Comment le jeu vidéo et ses accros ont bien changé

Call of Duty : Black Ops 3 © DR

Exit l’image du “gamer” adolescent un peu coincé qui joue seul devant sa console. Selon plusieurs études, le joueur moyen a 35 ans, gagne environ 31.000 euros par an et trouve tout de même le temps de jouer 2 h 30 par jour, en moyenne. Et assez logiquement, cette nouvelle donne a un impact sur la production vidéo-ludique actuelle.

Ceux qui ont connu la grande époque du début des consoles de jeux et l’âge d’or du jeu vidéo sur ordinateur, vous le diront : les titres actuels sont bien loin de ce qu’ils étaient. On vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître (et c’est vrai), mais il fut une époque où jouer à un jeu vidéo était un sacerdoce. Les jeux étaient difficiles, très longs et dépourvus de sauvegardes intermédiaires. Allez “mourir” au beau milieu du niveau 10 de Super Mario Bros., premier du nom, de 1984, et vous étiez bon pour tout recommencer depuis le début.

Depuis, les choses ont effectivement bien changé. Bien sûr, la technologie a évolué, les jeux sont plus ambitieux, plus beaux, mais il faut aussi compter avec une démographie complètement différente de celle des origines. La population de joueurs est plus âgée (35 ans en moyenne), compte à peu près autant d’hommes que de femmes. Le joueur est désormais mobile et surtout sa patience n’est plus ce qu’elle était et c’est au jeu vidéo de s’adapter.

Un public et des jeux matures

De fait, au fil des ans, on a bien vu l’industrie du jeu vidéo se rapprocher petit à petit du cinéma, multipliant les références cinématographiques, quelques soient les genres, quitte parfois à faire figurer des acteurs de renom. Dès 2008 par exemple, le studio Treyarch fait appel à Gary Oldman pour doubler l’un des personnages de Call Of Duty, une série emblématique du jeu de guerre moderne. L’acteur devait d’ailleurs renouveler l’expérience avec la sortie de Black Ops en 2010 avant de céder la place à Kevin Spacey pour Advanced Warfare sorti en 2014, pour ne citer que cette saga à succès.

Et ce ne sont pas des cas isolés. Plus récemment aussi, Kiefer Sutherland a doublé le principal protagoniste du dernier Metal Gear Solid. Nous avons rencontré Arne Meyer, community strategist chez Naugthy Dog Studio, qui vient de sortir la réédition de la série Uncharted, une suite de jeux d’aventure à 200 à l’heure, calquée sur le modèle d’un Indiana Jones moderne. Il nous confie : “Avec les avancées technologiques, et en particulier la motion capture, il devient indispensable d’avoir des acteurs de premier rang pour incarner l’histoire, tant du point de vue de la voix que de la présence physique afin de rendre crédible la trame narrative.”

Accessoire pendant de nombreuses années, le scénario est devenu un point fort des jeux vidéo à gros budgets. Des titres comme The Last of Us ou encore Beyond : Two Souls, mettant en scène Ellen Page d’ailleurs, ont marqué les esprits par leur mise en scène et leur narration.

A l’opposé, il faut aussi compter avec la volatilité des joueurs. Un joueur adulte, même s’il consacre plus de deux heures en moyenne par jour à sa passion favorite, n’est pas particulièrement patient. Il cherche une expérience intense, avec beaucoup d’émotion et d’adrénaline, sans pour autant y passer ses journées. Il est donc loin le temps où il fallait une centaine d’heures pour venir à bout d’un titre moyen. Selon Arne Meyer, le raccourcissement des jeux vidéo “est une résultante de ce qui se passe dans l’industrie du divertissement par ailleurs où la démographie joue aussi son rôle. Mais il y a toujours une audience pour les jeux plus longs, comme on peut le voir avec une véritable renaissance de la scène du jeu vidéo indépendant”.

Le nerf de la guerre

La recette du jeu vidéo moderne tient en effet dans des jeux plus courts, plus soignés, avec de vrais acteurs et des scénaristes de talents. Seulement voilà tout cela coûte de l’argent. Beaucoup d’argent. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir le budget de développement d’un jeu dépasser celui d’un long métrage hollywoodien. Un titre comme Grand Theft Auto V, par exemple, a englouti la bagatelle de 265 millions de dollars.

Si le succès n’est pas au rendez-vous, la fermeture du studio est souvent garantie. Aussi, beaucoup d’éditeurs préfèrent mettre en avant le jeu sur téléphone mobile, où la prise de risque est minimale. Pour se faire, ils misent par exemple sur le free to play : le titre est gratuit mais il dispose d’options payantes, à acheter dans le jeu même. Et ça fonctionne. Un titre comme Monster Strike rapporte à son éditeur 4 millions d’euros… par jour ! Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Certains éditeurs, comme Bethesda, tentent une approche combinée intéressante : faire précéder le jeu vidéo à gros budget Fallout 4 d’un mini-jeu mobile, Fallout Shelter. Et la recette s’avère payante. Au-delà de l’avantage marketing qu’il peut y avoir à entretenir un teasing permanent en attendant la sortie, du jeu, le titre aurait engrangé 5 millions de dollars dès son premier mois d’exploitation.

On le voit ici, les habitudes de consommation des joueurs ont considérablement remodelé le paysage vidéo-ludique. La prochaine étape pour les jeux à gros budget consistera sans doute à immerger le joueur dans un univers virtuel à l’aide d’un casque idoine. On a essayé, sensations garanties !

Reste à espérer qu’il reste quelques développeurs et éditeurs pour prendre le risque de développer des titres ambitieux, à moins que Kickstarter ne prenne le relais de financiers devenus frileux. Le jeu vidéo est d’ailleurs l’un des produits phares de la plate-forme de financement participative. La très attendue simulation spatiale Star Citizen a jusqu’ici levée 87 millions de dollars auprès de sa communauté de fans. Comme quoi, si le joueur moyen est plus vieux, sa passion reste intacte.

Benoît Dupont

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