Le Futuroscope ou comment continuer à innover autrement

© FUTUROSCOPE/ PG

Confronté à une concurrence féroce et à un public de plus en plus exigeant, le parc de loisirs français qui a bâti son ADN sur les images immersives mise sur des attractions dynamiques de plus en plus coûteuses pour attirer les visiteurs. Mais pas seulement. Au-delà des sensations fortes, la direction souhaite faire de son site un nouveau lieu de ressourcement.

La France inaugure ses limitations de vitesse à 80 km/h mais il est encore permis de rouler à tombeau ouvert sans risquer le retrait de permis ni le double tonneau. A condition de se rendre au Futuroscope, le parc de loisirs du centre-ouest de l’Hexagone, où l’on peut prendre place à bord d’une Peugeot 208 WRX ou plus exactement son avatar virtuel. L’attraction s’appelle Sébastien Loeb Racing Xperience. Pour quelques minutes, le spectateur embarque dans un bolide de 580 chevaux lancé à toute allure dans les petits chemins de campagne aux côtés du nonuple champion du monde de rallye. L’illusion est plus que parfaite. Equipé d’un casque de réalité virtuelle dernier cri avec son spatialisé, assis dans un siège-baquet articulé sur six axes, le ” copilote “, secoué comme un prunier, savoure son parcours ponctué d’effets d’accélération, de freinage et d’embardées. Il y a même des effluves boisés qui viennent titiller les narines.

Le Futuroscope ou comment continuer à innover autrement
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“La technologie s’est banalisée”

Conçue pour 6,5 millions d’euros, cette animation est la grande nouveauté 2018 du parc qui attire 1,9 million de visiteurs par an. Un chiffre stable depuis plusieurs années qui le place en troisième position des parcs d’attractions français, derrière Disneyland Paris (14 millions) et le Puy du Fou (2,2 millions) mais juste devant le parc Astérix (1,8 million). Tous les 18 mois, le Futuroscope se doit de proposer une nouvelle attraction d’envergure plus une à deux actualités par an pour rester dans la course. Un renouvellement de son offre auquel il consacre 15 % de son chiffre d’affaires (100 millions d’euros annuel).

” Les Lapins Crétins “© FUTUROSCOPE/ PG

Pour le spectacle L’extraordinaire voyage, il a fallu débourser 12,5 millions pour acquérir et mettre en place le Flying Theater développé par la société canadienne Dynamic Attractions. Cette technologie vous embarque sur une plate- forme mouvante de 84 places synchronisée avec des images projetées sur un écran hémisphérique de 600 m2. Le spectateur, suspendu à 12 mètres du sol, a l’impression de voler dans les airs, les cheveux balayés par le vent, le visage (gentiment) fouetté par les embruns. On passe au- dessus du Taj Mahal, on frôle les pyramides de Gizeh, on dévale une montagne enneigée, on joue les Spiderman entre les gratte-ciel. Peu importe si les cartes postales ont un air de déjà-vu, l’ivresse des hauteurs est au rendez-vous. Il n’y a qu’à entendre les cris du jeune public lors de ce rapide tour du monde en 3 x 80 secondes pour mesurer l’efficacité de la machine de 110 tonnes qui se dresse sur ” ses pattes arrière ” grâce à d’énormes vérins hydrauliques.

