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La guerre sera gagnée par le talent

La guerre pour le talent fait rage comme jamais. Les start-up voient leurs meilleurs collaborateurs débauchés par de grandes entreprises qui n’hésitent pas à jouer du carnet de chèques jusqu’à ce que leur proposition soit “ impossible à refuser ”.

La rotation est immense dans les fonctions liées à l’informatique et les rémunérations des rares free-lance encore disponibles explosent. Les profils adéquats ne sont tout simplement plus disponibles pour le nombre d’emplois en forte croissance dans le secteur. Et ceux qui sortent des canaux de formation traditionnels ne constituent qu’un emplâtre sur une somme de bois.

Le coût d’opportunité que subissent les petites et grandes entreprises obligées de faire attendre des clients, voire incapables les servir, est considérable. Pour les plus grandes entreprises, c’est un problème ; pour les starters, c’est souvent le coup de grâce.

Les start-up recherchent déjà leur salut dans des alternatives créatives. Certaines se tournent par exemple vers Andela, une école africaine de codage ; des programmateurs en formation sont employés à distance pour la modique somme de 7000 euros par mois. Mais une telle solution n’a rien de durable. D’autres osent parfois partager leurs ressources, mais cela n’accroît pas la réserve de talent.

Des investissements structurels dans le talent indigène s’imposent et dans ce domaine non plus, les entrepreneurs ne restent pas les bras croisés. Avec des initiatives comme BeCode et Hack Your Future, on fait la chasse aux nouveaux talents : personnes peu qualifiées, chômeurs de longue durée, migrants, etc. De nombreux demandeurs d’emploi motivés et talentueux n’ont peut-être pas suivi le parcours idéal, mais peuvent contribuer à combler les brèches moyennant un encadrement adéquat.

Impulsion externe

Mais ces initiatives en restent souvent à l’état d’impulsions prometteuses qui prennent difficilement de l’ampleur parce que les entreprises établies n’osent pas investir suffisamment dans une nouvelle trajectoire. Elles partent du principe que le secteur public fera le boulot. Mais qu’adviendra-t-il si vos collègues/concurrents mettent la main sur vos jeunes recrues ou si votre investissement n’est pas aussi fructueux que prévu ? Certes, les entrepreneurs adoptent prudemment le principe du “failing forward”, c’est encore loin d’être le cas de nos entreprises traditionnelles.

Et ce, alors que de plus en plus de postes d’exécutants sont détruits. Avec à la clé encore beaucoup trop de licenciements par manque d’investissement dans le recyclage de collaborateurs pourtant fidèles et estimés afin de les remettre au travail dans un autre département qui exige plus de connaissances.

Une impulsion externe est donc indispensable. Des formations flexibles, basées sur la pratique, avec et pour les employeurs. Centrées sur des compétences qui sont en fait développées tout au long de la carrière étudiante et professionnelle. Les diplômes initiaux- ou de leur absence – perdent en importance à mesure que nous continuons à développer nos compétences dans des cercles parallèles et des réseaux formels. Les pouvoirs publics devront de plus en plus assumer un rôle de guide pour des initiatives à la fois publiques et privées.

Simultanément, nous devons aider les employeurs à changer leur regard sur leur capital humain. Il est plus important de pouvoir prouver sa capacité à s’acquitter d’une tâche ou assumer une fonction donnée que d’avoir fréquenté les bancs de l’école, ou d’une école en particulier. Dans le monde numérique surtout, les connaissances et compétences exigées évoluent si rapidement que les soft skills et l'”apprendre à apprendre” n’ont jamais été aussi cruciaux.

Faire la différence

Mais le développement d’un large assortiment de formes de formation ne nous affranchit pas de la nécessité de changer notre regard sur le recrutement. Nous devons être ouverts à la diversité sous toutes ses facettes. Nous devons réfléchir à ce qui est réellement nécessaire pour exercer un job et ce qui rend un collaborateur efficace. Est-ce une compétence technique ou la vitesse à laquelle il s’adapte à des changements de conditions, accueille et intègre de nouveaux collègues dans l’équipe et contribue à ce que chacun se sente bien dans sa peau sur la durée – et réduise ainsi la rotation de personnel ? Comment évaluons-nous ces autres compétences ?

Tout commence par une réflexion approfondie sur les raisons fondamentales qui pousseraient un individu à rejoindre votre entreprise. Comment faites-vous la différence en tant qu’employeur ? De manière générale, les collaborateurs sont de plus en plus en recherche de sens, d’adéquation avec leurs normes et valeurs, de sentiment d’apporter leur pierre à l’édifice des résultats. L’absence de ces éléments est source de stress et de burnout.

L’employer branding ne va cesser de gagner en importance, car ce seront de plus en plus les travailleurs qui choisiront leur voie en fonction de ce que leur proposent différents employeurs. Et leur décision ne se fondera pas uniquement sur la fonction qui leur est offerte, mais aussi sur la culture de l’entreprise, les possibilités de poursuivre son développement, l’équilibre et l’impact sociaux…

Investir dans l’avenir

Dans un tel bouleversement, le retour sur investissement (financier) n’intervient bien entendu qu’à plus long terme. Et c’est problématique dans une économie portée par les résultats trimestriels comme la nôtre. A fortiori pour une start-up dont les investisseurs épient les moindres faits et gestes.

Il ne fait aucun doute que la culture des start-up correspond mieux aux attentes des demandeurs d’emploi modernes, avec plus grande attention pour les compétences et l’impact et davantage de possibilités de peser sur la trajectoire de l’entreprise. Mais la marge de manoeuvre financière y est souvent beaucoup plus réduite. De ce fait, une forte pression pèse trop longtemps sur les épaules des fondateurs. Or investir dans le talent, c’est investir dans l’avenir.

C’est pourquoi je voudrais appeler les investisseurs, lors de chaque investissement dans une entreprise, à investir simultanément un montant distinct dans le développement de talents présent dans cette entreprise et l’élaboration d’une stratégie commune. Investissez dans un recrutement et une formation créatifs des travailleurs des entreprises que vous avez en portefeuille et donnez-leur ainsi de l’air pour l’avenir. Les collaborateurs capables de supporter les montagnes russes de changements et de croissance qui attendent l’entreprise sont le berceau de votre futur rendement. Ce n’est pas sans raison que l’on évoque un capital humain.

Karen Boers, Managing Director Startups.be & BeCode

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