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Le rêve électrique est-il réalisable ?

Assurer une transition totale vers la voiture électrique des particuliers semble avoir les faveurs des dirigeants politiques en ce moment. Chacun rivalise d’ambitions pour donner une date butoir à partir de laquelle tous les véhicules particuliers vendus seront électriques.

Sur le fond, il est intéressant que des leaders politiques donnent des objectifs de long terme. Cela démontre que l’on peut encore porter des projets ambitieux, visionnaires. Mais au-delà des discours, est-ce réalisable ?

Break-even en 2025 !

Sur le plan de la technique des véhicules, l’objectif semble plausible grâce aux avancées technologiques passées et futures. Trois problèmes empêchent encore la voiture électrique de percer à ce jour : la majorité des conducteurs considèrent leur autonomie comme trop courte, le temps de recharge est trop long et le coût d’une voiture électrique dépasse de loin le coût d’une voiture similaire à combustion. Cela étant, au cours des prochaines années, de nouvelles technologies devraient permettre de changer la donne. Une nouvelle génération de batteries devrait apparaître d’ici 2020, portant l’autonomie des véhicules électriques à 600 voire 800 km. Par ailleurs, un réseau de bornes de chargement ultra-rapide (on parle de 20 minutes de recharge pour parcourir 300 km) sera mis en place prochainement. Enfin, et c’est important, le coût de fabrication des batteries est en train de diminuer, si bien qu’au milieu des années 2020, le prix d’une voiture électrique devrait égaler son homologue à combustion. On comprend donc que dans moins de 10 ans, la voie sera grande ouverte pour un développement majeur de la voiture électrique.

L’énergie au coeur du débat

Il reste cependant une question cruciale, souvent éludée dans ce débat : aura-t-on assez d’électricité pour faire rouler toutes ces voitures ? Dans l’état actuel des capacités, la réponse est non. La crainte répétée ces dernières années d’un black-out hivernal en Belgique ne fait que le confirmer.

Les choses peuvent cependant changer dans le temps, mais cela demandera une vraie révolution énergétique. A l’échelle de l’Union européenne, quelques chiffres tirés des scénarios de référence de la Commission en matière d’énergie et de transport (définis en 2013) permettent d’évaluer l’ampleur du défi. Ainsi, en prenant l’année 2020 comme référence, la consommation finale d’énergie dans l’UE devrait être de l’ordre de 1200 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole) dont 22 % représentent la consommation finale d’électricité, soit 260 Mtep environ.

Donner des objectifs de ventes de voitures électriques pour 2030 ou 2040 est bien, mais cela n’a pas de sens si le débat sur l’énergie est éludé.

Au même moment, le transport (personnes et fret) aura une demande finale d’énergie de l’ordre de 350 Mtep, dont une petite moitié servira au transport de personnes par route. Or, l’immense majorité de l’énergie consommée pour ce type de transport (plus de 160 Mtep donc) l’est sous forme de carburants (essence ou diesel). Un simple calcul de coin de table indique donc que si, en 2020, cette quantité d’énergie servant aux voitures particulières était remplacée par de l’électricité, il faudrait augmenter la production de celle-ci de près de 65 % !

En fait, ce calcul n’est pas tout à fait correct (plus d’un ingénieur est déjà en train de prendre sa calculatrice en lisant cette chronique…), car il faudrait tenir compte de l’amélioration continue du rendement de la production d’électricité d’une part, et de l’utilisation de celle-ci dans les véhicules d’autre part. Mais même en prenant des hypothèses très optimistes dans ces domaines, cela reste un défi immense.

En conclusion, si rien n’est fait, le principal frein au développement de la voiture électrique n’est en fait plus la voiture elle-même, mais bien la production de son énergie et les débats environnementaux qui l’entourent. Imaginez par exemple la situation ubuesque de voitures roulant grâce à de l’électricité produite à partir du charbon. Quel en serait l’intérêt ? En d’autres mots, donner des objectifs de ventes de voitures électriques pour 2030 ou 2040 est bien, mais cela n’a pas de sens si le débat sur l’énergie est éludé. Les projets ambitieux et visionnaires devraient être définis au niveau de la production d’énergie. C’est dans ce domaine qu’une révolution doit (et va probablement) s’opérer. Le reste, en ce compris le mode de fonctionnement des voitures, suivra naturellement.

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