Quand les start-up travaillent pour Engie

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Dans sa démarche d’innovation, le producteur d’énergie français Engie a, entre autres, mis en place Engie New Ventures, un fonds de 170 millions d’euros, et ainsi bâti un écosystème de start-up fondées, financées ou rachetées par le groupe. Le but ? Dénicher les futures licornes de l’énergie.

Accélérer l’adoption de la blockchain. Déployer de la connectivité pour les voyages. Produire son gaz de cuisson à partir de déchets ménagers. Créer un réseau pour l’Internet des objets. Ou une plateforme pour des villes plus intelligentes. Ou encore un vélo solaire connecté… Les sujets auxquels la maison mère d’Engie Electrabel s’intéresse sont particulièrement variés. Dans un monde de l’énergie en plein bouleversement, les énergéticiens doivent se réinventer. La prise de conscience du réchauffement climatique, voici un peu plus de 10 ans, a poussé les producteurs d’énergie vers le renouvelable, la production décentralisée et la digitalisation de leur métier. S’éloigner des énergies fossiles et du nucléaire est devenu l’enjeu de la transition énergétique. Une tendance que la grande patronne d’Engie, Isabelle Kocher, a identifiée dès son arrivée à la tête du groupe et qu’elle appelle ” les 3D ” : décarbonné, décentralisé et digitalisé.

C’est un enjeu de taille pour les grands groupes qui voient également naître de nombreuses initiatives innovantes développées tant par de jeunes pousses disruptives dans l’univers de l’énergie que par des pure players du numérique. Aussi, la réponse d’Engie face à cette tendance lourde qui bouleverse son marché ne s’est pas fait attendre. Dès 2014, le groupe a commencé à initier une démarche globale en matière d’innovation, baptisée Engie Innovation. La recherche des solutions énergétiques de demain passe par un travail tant en interne qu’en externe.

Un Belge à la tête de l’innovation

Hendrik Van Asbroeck
Hendrik Van Asbroeck” Les start-up nous donnent accès à beaucoup d’informations sur ce qui se fait de nouveau et d’innovant dans le secteur. “© PG

Engie a rapidement mis en place un département central Innovation et new business qui travaille sur les innovations pour le compte des quelque 25 business units régionales et thématiques qui constituent le groupe. Ce département, qui emploie un peu plus de 30 personnes, est dirigé par un Belge, Hendrik Van Asbroek, ancien d’Electrabel. Sa mission ? Identifier les projets et nouvelles initiatives qui pourraient, à l’avenir, devenir les next big things dans le domaine de l’énergie et de nouveaux relais de croissance pour Engie.

Au sein même du groupe, dans les 70 pays dans lesquels il est présent, des appels à projets sont lancés, permettant aux employés de soumettre leurs idées et de les faire ” incuber “. Des ” semaines de l’innovation ” sont également organisées de manière régulière dans toutes les filiales. Le groupe a également créé une structure interne, Engie Digital, composée de data scientists, de développeurs et d’ingénieurs. C’est là que sont développés pour l’ensemble du groupe les logiciels et plateformes numériques qui peuvent fonctionner comme des API (interfaces de programmation applicatives ). Autrement dit, une innovation numérique développée par Engie Digital peut être reprise, adaptée ou développée par d’autres filiales du groupe pour des services similaires. Par exemple, l’infrastructure logicielle du thermostat connecté Boxx, est une trouvaille d’Engie Digital. Autre exemple : un nouveau service digital voit également le jour en France, adapté aux chaudières connectées. Développé chez Engie Digital, ce service pourra ensuite être décliné au sein des autres business units (comprenez ” filiales “). Ces filiales peuvent donc puiser des solutions chez Engie Digital, ” fournisseur de digital ” du groupe.

Un écosystème de start-up

Ça, c’est pour le développement en interne. Mais pour ses innovations, le groupe regarde aussi vers l’extérieur. Le géant français a multiplié sa présence à de nombreux événements, comme des hackathons, des journées de l’innovation ou des salons prestigieux comme VIVA Technologie à Paris ou le Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas.

