La Belgo séduit Saïgon: le Belge Gauthier Lagasse a réussi son pari brassicole

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C’est l’histoire d’une bière étiquetée belge et qui est pourtant née au Vietnam. Une belle histoire écrite par un entrepreneur de 37 ans, animé d’un rêve un peu fou et qui a croisé le chemin asiatique d’un autre expatrié belge, François Schwennicke, ancien patron de la maroquinerie Delvaux.

La Belgo est probablement la seule bière ” belge ” à ne pas être commercialisée en Belgique. Les guillemets sont importants. Car tout dans ce breuvage est belge ou presque. Les propriétaires de la marque sont de nationalité belge ; son malt pousse dans la région hainuyère de Beloeil ; le maître-brasseur a été formé chez Stella Artois et l’outil qui sert à fabriquer la Belgo provient de la brasserie Hof Ten Dormaal, dans le Brabant flamand. Le matériel a simplement été démonté, puis transporté en bateau par-delà les océans, avant d’être reconstruit… au Vietnam ! D’où les guillemets…

C’est en effet à Hô-Chi-Minh-Ville (appelée Saïgon jusqu’en 1976) que la Belgo a vu le jour au printemps 2017 et qu’elle y est toujours brassée dans les règles de l’art. Forcément exotique en terre asiatique, cette bière étiquetée belge s’est même taillée un joli succès puisqu’elle est aujourd’hui commercialisée dans quelque 150 supermarchés vietnamiens et 250 adresses du secteur horeca dont deux temples gastronomiques qui lui vouent un culte à Hô-Chi-Minh-Ville : des bars- restaurants sous l’enseigne Belgo-Belgian Craft Beer Brewery et qui appartiennent aussi aux propriétaires de la marque.

Gauthier Lagasse
Gauthier Lagasse© PG

Un zeste de Delvaux

Derrière cette aventure unique en son genre se cachent deux Belges aux parcours singuliers : le trentenaire Gauthier Lagasse, licencié en droit de l’UCL qui a fait ses armes dans la vente et le marketing chez Mars avant de s’envoler vers le Vietnam, et le quinqua François Schwennicke, ancien CEO de la maroquinerie Delvaux, qui vit à Hô-Chi-Minh-Ville depuis que l’entreprise familiale a été majoritairement revendue en 2011 à la société chinoise Fung Brands Limited. ” L’histoire a véritablement débuté en 2012 lorsque nous avons décidé, ma femme et moi, de quitter nos boulots respectifs en Belgique pour vivre une nouvelle aventure à l’étranger, se souvient Gauthier Lagasse. A l’époque, nous n’avions pas vraiment choisi un pays en particulier, mais nous étions toutefois attirés par l’Asie car on sentait qu’il y avait pas mal de choses qui bougeaient sur ce continent. J’ai donc commencé à envoyer des C.V. dans tous les sens dont un à la société Annam Fine Food au Vietnam. ”

Leader dans l’importation des grandes marques occidentales en Asie du Sud-Est, Annam Fine Food est séduit par la démarche du jeune Belge et lui propose d’emblée un contrat à Hô-Chi-Minh-Ville. En janvier 2013, Gauthier Lagasse débarque donc avec son épouse dans l’ancienne Saïgon et se voit chargé du développement des ventes de plusieurs bières belges ¬ Stella Artois, Duvel, Hoegaarden, etc. ¬ sur le marché local. ” Pendant trois ans, j’ai exercé cette fonction de sales manager, ce qui m’a permis de me rendre compte de la croissance incroyable du marché de la bière au Vietnam, poursuit le jeune Belge. Dans ce pays qui compte près de 100 millions d’habitants, 98% de la consommation d’alcool est en effet dédiée à la bière. Or, le marché accueille un million de nouveaux consommateurs potentiels par an puisque, chaque année, un million de Vietnamiens fêtent leurs 18 ans. Vu le succès des bières belges, je me suis donc posé la question de l’opportunité d’une toute nouvelle marque de bière fabriquée sur place, avec un savoir-faire et une histoire belges, et j’ai donc commencé à rédiger un business plan. ”

La Belgo séduit Saïgon: le Belge Gauthier Lagasse a réussi son pari brassicole
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L’union fait la force

