Voici les clés d’une com’ déconfinée

Certains commerces vivent déjà la reprise, d'autres l'attendent avec impatience. © GETTY IMAGES

En ces temps de déconfinement, les commerces et les marques peinent à trouver leurs repères. Pour les aider à y voir plus clair, la spécialiste en communication “retail” Myriam Blanpain vient de sortir un livre blanc. Au sommaire : des conseils adaptés pour affronter au mieux les trois phases d’un processus graduel censé mener vers une certaine normalité.

Autant l’imprévisible excite les créateurs, autant l’inattendu fige les annonceurs. Ce double alexandrin s’est encore vérifié avec le confinement décrété le 13 mars dernier. Prises de panique, les marques ont soudainement stoppé leur communication commerciale et gelé, dans la foulée, leurs investissements médias. En rue, les sociétés JCDecaux et Clear Channel ont ainsi été contraintes de remplacer leurs habituelles affiches publicitaires par une longue campagne d’intérêt général avec le même mot-clé #staysafe (restez en sécurité), histoire de ne pas laisser leurs panneaux en jachère.

Même topo dans les journaux, à la télé et en radio où les marques, tétanisées, ont préféré jouer la carte de la discrétion absolue alors que la demande d’informations n’a jamais été aussi grande. Paradoxale, cette attitude était pourtant prévisible : en situation de crise, les grandes entreprises préfèrent toujours sacrifier, en priorité, leurs investissements publicitaires. ” A tort ! “, rétorquent aujourd’hui les spécialistes de la com’ qui rappellent le rôle d’accompagnement que doivent jouer les marques au quotidien, dans les bons jours comme dans les moments de panique.

Eviter les dérapages

Avec le déconfinement, le retour à une certaine normalité s’envisage doucement et les marques semblent enfin disposées à ” recommuniquer “, aussi bien dans les médias traditionnels que sur les points de vente. Mais encore faut-il ne pas commettre d’impair. Dans ce contexte particulier, les erreurs d’appréciation peuvent s’avérer contre-productives et c’est précisément pour éviter les dérapages que Myriam Blanpain, fondatrice et CEO de l’agence Addretail, vient de publier un livre blanc intitulé Réouverture des magasins post-Covid : les clés pour réussir sa communication.

Les solutions pratiques et concrètes, invitant à une consommation davantage responsable, seront préférés aux discours commerciaux purs et durs.

” L’idée est d’accompagner au mieux les différentes enseignes dans cette phase de déconfinement, explique cette spécialiste de la communication retail qui compte plus de 20 ans d’expérience dans le secteur. Avec la réouverture des magasins, se pose en effet la triple question de savoir quand, quoi et comment communiquer. Il est utile de cadrer cette réflexion parce qu’il y a une incertitude sur le marché. C’est pourquoi je propose un outil qui donne des pistes concrètes aux marketers et aux directeurs d’enseignes pour adapter leur communication de manière adéquate au cours des 12 prochains mois et saisir au mieux les opportunités de la sortie de crise. ”

Un cadre global

Pour Myriam Blanpain, l’éventuel retour à la normale ne se fera effectivement pas du jour au lendemain et chaque commerce devra vraisemblablement s’inscrire dans un processus que la CEO de l’agence AddRetail scinde en trois phases – la reprise, la relance et la reconstruction – même si le timing de chaque phase dépendra cependant de la spécificité des enseignes. Une chaîne de supermarchés qui est restée physiquement accessible durant tout le confinement ne sera évidemment pas soumise aux mêmes défis qu’une boutique de mode qui vient de rouvrir ses portes et encore moins d’un restaurant qui, jusqu’à présent, est toujours fermé, mais propose à ses clients des plats à emporter via son site internet.

COMMUNIQUER EN TEMPS DE CRISE Les marques doivent jouer un rôle d'accompagnement au quotidien, dans les bons jours comme dans les moments de panique.
COMMUNIQUER EN TEMPS DE CRISE Les marques doivent jouer un rôle d’accompagnement au quotidien, dans les bons jours comme dans les moments de panique.© PG

” Chaque enseigne devrait idéalement avoir une réponse sur mesure, poursuit Myriam Blanpain, mais l’on peut malgré tout donner, dans un premier temps, un cadre global pour accompagner cette période de déconfinement. Ce processus, décrit en trois phases, permettra à chacun d’adapter au mieux sa communication dans ces moments un peu troubles. ”

Première phase : la reprise

Certains commerces vivent déjà la reprise, d’autres l’attendent avec impatience, mais tous ont clairement intégré ses préceptes : la réouverture des établissements se fait moyennant le respect d’un certain nombre de règles de sécurité – distanciation sociale, mise à dispostion de gel hydroalcoolique, flux de circulation organisé, etc. – afin de rassurer le personnel des points de vente et surtout les consommateurs. ” Une communication claire et transparente sur les mesures mises en place pour protéger chaque client est nécessaire durant cette phase de reprise, détaille la fondatrice d’AddRetail. Les premiers retours en magasin sont en effet source d’anxiété pour certains consommateurs et employés. Pour une enseigne, c’est donc le moment de montrer son engagement à assumer ses responsabilités en gérant ce niveau d’anxiété par des actes concrets et une communication qui sera avant toute informative et rassurante. ”

Au risque d’être parfois infantilisante, comme on a pu le voir dans certains supermarchés ? ” Oui, car il est important de communiquer de manière didactique les mesures déployées pour protéger personnel et clients, rappelle Myriam Blanpain. Le consommateur sera particulièrement attentif aux enseignes qui lui proposent des services, des solutions et des messages adaptés à la situation. Jusqu’ici, je dois dire que les acteurs de la grande distribution ont très bien géré cet aspect des choses. J’ai vu beaucoup d’empathie dans leur communication. ”

Deuxième phase : la relance

Après la première phase de reprise dont la durée est évaluée entre un et trois mois par l’auteure du livre blanc, une deuxième phase de relance se met en place pour une période évaluée cette fois entre deux et six mois selon les commerces. Dans cette deuxième tranche du processus de normalisation, le business reprend doucement ses droits et la concurrence se fait à nouveau sentir. ” Si l’essentiel des efforts en communication était mis sur l’information du personnel et des clients existants dans la première phase, les enseignes veilleront cette fois à élargir non seulement la communication à l’ensemble des clients et des prospects, mais à évoluer vers davantage d’inspiration “, recommande la CEO de l’agence AddRetail.