” Les Mystères du Kube “© FUTUROSCOPE/ PG

La séquence est l’une des attractions les plus plébiscitées du Futuroscope. De quoi rassurer Rodolphe Bouin, le nouveau directeur général, qui doit répondre aux attentes d’un public de plus en plus exigeant. ” Il y a 20 ans, il suffisait d’une attraction en 3D pour créer l’événement tout simplement parce que nous étions quasi les seuls à proposer ce type de spectacle. Tous les enfants levaient la main quand on avait un effet de jaillissement. Ce n’est plus le cas car la technologie s’est banalisée “. Et pas seulement dans l’enceinte des parcs thématiques. Depuis près de 10 ans, le cinéma en relief s’est immiscé dans les circuits traditionnels des salles obscures. Et voilà que débarque, dans ces mêmes réseaux, le ScreenX – un système coréen de projection à 270 degrés – couplé à des sièges vibrants 4DX pour accompagner les scènes d’action. Deux salles de ce type viennent de faire leur apparition à Paris… Quant aux salles IMAX combinant haute définition et écran surdimensionné, si elles créaient la surprise au début des années 1990, elles font maintenant partie du paysage. Certes, le Kinémax du Futuroscope qui programme, en ce moment, un documentaire sur l’astronaute Thomas Pesquet, a encore une longueur d’avance sur ses rivaux grâce à une superficie d’écran inégalée mais pour combien de temps ? La concurrence dégaine vite. En 2017, le procédé Flying Theater était-il à peine lancé en exclusivité européenne avec son ” Extraordinaire voyage “, qu’un parc allemand, implanté à deux pas de Strasbourg, répliquait avec une attraction identique en tout point. Les temps ont bien changé depuis le lancement des festivités en 1987.

” Danse avec les robots “© FUTUROSCOPE/ PG

Le mapping vidéo à l’honneur

A l’époque, le projet initié par le conseil général du département de la Vienne est novateur, du moins de ce côté de l’Atlantique. Car, en Floride, il y a Epcot, le parc de Walt Disney World Resort, mûri pendant 25 ans, qui ouvert en 1982. Axé sur les nouvelles technologies – même si le mot n’est pas encore utilisé – il est le modèle d’inspiration des Français. Le timing est parfait. Le mot digital est sur toutes les lèvres et l’an 2000 est plein de promesses.

Le Futuroscope ou comment continuer à innover autrement

En attendant le moment où les skate-boards voleront et les lacets des chaussures se noueront tout seuls (Retour vers le futur , 1985), la décennie surfe sur la première vague numérique avec l’avènement du CD, du Laserdisc ou du premier Macintosh d’Apple. Les investisseurs du Futuroscope, moitié privés et publics, se donnent les moyens de leurs ambitions. Ils engagent un architecte qui imagine des pavillons en forme de météorite, de cristaux de quartz ou de boule de pétanque géante.

Rodolphe Bouin, Président du directoire du Futuroscope
Rodolphe Bouin, Président du directoire du Futuroscope© FUTUROSCOPE/ PG

A ses débuts, le Futuroscope fait la part belle aux programmes audiovisuels immersifs (3D, IMAX), aux animations à base d’hologrammes – la grande mode des années 1980 – tout en affichant ses vertus pédagogiques sur ce que nous réserve la société de demain avec ” un espace IBM ” ou ce programme baptisé ” La banque du futur “. C’était avant le scandale Goldman Sachs… Le succès est immédiat. Après un an d’exploitation, 500.000 visiteurs se pressent aux portes de Poitiers. La fréquentation ira crescendo jusqu’à atteindre 2,8 millions de visiteurs en 1996 avant de s’effondrer de 50 % dans les années suivantes pour retrouver des couleurs à partir de 2003 et se maintenir aujourd’hui entre 1,8 et 1,9 million d’entrées.

