Daan Killemaes

‘L’e-commerce est un jeu qui se gagne avec des économies d’échelle et des effets de réseau’

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

“Beaucoup d’entreprises se trouvent devant la lourde tâche de conquérir leur place sur le marché du bon côté de la révolution numérique”, considère le rédacteur en chef du Trends néerlandophone Daan Killemaes.

Bpost achète un fournisseur américain de solutions logistiques pour l’e-commerce. Bientôt, Ikea vendra aussi ses meubles via le magasin web d’Amazon. Le géant de l’internet chinois Alibaba investit 15 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle, notamment pour encore mieux appréhender et prévoir les comportements d’achat. Trois annonces en trois jours qui montrent à quelle vitesse le commerce via internet bouscule la distribution classique. La seule chose qui manquait la semaine dernière, c’est la faillite d’une chaîne de magasins endormie dans le schéma classique de distribution.

Le commerce internet est un jeu qui se gagne avec des économies d’échelle et des effets de réseau

Les acteurs belges qui ont raté le coche espèrent un sprint de rattrapage quasi impossible. Le commerce internet est un jeu qui se gagne avec des économies d’échelle et des effets de réseau. Il se termine avec quelques gagnants et beaucoup de perdants et cela ne promet rien de bon pour les petits acteurs locaux. Allez-y seulement, dans un petit marché comme la Belgique qui, une fois de plus, se voit ralenti par une réglementation compliquée.

Ces dernières années, bol.com et Coolblue ont quitté l’e-commerce belge pour les Pays-Bas. Ce n’est qu’une étape intermédiaire, surtout si les vrais grands acteurs comme Amazon ou Alibaba décidaient de prendre au sérieux le petit marché belge. Dans ce cas, une proportion encore bien plus importante des dépenses afflueraient vers des pays lointains. Vous achèterez directement vos affaires en Chine, aidé par un(e) assistant(e) virtuel(le) intelligent(e), comme Alexa, logée dans le haut-parleur intelligent d’Amazon. Contre la capacité d’action de ces géants, il n’y a pas grand-chose à faire.

Dans Het geheim van bol.com, un livre particulièrement passionnant, Michel Schaeffer a écrit comment une société qui voulait devenir la plus grande librairie en ligne du monde est devenue en quinze ans la plateforme commerciale électronique la plus importante du Benelux.

Schaeffer, qui a été directeur marketing chez bol.com pendant quatorze ans, ne décrit pas seulement les choses à faire et à ne pas faire pour entreprendre dans une économie numérique. Il brosse aussi une vision intrigante du futur des magasins. Le marché du détail ne croît quasi plus, mais internet et l’étranger exigent une part toujours plus grande du gâteau. Déjà aujourd’hui, c’est un cocktail toxique pour de nombreux magasins. Avec leurs coûts fixes élevés et leur chiffre d’affaires en diminution, ils sont à la traîne.

Pour les plateformes de magasins en ligne, il devient également difficile de faire les investissements nécessaires pour faire face à la concurrence mondiale

Or, il devient également difficile pour les plateformes de magasin en ligne de faire les investissements nécessaires en logiciels, données et algorithmes pour faire face à la concurrence mondiale. “Observez simplement combien de magasins luttent toujours pour obtenir une bonne offre e-commerce. Considérez aussi combien de magasins n’ont même pas encore commencé le passage à une stratégie mobile, alors que le marché se trouve déjà à l’aube d’une nouvelle révolution, celle de l’intelligence artificielle”, prévient Schaeffer.

La percée de l’intelligence artificielle et des assistants intelligents aux mains d’un nombre limité de parties pourrait à terme se révéler catastrophique pour pas mal de secteurs. Faites l’exercice vous-mêmes. Votre modèle de profit résistera-t-il si Amazon en monopolise l’accès vers le consommateur ?

“Alexa est une plateforme ouverte avec des effets de réseaux énormes. Mais pour les magasins, Alexa est moins ouverte. C’est possible partout, tant que c’est uniquement chez Amazon “, écrit Schaeffer. “Pour le consommateur, la concurrence internationale peut conduire à une diminution des prix et à une augmentation de la qualité. Pour l’économie locale et l’emploi, ce développement est moins opportun.”

Pourtant, le match est loin d’être terminé. Amazon et Alibaba ne semblent pas encore s’impliquer pleinement sur le marché belge, ils ont d’autres priorités. Ensuite, tous les fournisseurs ne sont pas enthousiastes à l’idée de partager leurs données stratégiques avec de telles plateformes commerciales. En outre, ces sociétés perdent le contact avec leurs clients si elles servent le marché via des tiers. Il y a donc encore de l’espoir que l’e-commerce conserve une saine dose de concurrence.

Il y a encore de l’espoir que l’e-commerce conserve une saine dose de concurrence

Bpost l’a compris en faisant l’acquisition de Radial. Cette entreprise ne livre pas uniquement des colis, mais aussi des services comme le traitement des commandes, le paiement et le service à la clientèle pour des clients comme Adidas, Levi’s et Godiva. Ceux-ci ne doivent de la sorte pas passer par Amazon pour faire de l’e-commerce, mais ils peuvent maintenir le cap de leur propre magasin web de manière efficace.

Si bpost parvient à transférer cette connaissance vers le marché européen, la société détiendra alors un nouveau marché de croissance. Les détaillants de taille moyenne ou les fournisseurs qui ne désirent pas remettre leur sort dans les mains des Amazon de ce monde y trouveront peut-être une alternative.

En bref, bpost pourrait bien succomber à la transformation numérique du fait que l’iceberg du très rentable marché postal classique s’évapore, mais également prospérer s’il saisit les nouvelles opportunités. Beaucoup de sociétés se trouvent devant la même lourde tâche de conquérir leur place du bon côté de la révolution numérique.

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