COMMUNIQUER EN TEMPS DE CRISE. Les marques doivent jouer un rôle d'accompagnement au quotidien, dans les bons jours comme dans les moments de panique.
COMMUNIQUER EN TEMPS DE CRISE. Les marques doivent jouer un rôle d’accompagnement au quotidien, dans les bons jours comme dans les moments de panique.© PG

Dans cette phase de relance, le déconfinement sera probablement toujours en cours et les commerces devront composer avec des consommateurs encore un peu anxieux. ” L’attention portée au discours et l’écoute du client seront essentielles, enchaîne Myriam Blanpain. La communication devra dès lors être engagée et porteuse de sens, en dosant attentivement humour et émotion. Des liens réguliers devront être faits de manière directe ou indirecte avec le vécu commun, même si l’on sera, à ce stade, résolument tournés vers l’avenir. ”

Voilà pourquoi, selon cette spécialiste du retail, les aspects de proximité, de localisation et de solidarité, ainsi que les solutions pratiques et concrètes invitant à une consommation davantage responsable, seront préférés aux discours commerciaux purs et durs.

Troisième phase : la reconstruction

Dans cette troisième et dernière phase qui pourrait durer entre six et 12 mois selon la fondatrice d’AddRetail, de nouveaux modèles devront être mis en place, entraînant une modification profonde de la relation enseigne-client. ” Le consommateur est déjà prêt à participer à l’émergence de nouveaux modèles, argumente Myriam Blanpain. Le bio, le durable, les commerces de proximité, le rôle social du magasin et le “phygital” ( le plaisir du shopping réel en complément du surf en ligne, Ndlr) sont autant de notions et d’axes de réflexion sur lesquels tout le monde peut désormais collaborer pour co-créer un modèle qui sera prospère à terme. De même, le repli identitaire sur le local et aussi la dimension nationale – le fameux made in Belgium – devront être pris en compte et mis en avant dans la communication. Bien sûr, les offres et les promotions resteront un élément toujours indispensable pour un distributeur, mais elles devront être absolument intégrées dans une communication qui fait sens pour le client. ”

Selon la fondatrice de l’agence AddRetail, le coronavirus a provoqué en fait une accélération des mutations profondes du secteur que les acteurs avertis du retail voyaient à une échéance de cinq ans. ” Les distributeurs qui profiteront de cette crise pour écouter davantage le client et modifier en profondeur leur communication gagneront durablement en attachement et en préférence, conclut Myriam Blanpain. Ils doivent évoluer vers plus de customer centricity, c’est-à-dire qu’ils doivent mettre davantage le client au coeur de leur organisation et de leurs décisions. ”

“L’attention portée au discours et l’écoute du client seront essentielles.” Myriam Blanpain© PG

Des exemples marquants

Sur le terrain, plusieurs marques ont déjà abordé ces virages dans leur communication comme, par exemple, l’eau Bru qui, un mois à peine après le lockdown, sortait sa nouvelle campagne de pub ” L’eau 100% locale “. Dans son visuel, la marque du groupe belge Spadel a ainsi déposé sa bouteille d’eau ” naturellement perlée ” sur un coin de verdure dont les contours épousent à la perfection la forme de notre pays. Avec les effets dévastateurs de la mondialisation pointés durant des semaines de débats, nul doute que ce repositionnement de Bru et cette mise en valeur graphique de sa dimension locale taperont dans l’oeil de clients davantage attentifs à une consommation de proximité.

Autre exemple pertinent d’une communication de marque rondement menée pendant ces périodes de confinement et de déconfinement : les sauces Devos & Lemmens. Célèbre pour ses spots radiophoniques au ton décalé, la marque l’a joué profil bas dans un premier temps en expliquant, dans une pleine page de pub en presse écrite, qu’elle mettait momentanément ses blagues de côté pour délivrer à la place un message solidaire et encourageant à l’égard du personnel soignant. Dans un deuxième temps, Devos & Lemmens a repris le chemin des studios pour réaliser de nouveaux spots radio fidèles à son ton singulier, en surfant sur le confinement, puis le déconfinement, avec des valeurs d’amitié et de solidarité dans ses messages. ” Cette marque a fait preuve de beaucoup d’intelligence, souligne Myriam Blanpain, car il est important de continuer à communiquer dans ces moments atypiques. Elle s’est d’abord un peu effacée, tout en restant présente, et a finalement repris son ton humoristique en radio au sujet du Covid-19 – sans toutefois se moquer du Covid-19 – en misant sur la solidarité. Bien sûr, les marques ne peuvent pas tout résoudre, mais elles font partie de la vie des gens et, à ce titre, elles peuvent participer au mieux-être de la population. Elles peuvent servir de repère pour aider les consommateurs à retrouver des certitudes en cette période d’incertitude. ”

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