Craig Wright, le créateur autoproclamé du bitcoin inspire le doute

Craig Wright affirme être le créateur du bitcoin. © Capture d'écran BBC News

Craig Wright, l’entrepreneur australien qui a affirmé être le créateur de la monnaie numérique Bitcoin, mettant peut-être fin à des années de mystère, est un homme énigmatique et secret qui semble avoir brouillé les pistes.

Peu de détails sont disponibles sur cet informaticien de 45 ans qui, sur son blog, met en garde contre la publication de tout extrait sans autorisation.

Craig Wright a assuré lundi à des médias être le créateur du Bitcoin, après des mois de spéculations sur son rôle dans cette invention, en apportant la “preuve” technique: il a signé numériquement des messages en utilisant des clés cryptographiques créées pendant les premiers jours de la mise au point de cette monnaie numérique. Mais la communauté des crypto-monnaies s’est montrée sceptique sur cette revendication.

Pourquoi n’a-t-il pas produit les clefs du point de départ ?

“Je ne le crois pas. Je suis sceptique”, confie à l’AFP Catheryne Nicholson, dirigeante de BlockCypher, à la fin de son exposé à Consensus 2016, une grand-messe sur les monnaies numériques qui se tient jusqu’à mercredi près de Times Square à New York.

Malgré la démonstration de Craig Wright, doutes et scepticisme subsistent dans les milieux des crypto-monnaies. “Il y a un moyen simple de prouver son identité c’est de produire les clefs du point de départ. Il peut le faire de façon très succincte mais ne l’a pas encore fait. Pourquoi?”, se demande Catheryne Nicholson, résumant le sentiment général. M. Wright a fourni des clés créées pendant les premiers jours du développement de cette monnaie numérique mais il reste à prouver qu’il s’agit des premières.

“Dorian Satoshi Nakamoto (l’inventeur du Bitcoin) n’était pas une personne mais un groupe de personnes”, fait aussi valoir Jason Park, de la start-up sud-coréenne Korbit.

“Au vu des +preuves+ qu’il fournit, je pense qu’il fait partie du groupe derrière le bitcoin mais il ne peut pas dire qu’il était seul”, opine Matthieu Riou, cofondateur de BlockCypher.

“Je veux simplement qu’on me laisse tranquille”

La société de relations publiques Outside Organisation, qui a collaboré avec Craig Wright, décrit cet Australien peu friand de médias comme “un inventeur et un universitaire” qui a utilisé le pseudonyme Satoshi Nakamoto pour protéger son identité. En décembre, les sites internet de technologies Wired et Gizmodo avaient publié des éléments faisant penser qu’il était le cerveau derrière la monnaie numérique en question.

A la BBC, Craig Wright a déclaré: “je ne veux pas d’argent, je ne veux pas être célèbre, je ne veux pas d’adoration, je veux simplement qu’on me laisse tranquille”.

M. Wright a étudié à l’université australienne Charles Sturt (CSU), qui a des campus notamment à Sydney, Melbourne et Brisbane, d’où il est ressorti avec les honneurs. Il a obtenu une maîtrise de systèmes d’administration et de gestion de réseaux, une autre en management, axée sur les technologies de l’information, et une troisième en sécurité des systèmes d’informations.

Il a conservé des liens étroits avec la CSU et y a passé trois ans en tant que professeur associé de 2011 à 2014. Mais l’université n’a pas souhaité s’exprimer sur l’affaire du Bitcoin. “La CSU ne peut pas commenter les activités de M. Wright en dehors de l’université et ne fera aucun autre commentaire sur ses études ou son travail”, a-t-elle dit.

Jusqu’à peu, l’insaisissable M. Wright était directeur de plus d’une dizaine de sociétés, dont certaines s’occupent de crypto-monnaie, mais il s’est retiré de 12 d’entre elles en l’espace d’une semaine en juillet 2015, selon le quotidien britannique The Guardian.

