Mon DRH est un algorithme !

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Fini les discriminations à l’embauche, les écarts de salaires et les promotions injustes. En 2018, les ordinateurs contribueront à surmonter les préjugés des employeurs.

Qui est le mieux placé pour évaluer les employés d’une entreprise ? En 2018, les salariés du monde entier sentiront progressivement les effets d’une nouveauté en plein essor : les données analytiques sur le personnel. Si les ressources humaines (RH) ont tardé plus que d’autres services à exploiter le big data, elles seront ses plus enthousiastes partisans en 2018, ce qui influencera énormément les recrutements, les salaires et les promotions. Souvent à leur insu, les employés deviendront les cobayes de fréquentes expériences. Et les plus malins d’entre eux réfléchiront à deux fois à ce qu’ils écrivent dans leurs courriels et sur les plateformes de communication interne.

Pour les cadres des RH, l’objectif sera de créer de meilleures conditions de travail pour les femmes et les minorités. C’est pourquoi les entreprises traiteront les données avec d’autant plus de précision afin de déterminer si leurs pratiques en matière de recrutement et de promotion sont justes. De nouveaux outils analytiques, proposés entre autres par LinkedIn, y contribueront. Cette méthode sera notamment mise à l’épreuve par le résultat de poursuites judiciaires engagées contre Google par le ministère américain du Travail et plusieurs femmes, qui accusent leur ancien employeur de discrimination sexuelle. Google maintient que ses données analytiques sur le personnel (supposées excellentes depuis longtemps) donnent tort aux plaignants. Pendant l’été 2017, le géant d’Internet a licencié un employé qui avait diffusé un message critiquant les initiatives en matière de diversité : cette décision présage les perspectives de ces données analytiques.

“Préjugés inconscients”

Les ” préjugés inconscients ” sont devenus un sujet brûlant dans les services de RH, c’est pourquoi les employeurs déploieront des logiciels conçus pour les surmonter. L’un d’eux, appelé Blendoor, dissimule les ” données non pertinentes ” (les photos et les noms des candidats, par exemple) et met l’accent sur celles qui le sont (les compétences et l’expérience). Indexio parcourt les annonces d’emploi pour y détecter les formulations involontairement discriminatoires. BetterWorks, une start-up de la Silicon Valley, teste un programme qui analyse les conversations sur Slack en utilisant le traitement automatique du langage naturel afin de détecter les propos sexistes ou d’autres formes de discours discriminatoires.

Les algorithmes sont le reflet de leurs programmeurs. Ainsi, les premiers logiciels analytiques sur le personnel ont reproduit les principaux préjugés inconscients, notamment une préférence pour les diplômés d’universités prestigieuses. Mais la qualité de ces outils s’améliore rapidement et continuera sur cette lancée en 2018. Les entretiens annuels ne seront plus des échanges de banalités qui mettent tout le monde mal à l’aise, mais des conversations reposant sur des faits tangibles tirés de données en temps réel. La disparition de ces entretiens annuels (et le classement des employés qui en découle) est aussi une possibilité. Tout comme le cumul d’une évaluation continue et d’un entretien annuel.

Les données analytiques sur le personnel encourageront les employeurs à trouver les meilleurs moyens de motiver et de récompenser leurs employés. Les RH deviendront des spécialistes des données, car il faudra concevoir des expérimentations pour trouver leur utilisation optimale. L’analyse des données pourrait aussi encourager les entreprises à accorder aux salariés autant de congés qu’ils le souhaitent, ce que certaines sociétés de la Silicon Valley pratiquent déjà. Les employés apprécient généralement cet avantage, mais rares sont ceux qui prennent plus de vacances que dans l’ancien système.

Les sceptiques s’inquiètent sans doute des cas où un patron intimidant exploitera les données analytiques. Ces outils risquent sans aucun doute d’enhardir les responsables déjà incapables de déléguer et d’optimiser à outrance les moindres gestes des travailleurs. Mais il est plus probable que l’on apprenne enfin qui est un bon patron et qui ne l’est pas.

Par Matthew Bishop.

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