Au début du mois de janvier, Engie s’était ainsi offert un grand stand dans l’Eureka Park du CES, le coin dédié aux start-up. Le groupe mondial y a installé les différentes start-up qui travaillent pour lui. Une occasion de présenter ” ses ” jeunes pousses à la presse française (et à Trends-Tendances). Car depuis quelques années, Engie s’est fortement intéressé à l’écosystème des start-up. Notamment en lançant le fonds Engie New Ventures, doté de 100 millions d’euros à l’origine (170 millions actuellement) à utiliser pour investir dans des projets innovants ou racheter des start-up qui font sens, lorsque cela permet au groupe d’avancer plus vite sur certains sujets. Aujourd’hui, Engie dispose ainsi d’un véritable écosystème de start-up. Soit elles sont nées en interne, soit le groupe les a rachetées ou y a pris une participation.

” Les start-up sont un maillon important de notre stratégie d’innovation, reconnaît Hendrik Van Asbroeck, managing director d’Engie Fab, le département new business et innovation du groupe. Cette démarche d’aller vers les start-up nous offre pas mal d’opportunités. D’abord, cela nous donne accès à beaucoup d’informations sur ce qui se fait de nouveau et d’innovant dans le secteur. Ensuite, nos investissements minoritaires nous permettent de devenir administrateurs dans ces jeunes pousses et de suivre des sujets liés à l’innovation. ”

La stratégie d’Engie dans les start-up ne se limite toutefois pas seulement à de l’investissement. Le groupe essaie de développer de véritables partenariats avec les jeunes pousses pour développer leur business ou leur force commerciale. A l’heure actuelle, Engie dispose d’un portefeuille de 21 start-up dans lesquelles il a investi, en moyenne, 4 millions d’euros. Elles constituent chacune les pièces d’un puzzle toujours en construction. Les unes pouvant collaborer avec les autres et fournir ensemble des solutions complètes.

Futurs business à 100 millions

Ces investissements, le groupe espère évidemment les transformer en activités rentables. ” Toutes ces start-up génèrent déjà un chiffre d’affaires, insiste Hendrik Van Asbroeck. Pour le groupe, elles ne sont pas anecdotiques. Nous nourrissons pour elles de vraies ambitions, nous misons vraiment sur ces start-up comme de vrais business. Prenez les deux solutions d’accès à l’énergie dans lesquelles nous avons investi, Fenix et Homebiogas : il ne s’agit pas d’oeuvres de charité, nous avons identifié un marché porteur et, en plus de leur impact sociétal, ces projets sont amenés à devenir de vrais business pour Engie. Notre objectif, d’ailleurs, est d’arriver à ce que chaque start-up puisse générer au moins 100 millions d’euros dans les trois à cinq ans. ”

Plusieurs grandes thématiques innovantes intéressent le groupe Engie. Le stockage de l’énergie en est une, puisqu’il est indispensable dans le développement d’une énergie durable. L’ajout d’une couche digitale et d’une couche d’intelligence dans les services en est une autre, à l’heure où l’intelligence artificielle devient capable de traiter toujours plus d’informations. C’est ainsi que le groupe développe des projets dans le domaine des smart cities, de la blockchain ou des buildings intelligents. Des batteries, par exemple. Ou le développement de l’hydrogène, en mobilité. Le pari d’Engie, en développant son écosystème de start-up, est évidemment que chaque jeune pousse puisse s’appuyer sur la force du groupe pour se développer mais également alimenter en solutions innovantes les différentes filiales à travers le monde.

Cinq start-up de la galaxie Engie

Fenix
Fenix© PG

1. Blockchain Studio

Né en mars 2018, cet éditeur de logiciels dans l’univers blockchain a levé 1,9 million d’euros auprès d’Engie en septembre de l’année dernière. La dizaine de personnes (l’objectif est d’atteindre 25 emplois fin 2019) de Blockchain Studio développe une suite logicielle dont l’objectif est ” d’accélérer et industrialiser la mise en oeuvre de projets blockchain “. La start-up a, par exemple, développé un outil permettant le développement de smart contracts. Si Engie s’intéresse à cette technologie, c’est notamment parce qu’elle pourrait être utilisée pour assurer la traçabilité de l’énergie.

