La science du pitch en sept questions

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Le pitch est une discipline incontournable pour un entrepreneur, mais aussi pour des commerciaux et même des managers. Cela reste souvent une expérience difficile, si pas douloureuse, parce que les gens ne comprennent pas la mécanique de cet exercice. Un bon pitch est pourtant déterminant.

1. Comment définir le pitch ?

 Bruno Wattenbergh, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management et ambassadeur de l'innovation chez EY.
Bruno Wattenbergh, professeur à la Solvay Brussels School of Economics and Management et ambassadeur de l’innovation chez EY.

“Pitcher”, c’est présenter, dans un temps limité, l’essence d’un projet entrepreneurial à un interlocuteur qui peut jouer un rôle déterminant dans le succès de ce projet, avec l’objectif que ce dernier accomplisse quelque chose de prédéfini. En général, cette présentation est suivie de questions et de réponses. L’issue du pitch est normalement connue immédiatement : le pitcher reçoit soit un rendez-vous pour aller plus loin, soit une fin de non-recevoir. La validation est basée sur deux leviers fondamentaux : la valeur et le risque. Si l’interlocuteur accepte d’aller plus loin, c’est parce qu’il pense que le projet entrepreneurial peut lui apporter de la valeur avec un niveau de risque acceptable. S’il n’y a pas de contrainte de temps, si le pitch s’allonge, alors ce n’est plus un pitch mais une présentation. Paradoxalement, le pitch n’est pas un art : il s’agit plutôt d’une science car il existe une réelle mécanique, une équation du pitch.

2. Quels sont les différents types de pitch ?

Il y a d’abord le pitch visant un investisseur potentiel et celui s’adressant à un client. Vous pouvez aussi pitcher pour des concours de business plan ou pour obtenir une place dans un incubateur. Il y a encore le pitch organisé, avec un timing précis, en général de 10 à 15 minutes, suivi par un Q&A. Ou le pitch improvisé dans une conférence ou un salon professionnel. Ou encore à la salle de sport. Ou le plus difficile : le fameux elevator pitch (littéralement, le “pitch de l’ascenseur”) d’une durée de 55 secondes… Dans tous les cas, la préparation fait la différence.

3. Un bon pitch peut-il vraiment faire la différence ?

Des études académiques indiquent qu’un pitch bien structuré, bien présenté peut faire la différence. Cela veut dire que la manière dont le pitch est délivré peut faire que l’entrepreneur soit ou ne soit pas financé par l’investisseur. Par ailleurs, le pitch est un puissant révélateur de l’équilibre et de la solidité du projet.

4. Quelles sont les règles pour réussir un bon pitch ?

– Connaître parfaitement son interlocuteur : son expérience, les secteurs dans lesquels il investit, les tickets sur lesquels il mise en général, etc. Google, LinkedIn et Facebook vous aideront à le connaître ! Utilisez-les. Ou passez des coups de fil.

– Avoir de l’empathie pour son interlocuteur parce que le pitch concerne la valeur que vous pouvez créer pour lui. Eviter les ” moi “, ” je “, etc.

– Soigner les premières secondes. Ce sont elles qui vont permettre la connexion physique et mentale avec votre interlocuteur.

– Ne pas dire ce que vous faites mais expliquez la valeur que vous créez.

– Raconter une histoire. L’histoire va ” emmener ” votre interlocuteur dans votre pitch. Essayer d’en faire un acteur, un client, un bénéficiaire de la valeur que vous souhaitez créer. Utiliser des images permet d’activer les zones du cerveau liées à l’émotion. Cette activation va diminuer l’esprit critique et faciliter la mémo- risation.

– Alterner émotions et chiffres (cerveau droit et cerveau gauche, pour ceux qui y croient).

– Décrire l’équipe et son histoire… mais aussi tout ce qu’elle a déjà réalisé pour valider les grandes hypothèses sur lesquelles repose le projet.

– Avoir préparé une demande claire et formelle et oser demander. Le but du pitch est d’obtenir quelque chose. Allez-y, osez !

5. Quelle est le déroulement idéal pour un pitch ?

– Une connexion personnalisée dans les premières secondes.

– Le (juteux) problème auquel s’attaque votre équipe et son projet.

– La solution que vous avez assemblée et les tests concluants que vous avez réalisés.

– Le public cible idéal pour cette solution, car il souffre clairement de ce problème (essayez de quantifier) et cherche à la résoudre.

– La description des concurrents et substituts que vous surpassez, au moins pour ce public cible.

– Votre “business model” (la manière dont vous allez capturer une partie de la valeur créée pour le client).

– Ce que vous avez déjà réalisé, ce que vous cherchez encore (l’argent ? ) et pour quoi faire.

6. Quels sont les pièges à éviter ?

– Parler trop technologie, car un investisseur met son argent dans une entreprise qui va créer de la valeur, pas dans une technologie. Ce qui est intéressant, c’est ce que la technologie va permettre mais elle n’est pas une finalité en soi.

– Parler de soi et pas de la valeur créée pour la cible commerciale ou l’interlocuteur.

– Utiliser des termes trop génériques.

– Ne rien avoir testé… et rester dans le monde merveilleux de la théorie.

– Ne pas quantifier le problème et la solution.

– Ne pas écouter l’interlocuteur et vouloir “chanter” son pitch.

– Ne pas oser demander quelque chose de clair.

7. Les meilleurs conseils aux futurs pitchers ?

Pitchez le plus tôt possible, même si le projet débute. Pitchez même devant votre glace pour essayer. Puis pitchez rapidement devant des personnes qualifiées en investissement ou en entrepreneuriat. Saisissez chaque occasion. Répétez vraiment très régulièrement. Il est impossible de faire un pitch court sans en avoir fait un long au préalable et l’avoir ensuite réduit pour ne garder que l’essentiel. Considérez le pitch comme une check-list : à chaque point, vous devez en dire suffisamment mais pas trop pour donner envie à votre interlocuteur d’aller au point suivant et, à la fin, être convaincu que vous êtes crédible au niveau de la création de valeur et du risque.

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