A Hô-Chi-Minh-Ville, Gauthier Lagasse peut compter sur un solide réseau d’expatriés dont quelques Belges avec qui il sympathise. Parmi eux, se trouve François Schwennicke qui, depuis la revente de Delvaux, gère la société Saigon Heritage Factory (SHF), un atelier de fabrication d’accessoires en cuir pour l’industrie du luxe. L’homme de mode est convaincu de la pertinence du projet brassicole de son compatriote et décide de s’associer avec lui pour donner vie à une nouvelle bière belge au Vietnam. Détaillé, le business plan de Gauthier Lagasse prévoit un investissement d’un million d’euros pour lancer la machine. Ensemble, les deux associés arrivent à mettre 500.000 euros sur la table et persuadent cinq autres investisseurs de leur confier la même somme. Pour donner un cachet belge à leur aventure, ils décident alors de racheter une brasserie à Hof Ten Doormal pour la démonter et la reconstruire ensuite à Hô-Chi-Minh-Ville. ” C’était moins cher que d’investir dans du matériel flambant neuf et puis, surtout, cela nous permettait de raconter une histoire, sourit Gauthier Lagasse, car cette brasserie a véritablement une âme belge que l’on entretient encore aujourd’hui avec du malt que nous importons de notre pays natal. ”

La Belgo séduit Saïgon: le Belge Gauthier Lagasse a réussi son pari brassicole
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Le temple de la belgitude

A l’origine, l’idée du jeune entrepreneur était d’ouvrir un brew pub, un endroit ” deux en un ” où les clients pourraient déguster leur bière sur le lieu de sa fabrication. Trop compliqué à mettre en place pour des raisons techniques, ce projet est finalement abandonné pour faire place à deux initiatives séparées : une brasserie installée dans un parc industriel où naîtra la Belgo et un nouveau bar-restaurant à la déco très belge, spécialisé dans les bières et la gastronomie du plat pays.

Baptisé Belgo-Belgian Craft Beer Brewery, cet établissement de 200 places assises est inauguré en novembre 2016, soit quelques mois à peine avant que la première bière des deux associés ne soit mise en bouteille. ” Dans ce bar-restaurant, on propose un véritable voyage en Belgique, détaille Gauthier Lagasse. Plus de 80% de notre clientèle est vietnamienne et elle vient chercher chez nous un choc culturel ou, du moins, une expérience unique qui se traduit dans nos bières, la gastronomie et la déco qui joue avec le surréalisme belge. ”

Aujourd’hui, la marque maison trône fièrement sur les pompes à bière des deux restaurants labellisés Belgo- Belgian Craft Beer Brewery. Car depuis quelques semaines à peine, les deux associés comptent une deuxième adresse à Hô-Chi-Minh-Ville, laissant même présager le développement de l’enseigne dans un futur proche. ” Cela marche plutôt bien et c’est la raison pour laquelle nous avons le projet d’ouvrir un troisième établissement en 2020, mais cette fois à Hanoï, la capitale, dans le nord du pays. On pourrait même imaginer exporter notre concept à l’étranger et ouvrir, par exemple, un autre bar-restaurant à Bangkok dans les prochaines années. ”

La Belgo séduit Saïgon: le Belge Gauthier Lagasse a réussi son pari brassicole
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Exportation et récompense

Ambitieuse, la volonté d’expansion internationale des deux associés se ressent déjà dans la commercialisation de la Belgo qui a étendu sa gamme à 10 bières différentes et qui exporte aujourd’hui sa marque vers quatre marchés asiatiques : la Thaïlande, le Cambodge, Taïwan et Singapour. Son succès est tel que l’entreprise brassicole emploie désormais près de 100 employés au Vietnam (en incluant le personnel des deux restaurants), ce qui lui a valu récemment l’un des trois Trophées des Belges du bout du monde, un prix qui fait écho à l’émission éponyme de la RTBF et qui récompense les meilleures initiatives de nos compatriotes à l’étranger.

Distingué dans la catégorie ” Culture et art de vivre “, Gauthier Lagasse a été mis l’honneur non seulement pour sa marque de bière et ses restaurants qui promeuvent l’image de la Belgique en Asie, mais aussi pour la dimension sociale de son activité économique. A Hô-Chi-Minh-Ville, l’entrepreneur belge a en effet recruté une grande partie de ses employés via Life Project 4 You (LP4Y), une association qui favorise l’insertion professionnelle des jeunes en situation de grande exclusion, et a également développé le ” Belgo Impact Program ” pour donner de précieux outils aux membres de son personnel, comme des cours d’anglais, des formations professionnelles ou encore des cours de gestion des finances personnelles.

Une autre dimension d’un certain savoir-faire belge…

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