Difficile à traquer

Après des années de mystère concernant l’inventeur du Bitcoin, l’attention s’est tournée pour la première fois sur M. Wright quand une source anonyme qui lui était proche a commencé à divulguer des documents à un dénommé Gwern Branwen, un pseudonyme, chercheur indépendant et spécialiste de la face cachée du web, selon le magazine Wired.

M. Branwen a transmis à Wired les détails qui ont immédiatement mis en exergue des liens visibles entre M. Nakamoto et M. Wright, selon la même source.

Mais l’Australien peut s’avérer difficile à traquer.

Wired a indiqué lui avoir envoyé un courriel crypté pour le rencontrer, suggérant être au courant de son secret. Quelques heures plus tard, Wired a reçu une réponse étrange de l’adresse Tessier-Ashpool@AnonymousSpeech.com. Le message indiquait que l’adresse IP (numéro d’identification) était basée au Panama et contrôlée par Vistomail, le même service que celui utilisé par Satoshi Nakamoto pour envoyer ses courriels de présentation du Bitcoin et pour animer Bitcoin.org.

Deux autres courriels de la même adresse ont suivi, l’un indiquant: “Vous semblez connaître un certain nombre de choses. Plus que vous ne devriez”. Puis, il a cessé de répondre.

A ce moment-là, M. Wright vivait à Sydney avec son épouse et leurs deux enfants scolarisés dans une école publique, ont raconté des voisins à des médias australiens, décrivant cette famille comme un peu recluse mais normale. Ils seraient partis pour Londres peu avant une perquisition à leur domicile dans le cadre d’une affaire fiscale.

Après la révélation de son identité, M. Wright a indiqué sur son blog qu’il voulait “créer un forum sur le Bitcoin, qui dissipe des mythes et aide à libérer tout son potentiel”, selon Outside Organisation.

Blockchain, Clef secrète et un million de bitcoins

Conçue comme une monnaie numérique pour concurrencer les devises classiques, le bitcoin a beaucoup évolué et la technologie derrière son succès – la Blockchain – est très convoitée. Les grandes banques mondiales et les grosses institutions financières planchent depuis plusieurs mois pour voir si le bitcoin peut faciliter et réduire les coûts des transactions.

Outre le fait qu’elle aide à créer des monnaies virtuelles – litecoin, ripple et autre dogecoin – cette technologie permet de faire circuler l’argent aussi librement que les données sur internet, selon ses partisans.

“Le bitcoin a déjà évolué indépendamment de l’identité de la personne qui l’a créé”, affirme Jeffrey Wallis, dont le cabinet Noble Markets conseille et finance les “Fintech”.

Aussi découvrir l’identité de son inventeur n’est-il plus aussi important que ça aurait pu l’être il y a quelques années, argue Brian Kelly, fondateur du fonds éponyme, en énumérant les usages futurs de la technologie.

Jason Park fait remarquer lui que le bitcoin est géré depuis des années par une communauté de personnes, qui ont créé séparément des barrières et des systèmes de protection pour en garantir la sécurité. “Même s’il (Craig Wright) était le créateur du bitcoin, il n’a pas la clef secrète pour compromettre le système”, assure M. Park.

C’est davantage la “mystique” de la légende de cette monnaie numérique qui en prend un coup, s’accordent ces experts. “C’était une belle histoire, celle d’un inventeur inconnu qui a réussi à changer le monde. C’est ce qui rendait l’histoire intéressante. Le mythe a été brisé. C’est dommage!”, regrette Dirk Avau de la start-up Intellect.

A court terme, les révélations de M. Wright pourraient faire baisser le prix du bitcoin, avancent certains dans le milieu. “Le créateur du bitcoin dispose d’un million de bitcoins qui n’ont jamais été bougés depuis le début. Il n’y a pas de doute que, si ce million peut arriver sur le marché, la valeur du bitcoin va baisser”, explique Gabriele Domenichini de l’association de Blockchain italienne Assob.it.

Quelque 15 millions de bitcoins ont été créés, dont environ 14 millions seulement sont en circulation, selon M. Domenichini.

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