2. Fenix

Ayant son siège en Ouganda, Fenix International propose des systèmes solaires prépayés pour les ménages africains pauvres (de 2 à 10 dollars de revenus par jour) qui n’ont pas accès à l’électricité. Pour la mise en place d’une installation solaire domestique et du matériel (petits panneaux solaires, télévisions, lampes, etc.), les clients paient environ 0,20 dollar par jour et peuvent ainsi bénéficier d’un éclairage, d’une radio, d’une télévision, etc. Après 24 ou 36 mois, les ménages deviennent totalement propriétaires de leur installation. Cette start-up, acquise par Engie en avril 2018, compte plus de 300.000 clients qui effectuent 500.000 paiements mobiles mensuels. Selon les responsables d’Engie et de Fenix, le marché pour ce type de solution est gigantesque : 600 millions de personnes en Afrique n’ont pas accès à l’électricité. Auxquelles il faut ajouter la population des autres pays émergents…

3. Engie M2M

Basée à Bruxelles, Engie M2M est une filiale de l’énergéticien lancée pour opérer le réseau Sigfox en Belgique pour l’Internet des objets. L’idée est d’offrir aux entreprises et aux collectivités une solution pour connecter leurs actifs et développer de nouveaux services. Grâce à Sigfox, il est possible de connecter une multitude d’appareils et de les faire communiquer. L’un des projets phares d’Engie M2M n’est autre que la mise au point, en compagnie de la firme Hydroko, de compteurs d’eau connectés pour le compte de Water-Link. Depuis 2016, ce fournisseur d’eau déploie, à Anvers, un compteur intelligent qui permet d’effectuer des relevés automatiques et de surveiller la consommation quotidienne. Un projet pilote largement surveillé par les autres entités d’Engie. La filiale de l’énergéticien a, par ailleurs, noué un contrat avec la ville de Knokke-Heist pour y installer une série de capteurs en vue d’améliorer la gestion des déchets, la circulation, la qualité de l’air, etc. Au total, Engie M2M revendique 400.000 contrats vendus et une très large couverture du territoire belge : 99% à l’extérieur des bâtiments, 95% à l’intérieur.

4. Livin’

Cette solution mise en place par Engie propose aux villes un logiciel pour leur permettre de gérer de manière plus intelligente leur trafic, la qualité de l’air, le parking, etc. Livin’ se branche aux infrastructures des villes, analyse les données et met en place des scénarios déterminés. Un pic de pollution ? Automatiquement, tous les panneaux de la ville peuvent afficher des messages d’information ou des recommandations. Un souci de parking ? Les mêmes panneaux guideront l’automobiliste. Proposer aux villes des solutions digitales intelligentes s’inscrit dans la logique d’Engie qui est déjà fournisseur de services pour bien des régions et villes. Le lien est évident. Livin’ a déjà signé différents partenariats. Par exemple, au Brésil, pour fluidifier la circulation dans le centre de Niterói, où elle a installé 60 km de câbles en fibre optique, 90 caméras et connecté 190 feux de signalisation. Elle revendique, grâce à son intervention, une diminution de 30% des embouteillages, notamment en gérant la durée des feux en fonction du nombre de voitures qui attendent.

Homebiogas
Homebiogas© PG

5. Homebiogas

Fondée en 2012 en Israël, Homebiogas a mis au point un digesteur de biogaz de petite taille destiné aux particuliers. L’idée ? Transformer les déchets alimentaires en gaz de cuisson. Avec 2 kg de déchets ménagers, il est possible de produire jusqu’à deux heures de gaz par jour, avec une gazinière adaptée. Vendu à 650 dollars sur le Net, ce système autonome fonctionne sans électricité et cible en premier lieu les marchés émergents où des millions de familles n’ont pas accès au gaz. Mais Homebiogas pourrait aussi être adopté par des familles des pays développés qui visent un style de vie plus durable. Homebiogas a déjà levé 7 millions d’euros. Engie a pris une participation minoritaire (13%) dans cette start-up qui compte 30 collaborateurs. 4.500 systèmes ont déjà été vendus dans 90 pays, permettant à la firme de générer un chiffre d’affaires de 1,3 million de dollars en 2018.

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