” La forge aux étoiles “© FUTUROSCOPE/ PG

Après être passé par différents propriétaires qui n’ont pas toujours eu la main heureuse, le Futuroscope est entré en 2011 dans le giron de La Compagnie des Alpes (CDA) qui détient aujourd’hui la majorité des actions (45 %) avec le département de la Vienne (38 %). La CDA, propriétaire du Parc Astérix, du Musée Grévin ou de Walibi, mesure bien les enjeux du Futuroscope, une marque à qui incombe la difficile tâche de renouveler son offre dans une société gavée d’images. Une équation complexe qui oblige la direction à faire des choix entre multiplier les animations à coûts modérés ou miser sur une superproduction. ” Nous sommes de plus en plus enclins à créer des grandes attractions qui sont plus chères que par le passé mais qui durent plus longtemps “, avance le CEO. A la manière de Arthur, l’aventure 4D , une animation inspirée par l’univers du film d’animation de Luc Besson, qui avait coûté 6 millions en 2010 et qui n’a (presque) pas pris une ride. Après huit ans de bons et loyaux services, cette course-poursuite réalisée à base d’images de synthèse 3D et de sièges dynamiques, fait partie des musts réclamés par le public, composé aux deux tiers de familles. Pour les attirer, voire les faire revenir (60 % des cas), les organisateurs ont multiplié ces dernières années les partenariats commerciaux avec les studios d’animation (L’âge de glace, Les Lapins Crétins), les sportifs (Sébastien Loeb) ou les DJ (Martin Solveig).

A chaque génération, sa technologie. Il y a 30 ans, c’était le Showscan et ses projections à 60 images/seconde, abandonné par le Futuroscope en 2012. Aujourd’hui, c’est le mapping vidéo et ses projections texturées en extérieur qui sont à l’oeuvre dans La forge aux étoiles , un spectacle vivant du Cirque du Soleil qui mêle à la tombée du jour, images, pyrotechnie et acrobaties.

Simulateurs
Simulateurs© FUTUROSCOPE/ PG

Des à-côtés émotionnels

Mais le Futuroscope ne regarde pas l’avenir qu’au travers du prisme de la réalité virtuelle.

D’ici la fin de l’année, un nouveau plan doit décider de manière très concrète de l’horizon 2020-2025. ” Deux pistes se profilent : soit on garde le cap actuel, soit on fait le pari d’aller chercher de nouveaux visiteurs, de les faire venir de plus loin et de les faire rester plus longtemps en se dotant d’infrastructures d’accueil complémentaires, entre autres hôtelières “, explique Rodolphe Bouin. Les actionnaires décideront d’ici quelques mois. Si l’option numéro deux est votée, le parc confirmera sans doute son projet d’extension accolé au site actuel et devra se doter de nouvelles attractions encore plus spectaculaires en adaptant en conséquence ses investissements. On parle d’une enveloppe annuelle d’un peu plus de 20 millions contre 15 millions aujourd’hui. Le prix à payer pour se renouveler, coller à l’air du temps, voire le devancer ? ” Il faut être à la pointe de la technologie mais ce n’est pas une fin en soi “, nuance le président. ” La technologie doit être une matière première au service d’une histoire. C’est ce qu’on a fait avec l’attraction Sébastien Loeb Racing Xperience qui raconte quelque chose. L’extraordinaire voyage repose aussi, à la base, sur un vrai scénario. ”

” Sébastien Loeb Racing Xperience “© FUTUROSCOPE/ PG

Moins axé par le passé sur les images, le Futuroscope insiste sur ” la diversité d’expériences “. Ces trois dernières années, deux salles de cinéma ont été abandonnées et reconverties pour accueillir des spectacles vivants. Pour créer du lien avec le public, il a été demandé au magicien du nouveau spectacle Illusio de s’adresser directement aux spectateurs qui font désormais partie intégrante des numéros. A côté des expériences dynamiques à sensations fortes, la direction veut développer les ” à-côtés émotionnels “. ” J’aurais tendance à dire qu’il y a une valeur montante qui est celle du partage entre amis, avec la famille, avec le personnel , détaille le CEO. On vient chez nous pour rompre avec le quotidien, pour essayer de se ressourcer, de retrouver les siens. Les attractions sont un moyen d’y parvenir mais ce n’est pas le seul. Les animations de rue, les dispositifs de restauration en font partie. Nous mettons en avant cet été un panier pique-nique et incitons le public à occuper les pelouses sur lesquelles on a disposé des poufs. Dans nos vies assez stressantes, le Futuroscope est un lieu de déconnexion. Il faut inviter les gens à y flâner et pas seulement à y consommer des attractions “.

Par Antoine Moreno.

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