar, tout en ajoutant que ses profits risquaient de baisser en 2014. Avi Reichental, CEO de 3D Systems, a ainsi déclaré que le management était prêt à tolérer une compression de la marge brute et un recul des bénéfices afin de soutenir la croissance. Le coût freine en effet considérablement le développement de l’impression 3D y compris pour les débouchés les plus prometteurs comme l’aéronautique, la santé (prothèses) et les prototypes industriels, des segments de marché extrêmement sensibles aux deux principales qualités de la technologie : individualisation et absence de contrainte industrielle au niveau des formes.

Pour élargir l’utilisation de sa technologie, 3D Systems doit donc offrir des machines et des consommables moins chers. Il s’agit également de la condition sine qua non pour permettre à l’impression 3D de s’immiscer dans quantité d’autres secteurs allant, entre autres, des ateliers de réparation (pièces de rechange) à la décoration d’intérieur (pièces uniques et sur mesure) en passant par la chocolaterie (fabrication de moules). Cette évolution n’est pas sans rappeler celle de nombreux autres secteurs avant l’impression 3D, comme les télécoms (de la facturation onéreuse à la minute aux forfaits illimités) ou les énergies renouvelables, les acteurs devant trop rapidement s’acclimater à une chute des prix, ce qui a pour conséquence de plomber les résultats durant plusieurs années.

En Bourse, les valeurs correspondant aux spécialistes de l’impression 3D suivent le schéma classique des bulles. Lors des précédentes bulles, les titres affichaient en moyenne une progression de 350 % en trois/quatre ans suivie d’une correction de 80 % en deux ans. Entre début 2011 et fin 2013, les cours de 3D Systems et Stratasys ont été multipliés par sept avant de corriger de respectivement 30 % et 20 %. Les deux valeurs n’ont donc probablement pas encore atteint leur plancher.

Amazon oublie les bénéfices

Amazon s’est érigé ces dernières années en leader mondial de deux grandes révolutions : le commerce en ligne et le cloud computing. Grâce à sa plateforme, le groupe américain est en effet devenu un passage quasi obligé pour quantité de sites de vente en ligne contraints quasiment de laisser une commission à leur principal concurrent afin de profiter de son énorme visibilité et de sa réputation. Amazon fut également un des pionniers du cloud computing, proposant depuis 2006 l’accès à des ordinateurs virtuels et la location d’espace de stockage de données. Dernier axe de croissance, le géant américain développe également une gamme de liseuses (livres numériques) et tablettes particulièrement compétitive en matière de rapport qualité-prix.

Ces développements se sont traduits par une hausse rapide du chiffre d’affaires : de 7 milliards de dollars en 2004 à près de 75 milliards de dollars l’année dernière. Dans sa conquête de marchés, Amazon n’a toutefois pas accordé de réelle importance à ses marges, offrant les frais de port, vendant ses liseuses à prix coûtant et investissant beaucoup dans le cloud computing. Alors que ses revenus ont plus que décuplé depuis 2004, le bénéfice net d’Amazon a chuté de plus de moitié à 274 millions de dollars l’année dernière, suivant même une légère perte en 2012.

En Bourse, l’action a suivi l’évolution des ventes, le titre affichant même une multiplication par 50 depuis son plancher de l’automne 2001. Amazon vaut ainsi désormais 165 milliards de dollars en Bourse, s’approchant de plus en plus du géant mondial de la grande distribution Walmart (238 milliards de dollars) qui affiche pourtant un chiffre d’affaires six fois plus important à 466 milliards de dollars et une marge opérationnelle de 3,6 % contre 1 % pour Amazon. Difficile de ne pas craindre une bulle face à de tels chiffres, les nombreux atouts commerciaux d’Amazon n’étant d’aucune utilité pour l’actionnaire s’ils ne génèrent pas de bénéfices.

Tesla enfume les marchés

En octobre, les images d’une Tesla Model S s’envolant en fumée avaient plombé l’optimisme des investisseurs par rapport au spécialiste de la voiture électrique haut de gamme. Depuis, les marchés ont toutefois rangé leurs craintes au placard malgré que d’autres batteries, coeur de la réussite de Tesla, aient pris feu. Le groupe américain vaut actuellement plus de 24 milliards de dollars en Bourse alors qu’il a écoulé à peine 22.450 voitures l’an dernier. A titre de comparaison, BMW, également spécialisé dans le haut de gamme, vaut 54 milliards d’euros (environ trois fois plus que Tesla) mais a vendu 2 millions de BMW, Mini et Rolls Royce l’année dernière. Le groupe bavarois a également indiqué avoir déjà reçu des précommandes pour 65.000 véhicules plug-in i3 et i8 rien qu’aux Etats-Unis.

En termes de développement, la stratégie de Tesla apparaît risquée puisque le groupe mise beaucoup sur la Chine où les autorités ont prolongé les aides fiscales pour les véhicules électriques.

L’empire du Milieu a toutefois déjà maintes fois démontré qu’en matière de technologies, il privilégiait les acteurs locaux ou a minima les partenariats. Notons enfin que la rentabilité de Tesla reste en suspens alors que le groupe devrait publier ce jeudi 19 son premier bénéfice annuel. Suivant les prévisions des analystes, le rapport cours/bénéfice prévu atteindrait toujours 40 pour 2016 alors que l’offre de véhicules électriques haut de gamme va largement s’étoffer d’ici là avec BMW (le plus avancé des constructeurs traditionnels), Mercedes et Audi.

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