Quand start-up et entreprises traditionnelles se rapprochent

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Les grandes entreprises à la recherche d’innovation plus rapide observent les start-up avec attention. Lesquelles sont attirées par les moyens des “corporates”. Dans quels cas faut-il s’unir ?

Corporate venturing… Une notion dont on parle de plus en plus, et qui peut se définir de différentes manières. Concrètement, il s’agit de créer des liens de collaboration structurelle avec des organisations extérieures afin de stimuler et d’accélérer la croissance et l’innovation. On voit régulièrement des entreprises, petites et grandes, s’aventurer sur ce terrain du corporate venturing pour atteindre un ou plusieurs objectifs : défendre leur position de marché, donner un coup d’accélérateur et/ou transformer l’entreprise.

On peut aussi user d’une définition plus imagée. Quand on regarde une PME ou une multinationale, on lui attribue souvent les caractéristiques d’un grand navire : stable mais lent, qui a du mal à changer rapidement de cap. Le corporate venturing permet de constituer une flotte de petites embarcations très maniables autour de ce “bateau-mère” afin de rendre toute la flotte insubmersible. Autrement dit, dans ce modèle à double vitesse, le bateau-mère mise sur l’innovation inside-out, aidé par un écosystème de hors-bords qui facilitent l’innovation outside-in.

“La collaboration des start-up avec les grandes entreprises peut prendre plusieurs formes. Un éventail de possibilités qui permet d’envisager divers types de relations, avec une intensité modulable.”

La raison du succès croissant de cette stratégie est simple : en termes de maniabilité, les start-up ont une nette longueur d’avance sur les mastodontes tandis que les grandes entreprises disposent de moyens dont ne peuvent que rêver les start-up. La combinaison maniabilité-entrepreunariat à grande échelle peut sembler idéale sur papier… Mais, dans la pratique, la concrétisation d’une stratégie win-win n’est pas toujours si évidente.

Voilà pourquoi la collaboration des start-up avec les grandes entreprises peut prendre plusieurs formes. Un éventail de possibilités qui permet d’envisager plusieurs types de relations, avec une intensité modulable. Il est sage de débuter en mode light, puis de densifier le partenariat au fur et à mesure que grandit la confiance mutuelle. Pour une grande entreprise, investir de but en blanc dans une start-up n’est en effet pas forcément la meilleure façon d’entamer une collaboration. La relation est comparable à celle entre deux personnes : on se rencontre, on se fréquente de plus en plus régulièrement pour mieux se connaître et on finit par se marier… si tout va bien !

Le rôle des capitaux “corporate venture” en Europe et en Belgique

Les capitaux corporate venture augmentent chaque année. En Europe, 26 % des investissements proviennent d’entreprises, et plus précisément 29 % de l’ensemble du capital investi. Après les fonds de capitaux à risque, c’est donc la deuxième source la plus importante de capitaux à risque et de croissance pour les start-up et les scale-up.

On constate que bon nombre de multinationales ont créé un fonds corporate venture ces dernières années, notamment ABN Amro, Scania, Allianz, Axa, Orange, Sony, Airbus, Yamaha et IBM mais aussi Campbell Soup et l’aéroport de Schiphol. Certains de ces fonds corporate disposent d’un trésor de guerre de plus de 1 milliard d’euros ! C’est par exemple le cas d’Intel, de Nokia, Cisco ou Deutsche Telekom.

Cette stratégie n’est toutefois pas l’apanage des plus grands. Les PME en pleine expansion comme Renson, Studio 100, Niko et Chaussures Torfs mais aussi les organisations telles que les Mutualités chrétiennes, UZ Antwerpen, Digipolis Antwerpen et l’Unizo, pratiquent le corporate venturing.

D’ailleurs, les investisseurs corporate venture les plus actifs en Belgique sont Proximus, Matexi, bpost, BNP Paribas Fortis, Telenet et D’Ieteren. Et, quand on regarde l’écosystème belge des start-up, on constate qu’elles sont très nombreuses à compter sur des investisseurs corporate : Storsquare, Hoplr, e-Peas, Parcify, Zensor, Unifly, Aproplan, Digiteal, Poppy, et bien d’autres.

Quand et pourquoi les start-up doivent- elles se lancer dans l’aventure “corporate venturing” ?

Les start-up qui en sont encore au stade de la conception ou du prototype et qui n’ont donc pas encore été validées sur le marché ne devraient pas se lancer prématurément dans une telle aventure. Ce n’est que lorsqu’elles ont décroché leur validation commerciale (la fameuse correspondance produit/marché, le product market fit) qu’elles sont prêtes à gravir les échelons et peuvent valablement songer au corporate venturing pour booster leur croissance. Or trop de jeunes pousses s’y essaient trop tôt. Même le géant des boissons Coca-Cola a mis fin à un programme de corporate venturing vu le nombre (trop) élevé de start-up encore au stade de conception.

Comment savoir à quel moment penser à cette option ? Par définition, les start-up doivent relever un ou plusieurs des défis : accès aux clients, accès aux marchés (internationalisation), accès au talent, accès aux moyens et notamment au capital de croissance, accès au savoir-faire (du secteur), perspective d’une future sortie (reprise). Si une grande entreprise peut aider une start-up à relever un de ces défis, le corporate venturing devient une option à sérieusement considérer, car il peut apporter un avantage concurrentiel certain.

Ceci dit, une collaboration corporate venturing n’est pas toujours aussi fructueuse. La plupart du temps parce que les deux parties, en dépit de leurs bonnes intentions, ne sont pas sur la même longueur d’onde. Pour mettre toutes les chances de succès de leur côté, les start-up ont donc tout intérêt à se poser plusieurs questions. Les objectifs et les mobiles de la collaboration sont-ils clairement définis ? Les limitations possibles (par exemple une collaboration avec les concurrents de la société-mère) ont-elles été évoquées ? L’agenda de la société-mère est-il clairement fixé ? Quel est le rôle précis du hors-bord au sein de la flotte ? Les directives procédurales de la société-mère doivent-elles absolument être suivies ? Quel est le degré d’autonomie et de liberté de chacun ?

Oui le futur des entreprises passe indubitablement par la collaboration, et les bons accords font les bons amis. La preuve que dans une start-up, la maîtrise des meilleures pratiques en fusions-acquisitions est aussi indispensable que celle en recherche et développement.

Cet article s’inspire du livre “Corporate Venturing” de Dado Van Peterghem et Omar Mohout, éditions Die Keure. Un chapitre spécial, rédigé par David Dessers, y traite de l’aspect juridique de la collaboration.

Par Omar Mohout, “Entrepreneurship fellow” chez Siris, professeur d’entrepreneuriat à Solvay et à l’Antwerp Management School.

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