Les liens sponsorisés sur le Web appelés à muter

Le besoin d’innovation se fait sentir pour les moteurs de recherche afin de répondre aux nouveaux besoins de l’internaute et attirer (ou garder) une part du juteux marché de la recherche. Avec, en marge, une importante évolution du modèle économique du “search”.

Hummingbird (colibri) remplace Caffeine sur un marché à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Non, ce n’est pas un message codé, mais un changement majeur dans l’algorithme de recherche de Google. Fin septembre, Google fêtait ses 15 ans et en profitait pour annoncer officiellement avoir changé son algorithme, c’est-à-dire sa méthode pour trouver les résultats en ligne d’une requête dans son moteur de recherche. Le plus gros changement du genre depuis 2009. Ce que Hummingbird (nommé ainsi pour sa rapidité et sa précision) apporte aux recherches Google ? De l’intelligence. Si son prédécesseur se focalisait sur des résultats de recherche les plus “frais” possibles pour remonter des contenus récents. Colibri, lui, se positionne sur une meilleure compréhension de requêtes plus complexes. Ainsi, si un internaute lui pose une question complète plutôt que de simples mots-clés, le petit oiseau de Google doit disposer de suffisamment de cervelle pour apporter des résultats hyper pertinents pour le surfeur, en tenant compte de son environnement (situation géographique, etc.). Vers une mutation du “business model” Cette avancée s’inscrit dans un long processus engagé par les différents moteurs de recherche pour apporter de la nouveauté (et de la simplicité) dans la recherche sur le Web, en constante évolution. Les moteurs rivalisent d’originalités et fourbissent leurs armes : reconnaissance vocale, détection de mouvements, réalité augmentée, etc. Les nouvelles technologies sont au coeur de l’expérience de recherche de demain. “Nous devons répondre à un environnement qui évolue sans cesse, note Cédric Chambaz, directeur marketing Europe du moteur de recherche Bing de Microsoft. Aujourd’hui, Internet n’est plus un ensemble de pages reliées les unes aux autres par des hyperliens, comme à ses débuts. Il s’agit d’un conglomérat d’entités différentes qui peuvent prendre la forme de vidéos, de pages, etc. Et l’internaute n’est plus seulement un lecteur mais un acteur d’Internet. De plus, l’avènement des smartphones et des tablettes changent fortement la donne.” En effet, on ne consulte plus Internet uniquement assis derrière un écran posé sur un bureau. Désormais, quelque 20 % des recherches en ligne se font en situation de mobilité sur un téléphone ou sur une tablette. Dès lors, les systèmes de recherche doivent se montrer plus malins qu’aujourd’hui : il est, par exemple, établi qu’un surfeur qui mène une recherche sur un GSM a un objectif à très court terme (quelques heures tout au plus) tandis que s’il questionne un moteur sur un bureau (desktop), son intention s’inscrit dans un horizon à moyen ou long terme. Autrement dit, s’il mène une recherche sur “café” via un téléphone, il est probable qu’il veuille trouver un bar à proximité. Par contre, s’il encode le même mot depuis un ordinateur classique, il peut vouloir trouver des informations sur la boisson chaude. Les technologies doivent en tenir compte dans les résultats à lui présenter. “On ne cherchera plus sur le site d’un moteur” Tout cela devrait amener les moteurs de recherche à envisager une mutation (progressive) de leur modèle économique. Surtout que “la recherche ne se fait déjà plus uniquement sur le site d’un moteur de recherche, remarque le directeur marketing de Bing. Elle commence à s’intégrer au coeur même des appareils. Sur un Windows Phone, par exemple, il y a déjà un bouton de recherche. Ce qui fait que l’internaute surfera de moins en moins au départ de la page web d’un moteur de recherche.” Demain, les technologies des moteurs tels que Google ou Bing se déclineront dans une série de solutions et d’appareils. C’est déjà le cas : Microsoft propose la technologie Bing à une série de partenaires. Derrière Siri, le système de reconnaissance vocale d’Apple, on retrouve Bing. La technologie du moteur de recherche de Microsoft se retrouve aussi dans les traductions sur Twitter ou dans la recherche sur le Kindle Fire.

