Les “transféreurs”, ces salariés qui instaurent le “zéro déchet” au bureau

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On les appelle les ” transféreurs “, ces collègues qui amènent leurs habitudes ” zéro déchet ” de la maison au travail. De plus en plus présents dans les bureaux, ils sont aujourd’hui les sujets d’une enquête sociologique.

Les sociologues français Gaëatan Brisepierre et Anne Desrues ont mené une étude sur les “transféreurs”, des individus qui apportent leurs habitudes écologiques de la maison sur leur lieu de travail. Ce profil est plutôt courant dans les bureaux, mais reste encore mal connu, car il n’est pas facilement repérable.

Les “transféreurs” apparaissent, car ils vivent ce que Gaëtan Brisepierre appelle une dissonance cognitive. Si une personne pratique de plus en plus le “zéro déchet” à la maison, elle va se sentir en décalage sur son lieu de travail où ces habitudes ne sont pas du tout acquises.

Pour les sociologues, il s’agit d’une question générationnelle : “Le transfert de pratiques environnementales est révélateur d’une recherche croissante chez les nouvelles générations de cohérence entre sphères domestique et professionnelle. Il porte aussi une vision du lieu de travail non plus seulement comme espace productif, mais aussi comme lieu de consommation, voire de “surconsommation””.

La pratique du transfert doit être appréhendée comme un processus collectif. Le “transféreur” s’appuie sur un petit groupe de collègues “supports” susceptible de répandre ses enseignements à une plus large échelle au sein de l’entreprise.

Le “transféreur” a donc besoin de bien s’entourer pour voir ses pratiques écoresponsables partagées le plus possible. Pauline Debrabandere, chargée de mission pour l’association Zero Waste France, a travaillé avec une trentaine d’entreprises pour mettre en place des démarches “zéro déchet” en 2018. Selon elle, c’est en formant de petits groupes que les initiatives ont plus de chance d’être réalisées. Elle ajoute aussi qu’il est plus facile de convertir de petites équipes d’une boîte sensible à la protection environnementale “car les noyaux durs d’écosensibles sont plus faciles à constituer”.

Mais certaines entreprises dont l’activité principale n’est pas en lien avec la transition écologique parviennent tout de même à mettre en place des mesures allant en ce sens. C’est notamment le cas de la firme française Orange via son réseau social interne Orange Plazza : un groupe de salariés s’est filmé dans les rues de Paris ramassant les déchets alentour et a partagé la vidéo à tous les employés. Cette initiative a été agréablement reçue et d’autres personnes l’ont imitée.

De telles démarches sont bénéfiques à différents points de vue. C’est évidemment un geste pour la planète qui s’accompagne d’une bonne publicité pour l’entreprise. Elles permettent également d’établir des moments de convivialité entre collègues et renforcent ainsi la cohésion du groupe.

Toutefois, les “transféreurs” ne peuvent pas toujours mettre en place toutes leurs mesures. En effet, l’entreprise ou même le propriétaire des bureaux peuvent se montrer réticents et faire obstacle. Gaëtan Brisepierre et Anne Desrues proposent alors que le rôle de “transféreur” soit officialisé pour lui donner plus de poids. Ainsi, “le transfert pourrait servir de base à un changement de posture de la fonction RSE [responsabilité sociale des entreprises] passant d’une fonction de stratège qui initie des actions, avec souvent des difficultés de portage, à un rôle de coach qui accompagne les initiatives des salariés pour les outiller et les diffuser.”

Loreline Dubuisson

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