La fin des primes met le Salon de l’Auto sous pression

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Ces deux dernières années, le marché automobile belge a pu profiter d’un solide coup de pouce fiscal. Il doit trouver à présent un nouvel élan dans une période économique incertaine. Via notamment un retour à l’essence et une plus grande agressivité commerciale.

Le Salon de l’Auto, qui ouvre ses portes au public ce 12 janvier, a débuté avec un mois d’avance. Les immatriculations ont bondi de presque 67 % en décembre dernier, par rapport à décembre 2010, soit 19.520 voitures de plus. Ce saut, produit par la fin des primes fédérales accordées aux voitures propres, était prévisible. Mais il a largement dépassé les prévisions de la Febiac, laquelle tablait sur une hausse de 5.000 à 10.000 voitures en fin d’année. Presque tous les constructeurs importants ont bénéficié de cette période de fin de primes. Mais Renault, Volkswagen et Citroën sont, en volume, les grands gagnants de décembre.

“Nous avions pu satisfaire la demande avec des voitures éligibles pour les primes car nous avions prévu du stock en vue du Salon” indique Jean-Marc Ponteville, porte-parole de Volkswagen (d’Ieteren). Tous les grands constructeurs ont connu une poussée de l’ordre de 50 à 100 %.

En décembre, Toyota a frôlé les 200 % de hausse, grâce en partie à la vente de véhicules “à primes” : la Yaris et surtout l’Auris hybride. Ces chiffres sont aussi gonflés par le rattrapage des commandes qui auraient dû être livrées au cours des mois précédents, mais avaient été retardées par les effets du séisme de mars 2011 sur les usines japonaises du groupe.

Fiat – qui a enregistré une année 2011 en fort recul (-17 % en immatriculations), et a même été dépassée par Dacia- aurait souffert davantage sans le sursaut de décembre.

Cardoen, le supermarché multimarque de l’automobile, exulte. “Ce fut le meilleur mois de notre carrière” clame Karel Cardoen, administrateur délégué, qui a vendu près de 900 voitures avant la Saint-Sylvestre.

Il y a néanmoins des exceptions. BMW a vu ses immatriculations légèrement reculer (-1,2 %), faute de disposer des véhicules fiscalement attractifs. En effet, les nouvelles Série 3 émettant 109 g de CO2 au km, qui auraient pu bénéficier d’une réduction/prime de 3 %, et la Série 1 à 99 gr (15 % de prime) n’arrivent qu’en 2012. Le groupe bavarois s’est consolé avec la marque Mini, qui a doublé ses immatriculations en décembre (524 contre 266 en décembre 2010) avec des modèles qui pouvaient bénéficier de la prime de 15 %.

La prime plutôt que le millésime

La hausse annoncée par la Febiac a donc amplement été dépassée. Au point que les immatriculations de l’année 2011 ont battu un record historique, avec 572.211 voitures neuves (+ 4,54 %). Le rush chez les concessionnaires doit cependant être relativisé. La hausse de presque 20.000 voitures n’est pas le seul résultat d’une décision d’achat de dernière minute, prise après l’annonce des mesures budgétaires, pour une raison que les professionnels de l’automobile connaissent bien : l’effet millésime. “La plupart des voitures immatriculées en décembre ont été commandée un, deux ou trois mois auparavant, indique un observateur averti du secteur. Lorsque la voiture commandée arrive courant décembre, les automobilistes préfèrent souvent immatriculer leur voiture en janvier, pour gagner un an de millésime, ce qui est important pour la revente. Cette fois, beaucoup de clients ont préféré jouer la prime.”

Le calcul n’est pas stupide, car la prime pouvait atteindre 15 % pour les voitures émettant moins de 105 g (avec un maximum de 4.640 euros), alors que la perte de valeur d’une voiture atteint environ 7 % à 10 % l’an au bout de cinq ans. Le calcul est moins bon pour les voitures bénéficiant de 3 % de prime (émission entre 105 et 115 g de CO2).

2012, année incertaine

Si les achats “impulsifs” ont été moins importants que ce que laissent penser les chiffres des immatriculations, ils devraient encore jouer pour les premiers mois de 2012. Le gouvernement s’est montré moins péremptoire qu’à l’annonce des mesures budgétaires. Dans un premier temps, il souhaitait limiter la prime aux véhicules immatriculés en 2011. Face à l’engorgement probable de l’administration de l’immatriculation, en pleine trêve des confiseurs, un adoucissement a été consenti : la prime restera acquise aux voitures commandées en 2011, pas encore immatriculées (donc livrées). Il fallait toutefois déposer un acompte représentant au moins le montant de la prime.

Cette “prolongation” ne devrait pas toutefois pas modifier le profil incertain de l’année 2012. La croissance économique devrait y être symbolique, nulle, voire même légèrement négative. Les perturbations vécues par les marchés ces derniers mois et les incertitudes liées à la crise de l’euro, rendent les prévisions très changeantes. Les dernières, annoncée par la BNB en décembre, parlent de + 0,5 % de PIB (BNB). Quel sera l’impact sur le secteur automobile ?

