Les robots sont à nos portes

La digitalisation de notre économie n'en est qu'à ses débuts. © REUTERS

Des chercheurs de l’université d’Oxford avaient prédit il y a quelques années déjà que 47 % de l’emploi aux Etats-Unis seraient automatisés dans les décennies à venir. Aujourd’hui, chacun se demande si son poste est menacé. Mais la robotisation ne constitue pas seulement une menace : elle engendre aussi des opportunités pour l’investisseur.

Les robots de la série Westworld ont tout des êtres humains. Dans la série suédoise Real Humans : 100 % humain, les hubots, contraction de ” humans” et de “robots”, affichent de troublantes similitudes avec des personnes réelles, auxquelles ils peuvent d’ailleurs se substituer sans que personne ne s’en aperçoive. Si la réalité n’en est pas encore là, la robotisation de la société frappe l’imagination… et inquiète. D’autant qu’elle n’est pas le fait des seuls robots, mais aussi de la numérisation, de l’automatisation, de la récolte de données, etc.

Pour Koen Van de Maele, stratégiste chez Candriam, la robotique et l’automatisation sont appelées à déclencher une “nouvelle révolution industrielle”, qui ne sera toutefois pas circonscrite à l’industrie. Koen De Leus, stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, sait déjà que chaque secteur sera touché. “D’après l’enquête que j’ai menée auprès de 31 grands groupes belges cotés en Bourse, les entreprises du secteur tertiaire sont celles qui se sont le plus adaptées à ce jour. Il faut dire qu’elles ont été les premières touchées par la numérisation alors que les révolutions industrielles précédentes avaient surtout affecté les entreprises industrielles”, analyse-t-il. Koen De Leus ajoute que 30 % des entreprises industrielles estiment superflu de préparer la révolution technologique.

“Dans la quasi-intégralité des secteurs, des intervenants tentent de s’immiscer dans la chaîne d’approvisionnement. Ils la raccourcissent, en éliminant des intermédiaires, relate Frank Vranken, stratégiste en chef chez Puilaetco Dewaay. Aux acteurs traditionnels de trouver réponse à ces tentatives d’amputation.” Comme toute révolution, celle-ci aura ses gagnants et ses perdants.

Raccourcissement de la chaîne

Dans le commerce virtuel, il est facile de jouer sur le raccourcissement de la chaîne d’approvisionnement. En mettant les principaux centres de distribution directement en contact avec le client, des boutiques en ligne comme Bol.com court-circuitent les grands magasins locaux. Les supermarchés classiques réagissent en mettant la main sur les acteurs virtuels de petite taille. Ahold (désormais Ahold Delhaize) a racheté Bol.com il y a presque cinq ans. En septembre, le discounter américain Wal-Mart s’est offert Jet.com pour le vertigineux montant de 3 milliards de dollars, pour pouvoir mieux résister à la concurrence d’Amazon.

Plus vaste supermarché en ligne du monde, Amazon est sans aucun doute le grand gagnant de la décennie écoulée. Il ne cesse d’investir dans les avancées technologiques. Il organise par exemple chaque été depuis 2015 un concours de vitesse de rangement ou de repérage, dans les rayons, entre les robots conçus par différentes équipes d’ingénieurs.

La numérisation n’épargne pas l’emploi au sein du secteur financier. ING Belgique en est l’un des exemples : un poste sur quatre sera bientôt sacrifié sur l’autel du service par Internet, au détriment d’une série d’agences. “C’est peut-être une porte ouverte sur autre chose, commente Luc Aben, économiste en chef chez Van Lanschot Bankiers. La numérisation de l’économie et de la société n’en est qu’à ses balbutiements. Les investisseurs doivent tenir compte de cette évolution lorsqu’ils sélectionnent leurs titres pour une raison ‘défensive’, liée au fait que l’automatisation permet de compresser les coûts et d’accroître l’efficacité, de même que pour une raison ‘offensive’, parce qu’il est plus facile d’explorer numériquement de nouveaux marchés de croissance ou que l’utilisation du big data permet d’exploiter plus en profondeur des marchés existants.”

