“Star Wars” dans la galaxie Disney

© Lucasfilm

Le 30 octobre 2012, de nombreux fans ont ressenti une vive perturbation dans la Force. The Walt Disney Company et Lucasfilm Limited ont signé un accord historique (et inattendu) faisant du premier le propriétaire du second. Comment et pourquoi la maison de Mickey a-t-elle acheté l’Etoile Noire, et quel est l’avenir de cette galaxie très lointaine ?

“Nooooooooooon !”, ce hurlement, poussé par Dark Vador dans la dernière version modifiée et décriée du Retour du Jedi en 2011, l’est aussi aujourd’hui par de nombreux fans de l’univers Star Wars. C’est que, dans la masse d’accros au space opera, l’inquiétude est de mise face aux derniers événements entourant la licence mythique. En 2011, George Lucas envisage de se consacrer à des projets plus personnels et expérimentaux au détriment de ses autres activités. Pour justifier sa lassitude, certains évoquent les échecs (relatifs) du dernier Indiana Jones (2008) et de son Red Tails (2012), sans oublier les critiques de plus en plus virulentes qui accompagnent chaque annonce de nouveau Star Wars. Le réalisateur, qui n’a jamais voulu suivre les règles hollywoodiennes et qui a tout fait pour s’assurer sa liberté artistique, ne pouvait continuer à suivre un chemin qui n’était plus le sien.

En janvier 2012, alors que Lucas affirme que Lucasfilm ne fera plus de blockbusters, les discussions avec Disney sur un possible rachat de l’entreprise et de l’ensemble de ses filiales (Industrial Light & Magic, LucasArts, Lucasfilm Animation et Skywalker Sound) sont engagées. Une union officialisée le 21 décembre 2012 lorsque Disney acquiert Lucasfilm pour la modique somme de 4,06 milliards, soit à peu près ce que Disney avait payé en 2009 pour acheter Marvel Entertainment, mais moins que lors du rachat de Pixar en 2006 pour environ 7,4 milliards de dollars, dont la moitié par un échange d’actions.

Mickey : les oreilles et la queue Si la nouvelle étonne de prime abord et surprend car personne ne s’y attendait, le rapprochement Disney/Lucas est pourtant logique tant les deux studios entretiennent des liens étroits depuis des années. Dès 1955, lors de l’ouverture du premier parc Disneyland, George Lucas est fasciné par ce qu’il découvre, tout comme il admire le travail de Walt Disney. Trente ans plus tard, il s’associe avec Walt Disney Imagineering afin de proposer deux attractions aux parcs : Captain EO, court métrage en 3D avec Michael Jackson comme vedette, George Lucas comme producteur et Francis Ford Coppola comme réalisateur ; et le Star Tours (dont la nouvelle version en 3D vient d’arriver dans les parcs), devenu une attraction incontournable de l’ensemble des Disneyland à travers le monde. Par la suite, Disneyland devient le théâtre des célèbres Star Wars Weekends qui sont l’occasion pour tous les fans de la saga de se retrouver, de rencontrer des personnages/comédiens sortis tout droit des films et de prendre part à de nombreuses manifestations. Compte tenu de tous ces éléments, l’union Disney/Lucas est finalement assez naturelle. La menace fantôme Toutefois, depuis l’annonce de la signature, une majorité de fans craint que cet accord ne signe la fin de “l’esprit Star Wars”. Se dirige-t-on tout droit vers une nouvelle génération de films façon Pirates des Caraïbes dans l’espace ? Ou vers la création d’une attraction nouvelle dans un parc à thème ? Si le studio se veut rassurant, la peur de voir l’Etoile Noire affublée d’oreilles de Mickey est bien tangible. Et si tout le monde pouvait supporter l’idée que Lucas n’envisage pas de mettre en boîte de nouveaux films, l’arrivée de Disney dans l’équation appelle inévitablement l’entrée en production de longs métrages et d’innombrables projets qui ne vont exploiter que la franchise galactique dans un premier temps, Indiana Jones & Co n’étant pas des priorités pour Disney à ce stade.

Pour assurer une continuité et un passage de flambeau en douceur, George Lucas avait avancé ses pions sur l’échiquier dès le mois de juin 2012 en nommant Kathleen Kennedy, productrice des Indiana Jones et de nombreux films de Steven Spielberg, comme coprésidente de Lucasfilm Limited. Lors du rachat par Disney, elle est devenue responsable de l’entreprise et de la marque Star Wars : “Je n’ai pas besoin de donner le moindre conseil à Kathleen, explique George Lucas. Elle sait quoi faire, mieux que quiconque, mieux que moi-même ! Elle possède toutes les qualités requises pour gérer une telle société.” De son côté, Kathleen Kennedy est parfaitement consciente de la tâche qui lui incombe désormais : “Je suis très honorée que George Lucas me lègue son héritage, explique la productrice. Star Wars a défini sa vie d’artiste d’une manière qu’il ne pouvait prévoir. Je pense continuellement au courage qu’il lui a fallu pour s’éloigner de sa création. Lorsqu’il s’est tourné vers moi, j’ai compris la responsabilité qu’il souhaitait me confier. Mais George sera toujours mon Yoda ! Il restera consultant pour les prochains films.”