“Nous devons reconnaître que les primes nous ont énormément aidés ces deux dernières années, confie Joost Kaesemans, porte-parole de la Febiac, la fédération du secteur automobile. Nous avons pu ainsi passer une période difficile.” Mais ce bénéfice a surtout porté sur les petits véhicules et commençait seulement à monter en gamme avec l’amélioration des moteurs. Des modèles moyens comme la Volkswagen Golf BlueMotion (99 g de CO2/km) bénéficiaient de la prime de 15 %. Le tableau ci-contre, comparant la croissance du PIB et les immatriculations, illustre cette évolution. Il montre aussi que le secteur est très sensible à une récession, avec une baisse de 11 % des immatriculations en 2009, quatre fois plus que le recul du PIB.

Le retour de l’essence

Les importateurs devront donc trouver un nouvel équilibre. Et celui-ci devrait être un peu moins favorable au diesel. “On devrait assister à un retour en force de la voiture à essence, soutient Michel Retour, manager de la communication d’Opel Belgium. L’omnipotence du diesel, en Belgique, va être remise en cause. Elle a été encouragée par les primes, au point de toucher des utilisateurs pour qui il est moins intéressant, comme ceux qui font surtout de petits trajets en ville. Les voitures diesel sont un peu plus chères et l’écart de prix à la pompe n’est plus aussi important que naguère.” Cette situation arrange les constructeurs japonais, traditionnellement moins portés sur le diesel sur leurs marchés les plus importants (Asie, Etats-Unis).

D’autres primes ou dispositifs fiscaux pourraient encore jouer. La Flandre, par exemple, va modifier en mars le calcul de sa TMC (taxe de mise en circulation), qui passera d’un critère de puissance et de cylindrée à une formule tenant compte de l’émission de CO2. La Wallonie ne changera rien pour la TMC, mais poursuit son système de bonus/malus basé sur le CO2.

Impact sur les voitures de sociétés

L’autre facteur qui devrait aussi influencer les choix est le changement de la fiscalité des voitures de sociétés. Ces dernières représentent, selon les sources, 20 à 50 % des ventes automobiles. L’avantage en nature compté par le fisc intégrera dorénavant le prix de vente du véhicule (lire l’encadré), et va surtout augmenter les taxes pour les voitures d’un certain niveau, au-delà des 25.000-27.000 euros. Ce qui va toucher des marques comme BMW ou Mercedes, deux grands fournisseurs du marché fleet. Mais aussi Jaguar ou Land Rover.

“En volume, nous pensons qu’il ne devrait pas avoir de grands changements” estime Jean-Christophe Weerts, porte-parole de BMW Belgique. La filiale du groupe allemand s’attend à des glissements dans les ventes vers des modèles moins chers. Des utilisateurs de Série 5 pourraient bien opter plutôt pour des Série 3.

Un Salon commercialement plus agressif

Au Salon, les constructeurs devront aussi se montrer commercialement plus agressifs. “Il faudra frapper fort pour motiver le client habitué à une prime, poursuit Joost Kaesemans (Febiac), surtout lorsque l’on songe qu’une voiture sur trois était vendue avec ce soutien fiscal.” A côté des remises habituelles, plusieurs constructeurs proposeront un substitut.

Renault lance les primes Eco², de 1.000 ou 1.500 euros selon le modèle. Toyota va baisser le prix des modèles Yaris à essence jusqu’à 750 euros (modèles 1,3 l). Peugeot annonce aussi un effort plus important pour les modèles qui bénéficiaient des primes, avec des réductions allant jusqu’à 34% pour la 207. Citroën va aussi faire de nouvelles offres. La petite C1, qui pouvait bénéficier de la prime de 15 %, sera ainsi proposée avec une remise jusqu’à 35 %.

Cette liste n’est pas exhaustive, les conditions Salon sont du reste visibles sur les sites web des importateurs. Elles devraient suivre la structuration habituelle du marché. Certains constructeurs allemands, par exemple, sont moins portés sur les remises, comme Volkswagen ou surtout BMW, et vont plutôt jouer sur des équipements gratuits, de 1.000 euros pour la Série 1 à 7.000 euros pour la Série 7.

Malgré ce contexte plus difficile, aucun constructeur n’a renoncé à venir au Salon. Sauf Saab, pour une raison étrangère à la suppression de la prime, puisque ce constructeur a mis la clé sous le paillasson.

Robert van Apeldoorn

Une prime contestée par l’OCDE

En arrêtant la prime récompensant les voitures propres, le gouvernement n’a pas seulement soulagé le budget, mais satisfait une demande de l’OCDE, passée inaperçue lors de la parution de son rapport sur la Belgique l’été dernier. Le rapport demandait l’arrêt de ce dispositif, de même que le bonus malus wallon et des avantages fiscaux attribués aux voitures de sociétés. Ils “aggravent le problème des émissions de NOx (oxydes d’azote) et de particules dans les centres-villes, alors que le coût de leur réduction est relativement élevé” indique le document. Il note que la Belgique figure parmi les pays où les émissions de NOx figurent parmi les plus importantes dans l’UE, en partie en raison d’un parc de véhicule diesel particulièrement important.

Etudes économiques de l’OCDE – Belgique, juillet 2011.

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