“Le passage du Newsweek au tout-numérique est un geste de panique”

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Après 80 ans de publication papier, le prestigieux hebdomadaire américain Newsweek a annoncé qu’il poursuivait sa route uniquement sur le web. Un passage au tout-numérique assez radical, représentatif des grandes mutations que vit le secteur de la presse. Benoît Grevisse, directeur de l’Ecole de journalisme à l’UCL, répond à nos questions.

Comment peut-on interpréter ce passage du Newsweek au tout-numérique ?

Je le vois surtout comme un impact symbolique pour toute la presse périodique en pleine mutation numérique. Cet hebdomadaire américain, véritable locomotive internationale de l’information magazine, a perdu de son aura ces dernières années (ndlr : il est passé, de 1989 à 2011, de 3,3 millions d’exemplaires vendus à 1,5 million), il n’a pas vraiment réussi à évoluer avec son temps, sa formule papier a vécu. Ce passage au tout-numérique peut donc être vu comme un geste de panique ou de défaitisme, voire même comme une formule d’enterrement, dans un contexte où les newsmags ont beaucoup de difficultés à se positionner en ligne entre l’information dite “chaude” et les analyses plus poussées.

Cette évolution est-elle symptomatique de la crise que vit la presse aujourd’hui ?

Nous évoluons en effet dans une société où règne la culture du tout-gratuit en ligne. Partout, le lectorat de la presse écrite payante recule alors que la publicité sur internet est en forte croissance. De plus, avec l’effet de la crise, de moins en moins de personnes, toutes générations confondues, sont prêtes à dépenser quelques euros pour un magazine.

En Belgique, va-t-on vers ce genre de stratégie dans un avenir proche ?

Le cas du Newsweek est assez particulier, je ne pense pas qu’il faut le voir comme une généralité applicable à tous les newsmagazines et encore moins à la presse quotidienne. Il n’y a pas une telle précipitation à l’oeuvre en Belgique mais il est indéniable que le grand défi des journaux et des périodiques est de développer une stratégie numérique viable. Ils doivent retravailler leur contenu décliné en fonction des différents supports afin d’exploiter un lectorat fidèle sur le web et, à l’heure actuelle, il n’y a pas encore de business model bien défini.

Propos recueillis par Ca.L

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