Désormais, les internautes utilisent également des outils tels que Google Maps (cartographie) lorsqu’ils sont en déplacement. Il leur est, par exemple, facile de trouver un resto ou un hôtel à proximité en menant une recherche sur les cartes de Google. Et les utilisateurs de l’application City Lens de Nokia peuvent trouver des lieux en prenant en photo, avec leur téléphone, le paysage devant eux !

Liens sponsorisés, pas encore morts De quoi tuer les liens sponsorisés classiques (ces quelques propositions de sites qui s’affichent au-dessus et à côté des résultats de recherche sur fond légèrement coloré) qui font la fortune de Google et apparaissent typiquement en marge des requêtes en ligne ? Certains les condamnent déjà à cause de l’arrivée du mobile. Ainsi Dirk Lewandowski, professeur allemand de sciences appliquées à Hambourg interrogé par le quotidien français Les Echos, estime que “sur le mobile les liens sponsorisés ne sont pas optimaux. On pourrait assister à un rapprochement des modèles entre liens sponsorisés et affichage (de banners)”. D’ailleurs, depuis quelque temps, Google, le leader de la recherche (et des liens sponsorisés) ne permet plus aux annonceurs d’acheter des mots-clés uniquement sur le mobile. S’ils prennent des adWords, leur campagne apparait automatiquement sur desktop et mobile (sauf s’il refusent le mobile). Un aveu de faiblesse ? Pour Nicolas Debray, fondateur de Semetis, une agence qui aide les annonceurs à mettre en place leurs campagnes sur Google, “le moteur de recherche fait désormais le choix de se concentrer sur l’utilisateur et plus sur l’appareil qu’il utilise”. Et Google qui génère plus de 90 % de ses 50 milliards annuels de chiffre d’affaires grâce à la pub liée à la recherche, n’est pas près de tuer la poule aux oeufs d’or. Les liens sponsorisés ont encore de beaux jours devant eux : entre 2011 et 2012, ils ont même pris de l’importance dans le mix de la pub en ligne. Et ils représentent aujourd’hui environ 53 % de la pub sur le Net.

Pourtant, demain, les liens sponsorisés se déclineront autrement. Les annonceurs devraiet se voir proposer bien plus de choix dans leurs possibilités d’affichage. Pour Cédric Chambaz, les liens sponsorisés tels qu’on les connaît aujourd’hui (en liens textuels) ne devrait plus forcément rester le coeur même du modèle. Certes, l’idée d’une publicité en lien avec une recherche devrait perdurer car elle offre une réelle pertinence. Cédric Chambaz insiste : “La pub dans les moteurs de recherche n’est pas une laideur à côté d’un top model. Chez Microsoft, on la voit comme un complément aux résultats de recherche qui répondent au besoin d’informations du surfeur.” Et pour plus de “pertinence” (et de revenus), les moteurs commencent à proposer de nouvelles solutions publicitaires liées à la recherche : des vidéos sponsorisées, des catalogues de produits voire des bons de réductions intégrés dans les résultats de recherche. “Et sur le mobile, quand vous cherchez un coiffeur à proximité, réagit Cédric Chambaz, vous n’avez pas forcément besoin d’un lien URL vers un site. Le commerçant peut vouloir ne faire apparaître qu’un numéro de téléphone ou une icône de localisation sur une carte.” Le portefeuille de formats liés à la recherche devrait donc augmenter, de même que les tarifs qui y sont liés. Car, évidemment, plus la fonction est adaptée aux besoins de l’annonceur, plus son prix peut être revu à la hausse. De quoi permettre aux concurrents de Google de faire diminuer sa suprématie sur le marché dont il détient plus de 65 % de parts ?

CHRISTOPHE CHARLOT

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