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Stéphane Moreau et le discrédit du politique

Stéphane Moreau doit quitter Nethys. Ce n’est pas nous qui l’affirmons, mais l’ensemble des partis politiques francophones. Ils ont récemment rappelé cette exigence à l’occasion du renouvellement du conseil d’administration de Nethys.

Nous avons entendu des déclarations de la ministre des Pouvoirs locaux Valérie Debue (MR), nous avons lu les communiqués du chef de groupe cdH Dimitri Fourny et du président du MR Olivier Chastel, nous avons aperçu le tweet d’Elio Di Rupo (PS). L’unanimité règne : Stéphane Moreau doit partir.

Tous les partis avaient déjà exprimé le même souhait en juillet en votant – à l’unanimité – le rapport de la commission d’enquête Publifin. Celui-ci recommandait d’ ” écarter les personnes dont la responsabilité est engagée dans les manquements et dysfonctionnements identifiés dans le présent rapport des organes de l’ensemble des filiales du Groupe Publifin “. A priori, cela devait commencer par la mise sur la touche de l’architecte et gestionnaire en chef d’un groupe qui a, selon la commission d’enquête, ” multiplié les initiatives ayant pour effet d’échapper à plusieurs législations, notamment de la tutelle, et affaiblir la capacité de contrôle des communes “.

Résultat de cette succession de déclarations péremptoires : Stéphane Moreau deviendra directeur général plutôt que CEO de Nethys. Cela ressemble à une mauvaise farce. A quoi cela sert-il de se gargariser durant l’été du ” formidable travail ” de la commission d’enquête si c’est pour s’asseoir trois mois plus tard sur l’une de ses recommandations symboliquement les plus fortes ? A quoi cela sert-il de prôner le renouvellement intégral du conseil d’administration si c’est pour y maintenir Philippe Delaunois et Pierre Meyers, deux administrateurs, certes indépendants des partis, mais qui ont largement soutenu la stratégie d’entreprise aujourd’hui tant décriée ?

A quoi cela sert-il de se gargariser du ‘formidable travail’ de la commission d’enquête si c’est pour s’asseoir sur ses recommandations ?

Une telle incohérence entre les actes et les propos, qui plus est sur un sujet aussi sensible dans l’opinion publique, ne fera qu’accentuer la perte de crédibilité des partis politiques et, par-là, de tout notre système démocratique. A l’heure de tous les populismes, c’est vraiment jouer avec des allumettes. Pourquoi diable les trois partis traditionnels (Ecolo s’est désolidarisé de la décision et a refusé d’intégrer le CA de Nethys) nous ont-ils joué une telle pièce ?

On peut parfaitement estimer que la mutation de Nethys en holding industriel est pertinente, ou que le départ soudain de Stéphane Moreau et des administrateurs indépendants créerait un vide néfaste à la continuité d’un tel projet économique… Mais alors, on a au moins le courage de ne pas clamer l’inverse lors de séances de commission parlementaire largement médiatisées, et la décence d’expliquer posément ses choix au lieu de diffuser des communiqués pathétiques. On peut même avoir le courage d’expliquer que l’on pense ceci dans les états-majors bruxellois mais que les collègues liégeois pensent cela et que ce sont eux qui ont le dernier mot dans cette structure provinciale et intercommunale. Après tout, l’opinion critique suffisamment les consignes de vote et les presse-bouton pour accepter l’expression d’une autonomie locale…

Dans quelques mois, d’autres recommandations cruciales de la commission Publifin reviendront sur la table, comme la stricte indépendance des activités de distribution de gaz et d’électricité et l’évitement de toute possibilité de subsidiations croisées (les bénéfices des activités monopolistiques ne doivent pas financer des activités concurrentielles). C’est prévu dans l’accord de gouvernement qui évoque la constitution d’un ” gestionnaire de réseau de distribution unique “, mais cela pourrait faire vaciller tout le projet industriel du groupe Nethys. Tiendra-t-on cette fois le même discours à Liège et ailleurs ? Un beau défi pour l’homme chargé d’exécuter l’accord de gouvernement, à savoir le ministre de l’Energie Jean-Luc Crucke (MR), l’un des membres les plus offensifs au sein de la commission Publifin.

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