“Tax shelter”, deuxième épisode

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Si cet incitant fiscal a prouvé son efficacité dans le cinéma belge, il était toutefois nécessaire d’adopter une réforme du système. Ce qui vient d’être fait.

C’est un peu de la Belgique qui a été honoré, dimanche dernier, au 66e Festival de Cannes. Gratifié de la prestigieuse Palme d’Or, le film La vie d’Adèle est en effet une coproduction franco-belge qui a été financièrement soutenue par 19 de nos entreprises grâce au mécanisme du tax shelter. Cet incitant lancé par le gouvernement belge il y a 10 ans déjà permet aux sociétés (non actives dans le secteur audiovisuel) d’investir de l’argent dans la production cinématographique en échange d’un avantage fiscal — à savoir une exonération de leurs bénéfices imposables à concurrence de 150 % des sommes effectivement versées — et d’un rendement garanti à hauteur de 4,52 %, un taux plutôt alléchant en temps de crise.

Le système a fait ses preuves pendant cette décennie — plus de 800 millions d’euros levés au profit du cinéma belge — et l’Etat sort finalement vainqueur de l’aventure : pour 1 euro auquel il renonce en termes de “cadeau fiscal” aux entreprises, il récupérerait 1,21 euro sous la forme d’autres recettes fiscales dues à l’activité économique ainsi générée, selon une étude menée par le cabinet Deloitte. Il n’en demeure pas moins que le tax shelter s’est quelque peu “perverti” au fil des années. Certaines sociétés intermédiaires entre les producteurs de films et les entreprises investisseuses se sont en effet davantage concentrées sur le côté purement financier du produit, au détriment de la mission première de l’incitant fiscal : soutenir la production d’oeuvres de cinéma belges.

Résultat des courses : de plus en plus de fonds levés sont consacrés aux frais “périphériques” comme les honoraires d’avocats ou les salaires plantureux de stars françaises en tournage en Belgique, et de moins en moins d’argent revient finalement aux vrais représentants de l’industrie cinématographique noire-jaune-rouge.

Une réforme du système Consciente de ce malaise grandissant au sein du secteur, la Commission des finances de la Chambre a entendu, ces derniers mois, de nombreux acteurs du tax shelter avant d’adopter, il y a deux semaines à peine, un projet de loi sur une réforme du système. Concrètement, le rendement minimum garanti aux investisseurs a été abaissé de 4,52 % à près de 3,5 % et, surtout, au moins 70 % des fonds levés devront désormais être effectivement injectés dans la production propre et non plus dans ces fameux frais indirects. Si les représentants d’un certain cinéma d’art et d’essai estiment que la réforme ne va pas assez en profondeur et réclament déjà un nouveau texte encore plus contraignant, d’autres se réjouissent en revanche du travail accompli et prônent aujourd’hui la stabilité du système. “Le gouvernement est parvenu à mettre au point un texte de loi qui répond de manière appropriée à la réalité du terrain, sans toucher à l’essence même du mécanisme auquel on doit son immense succès depuis 10 ans”, se réjouit ainsi Michel Houdmont, vice-président de la Belgian Film Producers Association qui représente quelque 30 % de la production belge.

De quoi espérer une nouvelle Palme d’Or “un peu belge” en 2014 ? FRÉDÉRIC BRÉBANT

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