PISTES D’INVESTISSEMENT

Internet a fait s’écrouler les frontières géographiques et profondément modifié les règles du jeu. “Dans le monde numérique, the winner takes it all, ce qui change tout pour les entrepreneurs, résume Koen De Leus. Les limites physiques et autres qui caractérisaient la sphère analogique n’existent plus. D’une manière générale, on peut affirmer que le numéro 2 occupe une part de marché dont l’importance atteint tout au plus la moitié de celle du numéro 1. Des entreprises cotées en Bourse comme Alphabet, la maison mère de Google, et Amazon, en attestent.”

BlackBerry, Nokia, Yahoo! et consorts prouvent quant à eux, d’après Koen De Leus, à quel point le succès peut être éphémère. “Dans les années 1960, un titre entrait pour 60 ans en moyenne dans l’indice-phare américain S&P 500. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 18 ans. Les trois quarts des groupes qui composent actuellement le S&P 500 devraient en être sortis d’ici 2030”, prédit-il. Le stratégiste recommande donc de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier : “Répartissez vos investissements entre de nombreux numéros 1 potentiels. Maints d’entre eux ne donneront rien du tout, mais une seule tête d’affiche compensera largement les positions déficitaires”.

MÉFIEZ-VOUS DU BATTAGE MÉDIATIQUE

Frank Vranken conseille de se méfier des titres faisant l’objet d’un battage médiatique. “Le succès foudroyant de Nintendo, porté par la folie Pokémon GO, était disproportionné : le titre a désormais cédé plus de 10 % par rapport au sommet atteint l’été dernier.”

Le succès de la chasse aux Pokémon a toutefois démontré le potentiel de la réalité virtuelle (réalité simulée dans un autre environnement) et de la réalité augmentée (interactions entre une situation réelle et des éléments virtuels). “Une firme comme Nvidia, qui en plus de fabriquer des processeurs graphiques, est active dans le cloud computing, profite pleinement de ces nouvelles applications”, commente Frank Vranken. Son cours a été multiplié par trois cette année, ce que justifient les spectaculaires perspectives de croissance de l’entreprise, estime notre spécialiste. AMD est une autre société américaine très bien implantée sur ce marché.

Frank Vranken distingue un potentiel énorme dans la sécurisation d’Internet. “On recense 250 tentatives par jour en moyenne de cyberattaque. La croissance de la cybersécurité n’a pas suivi celle d’Internet et de ses applications. La sécurité doit s’améliorer d’urgence. Une entreprise américaine comme Palo Alto Networks, spécialisée dans les firewalls, est bien placée pour profiter de ce mouvement de rattrapage.”

Mais il n’est pas toujours nécessaire d’aller chercher si loin. Les bailleurs de grands centres de distribution, comme les immobilières belges WDP et Montea, ont pleinement joué la carte de l’e-commerce ces dernières années. Reste que si les investisseurs se remettaient à échanger les actions de dividende contre des obligations, ces actions immobilières pourraient souffrir d’une remontée des taux.

FONDS D’INVESTISSEMENT PLUTÔT QUE TRACKERS

Frank Vranken préfère les fonds d’investissement activement gérés aux fonds indiciels passifs, comme Robo Global Robotics and Automation Index ETF. “Le gestionnaire actif expérimenté détectera les entreprises mûres pour le krach, estime-t-il. La gamme Pictet comporte deux fonds à thème qui surfent sur cette tendance. Pictet Digital P (entreprises qui tirent parti du passage au numérique) peut se prévaloir d’un excellent historique sur plus de 10 ans et Pictet Robotics P (robotique et technologie) a été créé en 2015. Franklin Technology Fund A affiche lui aussi de très bonnes performances depuis 10 ans. Il est composé à près de 90 % d’entreprises technologiques américaines, tandis que les fonds de Pictet font l’objet d’une répartition plus régionale.”

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