Le fait que Kathleen Kennedy doive gérer l’avenir de Star Wars est un signe fort à destination du public puisqu’elle fait partie de la maison Lucas depuis des années. C’est le réalisateur lui-même qui l’a choisie pour lui succéder, et Disney sait qu’il est essentiel, pour les fans, de montrer patte blanche. Une volonté d’autant plus indispensable au regard des réactions épidermiques observées suite à l’annonce officielle du rachat. Mais ces balises de détresse ne suffisent pas, et c’est bien les plans d’avenir de Disney qui inquiètent le plus, d’autant que ces projets concernent uniquement Star Wars et qu’ils sont d’importance.

De la suite dans les idées Avec 4,5 milliards de dollars au box-office mondial — dont 1,5 milliard uniquement engrangés par le film lui-même — la franchise Avengers produite par Marvel Studios et distribuée par Disney, a démontré avec force qu’il était tout à fait possible d’installer une continuité cinématographique avec des projets apparemment indépendants, et liés entre eux par un univers (et un film) commun. Logiquement quand un modèle économique fonctionne, il est de coutume de vouloir l’appliquer à d’autres franchises. C’est ainsi que Disney souhaite faire de Star Wars son “nouvel Avengers”. En parallèle de la saga principale, c’est-à-dire celle qui va se voir compléter des Episodes VII à IX et dont le premier est attendu sur les écrans pour 2015, il est question que des longs métrages indépendants, des spin-off, dédiés à des personnages emblématiques (Han Solo, Boba Fett et Yoda), voient le jour. Pour le studio, l’idée est “de produire un film Star Wars tous les deux ou trois ans !” Un rythme trop soutenu selon certains… qui oublient que trois ans se sont écoulés entre la sortie du premier StarWars de 1977 et l’arrivée de L’Empire contre-attaque sur nos écrans. Le côté obscur du rachat Dans le même temps, Disney prend plusieurs décisions qui font craindre le pire : la série animée The Clone Wars est annulée après cinq saisons, la série TV live qui alimente les rumeurs depuis plusieurs mois est mise au placard, et LucasArts, division spécialisée dans les jeux vidéo, est fermé et ses projets abandonnés (dont malheureusement le très attendu Star Wars 1313). Récemment Disney a fait savoir qu’elle confiait les futurs jeux Star Wars à l’éditeur Electronic Arts, sans préciser si les jeux en cours de développement seraient repris. Quoi qu’il en soit, toute cette agitation galactique ne plaide pas en faveur de Disney et les fans sont plus que jamais dans l’attente de découvrir ce qui va sortir de tout ça.

Face à eux, Disney sait que l’échec est interdit car il pourrait sonner le glas de la mine d’or récemment acquise à grands renforts de milliards de dollars. Bref tout le monde s’observe, les uns espérant ne pas commettre d’impair, les autres priant pour que la révolution en cours accouche d’un nouveau paradigme flamboyant, prenant l’exemple d’Avengers comme modèle en se disant que l’espoir est permis. Il était inconcevable qu’une franchise aussi percutante et aimée du public puissent dormir d’un sommeil éternel, et l’idée de découvrir de nouveaux films Star Wars est, à ce stade, très excitante même si Disney devra convaincre.

THOMAS DEBELLE ET BENOÎT DUPONT

Les gros sous de Mickey Depuis une dizaine d’années, Disney a procédé à d’importantes acquisitions dans le monde de l’entertainment. Star Wars : une communauté psychorigide ? Comme un “cadeau” à ses fidèles, l’empereur Lucas retravaille régulièrement ses films afin de mettre à profit les dernières évolutions technologiques en matière de cinéma. On ajoute un détail, on incruste un nouvel Anakin dans Le retour du Jedi pour coller aux nouveaux épisodes (I, II et III). Résultat : pour de nombreux puristes, Star Wars a basculé du Côté Obscur de la Force depuis longtemps et bien avant l’arrivée sur nos écrans d’une menace fantôme franchement moyenne.

Si la majorité des modifications apportées par Lucas ne dénaturent pas les films (bien au contraire parfois !), il sera toujours difficile de justifier le “tir de Greedo”, le cri de Dark Vador ou la présence d’Hayden Christensen en lieu et place de Sebastian Shaw à la fin du Retour du Jedi. Les producteurs, à commencer par George Lucas en personne, ont vainement tenté de persuader les foules de l’intérêt de ces changements successifs. Peine perdue. Pour bien faire, il faudrait supprimer les changements les plus polémiques, tout en conservant ceux (la grande majorité) qui apportent une plus-value. Hélas cette étonnante rigidité canonique risque de jouer en défaveur d’une communauté de fan. Peut-on faire suffisamment d’entrées sans les fans de la première heure ? Si la réponse est oui, on ne voit pas pourquoi Disney prendrait des gants.

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