Private equity : n’achetez pas un chat dans un sac

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Même prometteuse, une PME n’est pas nécessairement un bon investissement pour un fonds de private equity. La culture d’entreprise et le style de la direction peuvent faire le succès d’une PME mais ne cadrent pas toujours avec la stratégie de croissance du fonds.

Les fonds de capital-investissement en veulent pour leur argent. S’ils rachètent une PME, c’est pour la revendre en réalisant la meilleure plus-value possible. Mais les bénéfices ne sont pas le fruit du hasard. Ils résultent en grosse partie d’actifs difficilement quantifiables comme la culture d’entreprise et la qualité du management. Les fonds de capital-investissement doivent donc, lors d’une reprise, ne pas tenir compte uniquement des résultats et de la comptabilité. Et surtout : il faut à tout prix éviter de détruire l’ADN de la PME.

Tel est le message du consultant Hay Group, du bureau de chasseurs de têtes Ebbinge & Company et de la Belgian Venture Capital & Private Equity Association. Ils ont interrogé 25 fonds de capital-investissement actifs en Belgique. La quasi-totalité des personnes interrogées insistent sur le rôle essentiel des actifs immatériels tels que l’esprit d’équipe et le leadership, mais selon 70 % d’entre eux, ces facteurs sont difficilement mesurables.

“Il existe quand même quelques outils de mesure, précise Simona Hollinger de Hay Group. La rotation du personnel, par exemple, en dit long sur l’engagement des collaborateurs et la qualité du leadership. La rapidité avec laquelle le personnel évolue vers de plus grandes responsabilités illustre la volonté de développer et d’exploiter le talent des effectifs. Mais selon l’étude, ces données sont rarement prises en compte.”

Un screening de l’organisation et du management doit déterminer si la PME est capable de changement. “Une reprise par un fonds de capital-investissement pousse l’entreprise à passer à la vitesse supérieure, analyse Rakhal Van Orshoven de Ebbinge & Co. Les procédures deviennent plus strictes, les rapports plus professionnels. Mieux vaut donc s’assurer préalablement que l’organisation de l’entreprise est prête pour un tel bouleversement.”

Appréhension

C’est encore plus vrai pour le patron de la PME. “Le patron est traditionnellement un personnage central avec une vision et un esprit d’entreprise, qui ne cadre pas toujours avec la stratégie du fonds private-equity, commente Van Orshoven. Est-il ouvert au changement ? Est-il capable de concrétiser une croissance plus rapide ? La remise en question du CEO est un point délicat que le fonds néglige généralement, par crainte de faire capoter le deal. Une fois le deal conclu, de nombreux fonds nomment un nouveau directeur financier. Bras droit du patron, il doit veiller à la professionnalisation du planning et de la budgétisation.”

“Il y a une certaine appréhension à remettre le Numéro Un en cause, admet Sophie Manigart, professeur à la Vlerick School et expert en capital à risque. Ceci dit, après plusieurs mois de négociations, le fonds sait parfaitement à qui il a affaire. Le trackrecord du patron de PME est également très éloquent. La radioscopie du Numéro Un peut s’avérer utile en cas de risques accrus, lors d’un management buy-in par exemple, quand la PME est rachetée par une équipe extérieure avec l’entremise d’un fonds de capital-investissement. Dans ce cas, on ne peut pas se rapporter au trackrecord du patron.”

Dans les PME familiales surtout, l’omnipuissance du patron constitue souvent un piège pour le repreneur, estime Diane Arijs, chercheuse au Centre d’Etude de la Performance des Entreprises et spécialiste des entreprises familiales. “On constate souvent l’absence d’une équipe de direction suffisante. Si le patron disparaît après la reprise, l’entreprise risque de s’écrouler comme un château de cartes. Plusieurs fonds de capital-investissement se sont déjà fait piéger. Mais ils tirent les leçons de leurs erreurs.”

Jozef Vangelder

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