La fabuleuse histoire de Baidu, le Google chinois

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Le premier moteur de recherche chinois doit sa réussite fulgurante au protectionnisme de Pékin et à l’appétit de ses utilisateurs pour la musique pirate. Aujourd’hui il ne cache pas ses ambitions à l’international. Sera-t-il capable de rentrer dans le rang pour lutter à armes égales contre Google ?

Musique pirate et favoritisme d’Etat. Un cocktail explosif qui a fait le succès du premier moteur de recherche chinois. Dix ans après sa création, Baidu domine en maître absolu le plus grand marché de l’internet mondial et ses 420 millions d’internautes. “99% des Chinois utilisent Baidu. Et on répond à plus de requêtes que tous les autres moteurs de recherche confondus sur la planète”, lance Robin Li, son co-fondateur et la deuxième fortune de Chine évaluée à plus de 7 milliards de dollars.

Une revanche pour cet ingénieur, qui pendant longtemps en a voulu à Sergey Brin et Larry Page de s’être inspirés de son idée pour créer Google. “J’ai été le premier à déposer un brevet sur l’analyse des liens, avant PageRank (de Google)”, rappelle-t-il. En effet, Robin Li est sans doute le premier, en 1996, à avoir développé un moteur de recherche basé sur l’algorithme qui classe les pages web en fonction des liens pointés vers elles. Il surnomma ce procédé RankDex, qui est d’ailleurs cité dans le brevet de PageRank déposé par les fondateurs de Google.

Dégoûté de ne pas avoir pu profiter de son invention, il lève 1,2 million de dollars auprès d’investisseurs de la Silicon Valley et part en l’an 2000 pour Pékin pour lancer Baidu, synonyme de recherche permanente de la perfection. “Cela aurait été plus facile de créer Baidu à Hong-Kong (où l’Internet était plus répandu et moins soumis à la censure de Pékin, ndlr). Mais si j’avais fait ça, le gouvernement chinois m’aurait considéré comme un traître et ma vie aurait été ruinée.”

Contrairement à Google, les services de recherche de Baidu n’étaient initialement disponibles qu’en “marque blanche” pour les grands portails chinois, comme Sina et Sohu.com. Et ce n’est qu’un an plus tard, en septembre 2001, que la jeune pousse chinoise décide de lancer son moteur de recherche à destination du grand public. Trois ans plus tard, Baidu lève 25 millions de dollars supplémentaires, dont 5 millions auprès de Google, et atteint le seuil de rentabilité. “Je ne me doutais pas que la recherche sur internet pouvait rapporter autant”, ironise-t-il. Un exploit, sachant que la majorité des chinois n’ont pas d’autre moyen de paiement que l’argent liquide. “A l’accueil de Baidu se trouvent des caisses où les gens viennent prépayer leurs liens sponsorisés avec des sacs d’argent liquide!”, s’étonne Dominique Piotet, le fondateur de Rebellion Lab et ancien responsable de l’Atelier BNP-Paribas à San Francisco.

Poussé par ces investisseurs à vendre Baidu aux plus offrants dont Google, Microsoft ou Yahoo, Robin Li les convainc au contraire d’introduire l’entreprise au Nasdaq de New York. Le 5 août 2005, l’action de Baidu flambe et passe de 27 à 122 dollars le premier jour de cotation, valorisant l’entreprise à plus de 4 milliards de dollars. Déjà à cette époque, l’accès à la musique pirate représentait plus de 40% du trafic du moteur de recherche.

Cinq ans plus tard, la victoire est totale. Google a quasiment tiré un trait sur la Chine et la valorisation de Baidu dépasse 37 milliards de dollars, soit plus que Yahoo (21 milliards) et presqu’autant qu’eBay (39 milliards). “J’avais conseillé à Eric (le Pdg de Google, ndlr) de passer six mois par an en Chine pour qu’il comprenne le marché ici. Il ne l’a pas fait. Et je savais qu’un jour, il me ferait un cadeau. Et

Quant aux concurrents locaux, ils sont encore très loin. Et ce, malgré les velléités du gouvernement chinois de développer son propre moteur de recherche, en collaboration avec China Mobile et l’agence de presse Xinhua. Surtout que la palette de services de Baidu va désormais bien au-delà de la simple recherche et comprend une version locale de Wikipedia, une plateforme de e-commerce (Youa), des services pour les mobiles, Baidu Map, un réseau social (Baidu Space) et un site communautaire de questions/réponses.

Pour l’avenir, Robin Li ne cache pas ses ambitions à l’international qui se limite aujourd’hui à une présence discrète au Japon, qui date de deux ans. “Baidu n’a aucune chance face à Google. Techniquement, ils sont à des années lumières. Et puis il y a la musique pirate”, souligne l’analyste Rob Enderle. Baidu arrive en effet en tête du classement de l’industrie musicale américaine (RIAA) des pires sites pirates dans le monde.

Jean-Baptiste Su (dans la Silicon Valley), L’Expansion.com

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