Color, l’application qui fait gonfler la bulle Internet

Color, start-up qui a développé un réseau social basé sur le partage de photos, a levé 41 millions de dollars avant même d’enregistrer son premier utilisateur. Avec un concept pas évident à saisir. Interview.

La nouvelle bulle Internet a un nom, elle s’appelle Color. Cette start-up, qui a développé une application de partage de photos sur mobile, a levé une somme d’argent inversement proportionnelle à l’intérêt suscité par son logiciel. 41 millions de dollars. Une somme monumentale pour une application dont on a du mal à saisir l’intérêt. A l’annonce du montant, fin mars, Color a été raillée sur Twitter, comme le raconte TechCrunch.

Le principe de Color est le suivant. Inutile d’ajouter une personne à sa liste d’amis. Il suffit qu’une personne soit à proximité, utilise l’application sur son smartphone et hop, vous êtes connectés. Apres quoi, vous redevenez de parfaits inconnus, mais en gardant, en souvenir, les photos de cet instant. “C’est un graphe social implicite, alors que celui de Facebook est explicite”, souligne Vincent Mallet, l’un des trois co-fondateurs de l’entreprise. Pas très limpide, comme explication.

Mais l’idée a suscité l’intérêt de Sequoia Capital. Le fonds de capital-risque qui a notamment investi dans Apple, Cisco, Yahoo et Google, a largement contribué (25 millions) à la levée de fonds de cette startup de 30 personnes, fondée à Palo Alto il y a à peine 7 mois. Sequoia n’avait jamais investi autant dans une société qui se lance en phase de prélancement.

“C’est bel et bien le retour de la bulle, avec comme principale différence que les gros fonds d’investissements vont perdre leur chemise en misant des sommes colossales sur les startups sociales à la mode”, analyse Vivek Wadwha, chercheur à Duke University.

Ce Twitter pour photos alimente aussi les inquiétudes sur le respect de la vie privée puisqu’il expose à tous vos photos personnelles.

Entretien avec Peter Pham et le français Vincent Mallet, deux des co-fondateurs de Color.com qui se sont rencontrés chez Lala.com, racheté par Apple.

Comment expliquez-vous le montant colossal investi dans votre start-up ?

Peter Pham: En fait, on n’avait reçu initialement que 9 millions de dollars et ce n’est qu’une semaine avant notre lancement, fin mars, que Sequoia Capital est venu dans nos bureaux encore secrets de Palo Alto pour nous proposer beaucoup plus.

32 millions de plus pour quoi faire ?

PP: Notre logiciel repose sur un ensemble de technologies très complexes qui demandent beaucoup de moyens et de talents. Notre plan s’étalait au départ sur 2 à 3 ans. Mais avec cette injection de capital on pense pouvoir le faire en seulement un an, voire moins.

Vincent Mallet: Notre réseau social est basé sur la proximité et il est donc fondamental pour nous de pouvoir déterminer avec précision les personnes qui sont proches de vous et celles qui ne le sont pas. Pour cela, on collecte les données provenant des signaux GPS et 3G du téléphone, mais aussi d’autres capteurs comme le microphone, les accéléromètres, la caméra, etc. Une analyse de données qui demande à la fois d’importants moyens matériels, mais aussi des ingénieurs pointus. Color, c’est aussi le premier réseau social élastique capable de partager instantanément des photos. Une technique que l’on a surnommée “multi-lens”, multi-objectifs en français.

Qu’entendez-vous par réseau élastique ?

VM: En fait, le rayon de proximité est variable. Il peut être de 50 mètres ou 5 mètres, suivant le moment. Pour un mariage ce rayon doit être bien plus petit que pour un cortège de manifestants. Et puis, une fois que c’est fini, ce réseau social disparaît. C’est un problème complexe qui doit être résolu en temps réel.

En quoi cette application est-elle utile ?

PP: Grâce à notre graphe social implicite, vous avez une vue à 360 degrés de tout ce qui se passe autour de vous. Que cela soit dans une salle de concert ou une manifestation avec des milliers d’autres gens, dans un restaurant ou un mariage. Car même si vous ne connaissez pas forcément tous ces gens qui vous entourent à cet instant, vous avez accès à leur expérience du même moment grâce aux photos et vidéos qu’ils ont pris. Vous savez maintenant ce qui se passe au devant de la scène ou du cortège, comme au fond, ou bien la tête des desserts du restaurant où vous venez d’arriver.

Et la vie privée dans tout ça ?

PP: Il faut voir Color comme Twitter, mais pour les photos. Tous vos messages sur Twitter sont publics. Et c’est la même chose avec Color. Vous n’êtes pas obligés de partager vos photos avec Color, elles peuvent simplement rester dans votre téléphone. Mais si elles sont sur Color, elles sont accessibles à tous. Il est donc plus difficile de tricher. C’est un des bénéfices d’un monde plus ouvert.

Comment comptez-vous faire de l’argent ?

PP: On pense à de la publicité et des promotions basé sur la proximité. Mais c’est encore trop tôt. On verra ça dans 6 à 12 mois. Aujourd’hui, on veut qu’un maximum de gens utilisent l’application, qui est déjà traduite en français, japonais et chinois, pour nous permettre d’affiner la technologie. Et puis, nous allons aussi ouvrir notre plateforme aux médias pour qu’ils puissent documenter un événement avec les images de gens qui étaient vraiment sur le terrain.

Jean-Baptiste Su (dans la Silicon Valley), L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content