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Pourquoi le télétravail ne marche pas (vraiment)

Comme l’explique Yuval Harari, ce qui différencie la capacité des humains à contrôler leur destin à contrario des autres animaux qui peuplent la terre, c’est leur incroyable capacité de coopération. Nous avons réussi en quelques centaines d’années à construire des systèmes complexes à grande échelle de coopération.

Les métiers complexes qui ne sont pas à la portée de chacun et qui demandent des connaissances spécifiques sont nombreux. Que ce soit dans les métiers de la finance, de l’industrie ou de l’informatique, le tronc commun pour créer, grandir, développer reste la coopération à grande échelle. Cette coopération se traduit par les liens intrinsèques que les humains vont pouvoir tisser entre eux.

Une maladie et tout s’arrête

On ne débattra pas de statistiques ou ne jugerons pas le bien-fondé des mesures imposées par les gouvernements liées au COVID-19 mais il est indéniable que la plupart des organisations ont été ébranlées dans leur organisation.

Comme le disait il y a quelques jours André Comte-Sponville, une des raisons pour lesquelles la machine politique a eu une réponse virulente et brusque face à la maladie est le fait que les chiffres soient quasiment accessibles en temps réel et par biais la mondialisation dans son aspect médiatique. Cela influe sur la politique des entreprises vis-à-vis de leur politique de travail à distance.

Quel changement ?

Très rapidement les entreprises ont accéléré l’adoption des technologies de communication à distance comme Zoom, Google Meet, Teams et autres… Premières impressions? Tout cela fonctionne très bien et n’a pratiquement pas d’impact sur la productivité des entreprises. Certains vont jusqu’à ne pas comprendre pourquoi cela n’a pas été généralisé plus tôt? Non seulement il est tout à fait possible de communiquer mais on peut également être plus efficace en économisant les temps de trajets, permettant de produire plus et souvent en augmentant la qualité du travail rendu. Certaines entreprises viennent à imaginer réduire les espaces de travail de manière permanente puisque tout cela fonctionne très bien.

La rançon de la gloire

La question de l’efficacité peut donc être posée. A l’avenir, changerons-nous nos habitudes de travail en systématisant le télétravail, à mi-temps par exemple? Cela permettrait à bon nombre de personnes d’allier plus facilement vie de famille et vie professionnelle. On touchera à la gloire du potentiel de travail de chacun.

Mais il n’en est malheureusement rien. Nous restons des animaux avec un besoin d’interaction sociale. Malgré le fait que nous puissions remplir des tâches fonctionnelles, il est extrêmement difficile d’avoir des sessions de brainstorming ou de créativité dans un appel vidéo. Un des ingrédients fondamentaux d’une coopération effective est la capacité d’une entreprise à construire une relation de confiance entre les différents collaborateurs. Nous avons un besoin fondamental de la compagnie d’autres personnes pour pouvoir s’interrompre, écrire au mur, coller des post-it et développer une énergie… presque magique. Personne n’affirme après sa journée de travail cloîtré à la maison : c’était fantastique, j’étais tellement content de revoir Paul, Jacques, … On ne partage plus de lunch qui nous permette de construire ou d’entretenir nos relations.

Quant à l’argument “gain de temps”, il n’y a rien de plus faux. La distance demande des efforts et un travail plus important pour construire et garder la confiance entre collaborateurs. Beaucoup de dirigeants d’entreprises ou de managers ont d’ailleurs tendance à sous-estimer le travail et le changement que cela peut représenter.

La disparition complète des bureaux est donc une utopie managériale.

Faut-il obliger les travailleurs à venir au bureau?

La fluidité et la flexibilité font partie des éléments qui rendent les gens plus heureux. Trop souvent les entreprises tentent de trop cadrer le travail à distance générant dès lors un sentiment de stress pour certains, ou un détachement pour d’autre. Et donc une difficulté supplémentaire pour parvenir construire cette relation de confiance dans le travail à distance.

La flexibilité peut être garantie en laissant les travailleurs décider s’ils travaillent de la maison ou du bureau. En fonction du trafic du matin, ou de toute autre raison. Cette possibilité de choix fera des travailleurs des personnes plus heureuses.

Du coup, le choix de construire des bâtiments énormes qui servent de siège social n’a plus vraiment de sens de nos jours. Pourquoi ne pas imaginer des espaces co-loués par plusieurs sociétés qui permettent également de se rencontrer physiquement. Les distances en Belgique permettrait facilement la mise ne place de tels systèmes. L’espace physique restera de facto une réalité car nous aurons toujours besoin de nous rencontrer et d’interagir…

Georges Caron

Serial entrepreneur, lecturer at Solvay, tech enthusiast

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