Spielberg ouvre les portes d’Hollywood à Alibaba

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Alibaba, le groupe du milliardaire chinois Jack Ma, va investir dans la société de Steven Spielberg, les deux entités s’apprêtant à collaborer pour coproduire des films à destination du lucratif marché chinois — dernière en date des offensives hollywoodiennes de l’Empire du milieu.

Alibaba Pictures, la branche cinéma du géant chinois du commerce en ligne fondé par Jack Ma, va acquérir une participation minoritaire dans la société Amblin Partners, créée sous l’égide du réalisateur américain et qui inclut les studios DreamWorks, selon un communiqué commun.

Les deux partenaires constitueront “une alliance stratégique” pour coproduire et financer des films destinés au “public chinois et international”. Alibaba Pictures se verra octroyer un siège au conseil d’administration d’Amblin.

Jack Ma, première fortune de Chine et président d’Alibaba, était dimanche à Pékin au côté de l’emblématique réalisateur hollywoodien pour dévoiler l’opération, dont les termes financiers n’ont pas été précisés.

“Au niveau humain, nous partageons les mêmes valeurs en Orient et en Occident (…) Nous apporterons plus de Chine à l’Amérique et plus d’Amérique en Chine”, a commenté Steven Spielberg. Il avait lui-même tourné à Shanghai son film “L’Empire du Soleil” (1987).

Jack Ma a mis en avant l’appétit des Chinois pour une offre diversifiée de longs métrages, qualifiant la “collaboration” avec Amblin de “pont culturel”.

De fait, le marché chinois reste crucial pour les studios américains, en dépit d’un récent fléchissement du box-office. Les ventes de billets en Chine ont trébuché de 16% au troisième trimestre; mais elles avaient bondi de presque 50% en 2015, atteignant officiellement 6,8 milliards de dollars.

De quoi en faire le second marché mondial derrière l’Amérique du Nord. Selon le cabinet PricewaterhouseCoopers, le box-office chinois devrait même gonfler à 8,9 milliards de dollars en 2019, dépassant alors les Etats-Unis.

Dans ce contexte, les studios américains sont avides de coproductions avec des groupes chinois: un moyen de contourner les restrictions drastiques imposées par Pékin, qui n’autorise chaque année sur les écrans du pays qu’une trentaine de films étrangers.

Le blockbuster “Iron Man 3” ou le film d’aventures franco-chinois de Jean-Jacques Annaud “Le Dernier loup” (2015) avaient ainsi bénéficié de ce passe-droit alléchant.

Mieux encore, au-delà des salles, “l’écosystème” d’Alibaba offre des débouchés élargis, avec son site de vidéos en streaming Youku Tudou et ses plateformes de vente où peuvent être achetés billets et produits dérivés.

– Capitaux et soft power –

Mais pour Zhang Wei, la patronne d’Alibaba Pictures, ce contournement des quotas chinois n’est “pas l’objet” de l’accord, selon un entretien publié sur les sites d’Alibaba.

“Ce n’est pas seulement un deal financier (…) Hollywood est inondé par des flots d’argent venant de Chine et plusieurs personnes (en Amérique) nous ont contactés. Souvent, elles voyaient en nous (seulement) une source de capital et un moyen d’entrer en Chine”, s’est-elle désolée.

Or, soucieux d’accroître son offre de contenus, Alibaba cherche lui à “se positionner sur le long terme”.

De fait, le groupe de Jack Ma semble emboîter le pas aux multiples opérations du conglomérat chinois Wanda, dirigé par le multi-milliardaire Wang Jianlin.

Celui-ci a racheté début 2016 le studio hollywoodien Legendary Entertainment (Jurassic World, Godzilla) pour 3,5 milliards de dollars, avant de s’associer le mois dernier à Sony Pictures –dont il produira des films. Il serait également intéressé par une participation dans Paramount.

D’autres firmes chinoises se sont distinguées, le fonds d’investissement China Media Capital (CMC) lançant par exemple une entreprise avec le géant américain Warner Bros pour développer des films.

A l’heure où la Chine ne cache pas ses ambitions de muscler son “soft power” à l’étranger, les récentes offensives de Wanda ont attiré l’attention à Washington.

Seize parlementaires américains se sont ainsi alarmés le mois dernier d’une possible “extension du contrôle de la propagande (chinoise) aux médias américains”, pointant les relations étroites entre Wang Jianlin et le régime communiste.

Alibaba, lui, esquive la question: “Désormais, le box office s’internationalise pour les studios, beaucoup de contenus se concentrent sur des thèmes et valeurs universelles (…) Par ailleurs, vous ne nous voyez pas arriver à Hollywood pour tout racheter, nous ne prenons qu’une participation minoritaire dans Amblin”, a fait valoir Mme Zhang.

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