“Il y a trop peu de créations d’entreprises en Hainaut !”

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Première étape de notre Top provincial, le Hainaut compte pour un tiers de l’économie wallonne et dispose sur son territoire d’entreprises performantes et variées mais souffre toutefois d’un manque d’esprit d’entreprise.

Retrouvez le classement complet des 100 premières entreprises du Hainaut dans le magazine Trends-Tendances daté du 16 février 2012. Un palmarès établi sur base des données du Trends Top.

Province la plus peuplée de Wallonie, le Hainaut présente un profil économique marqué par la diversité. Outre un secteur industriel encore relativement important, il se développe de plus en plus dans les nouvelles technologies comme à l’Aéropôle de Gosselies ou au Parc Initialis à Mons. Professeur de finances publiques à l’Université de Mons et vice-recteur en charge du développement institutionnel et régional, Giuseppe Pagano analyse et commente avec nous les classements de notre top provincial qui portent sur le chiffre d’affaires, l’emploi, le bénéfice, les investissements, la valeur ajoutée et les impôts et charges.

Quelles sont les particularités du Hainaut en comparaison des autres provinces wallonnes ?

Le Hainaut est la seule province qui compte cinq villes de plus de 50.000 habitants avec Mouscron, Tournai, Mons, La Louvière et Charleroi. L’existence de ces pôles urbains relativement peuplés explique l’importance des sous-bassins que nous connaissons et qui correspondent à des réalités différentes. Ajoutons que le Hainaut, avec une population de 1,3 million d’habitants, est la province la plus peuplée de la Région wallonne. En termes de population, un Wallon sur trois est hainuyer. Du point de vue économique, on recense trois grands pôles de développement : Charleroi, Mons-Borinage et la Wallonie picarde. Charleroi, la ville la plus peuplée de Wallonie (200.000 habitants) demeure toujours un pôle industriel important. La région de Mons-Borinage compte aujourd’hui moins d’industries et se dessine, en tant que chef-lieu, davantage comme un centre administratif et de services. En outre, elle peut s’appuyer sur une université qui emploie près de 1.300 personnes. Quant à la Wallonie picarde, elle profite, surtout en ce qui concerne Tournai et Mouscron de sa localisation, proche de la Flandre et de la France. La Louvière, en revanche, souffre un peu de son positionnement en étant coincée entre les deux pôles très importants que sont Mons et Charleroi.

Quels sont les atouts et les faiblesses de Charleroi ?

Parmi ses atouts, je citerai l’Aéropôle à Gosselies qui continue à bien se développer. Je pointerai également la présence de Caterpillar qui reste le premier employeur privé du Hainaut. Son impact sur la région est indéniable ne serait-ce qu’en termes d’emplois indirects. Enfin, n’oublions pas la présence encore relativement importante de la sidérurgie. Parmi les faiblesses, la plus évidente est la faible présence universitaire. En outre, depuis le retrait de Jean-Claude Cauwenberghe, qui était à l’origine de l’Aéropôle, on a parfois l’impression qu’elle manque d’un réel poids lourd politique pour la représenter et la défendre. Ce qui n’est pas le cas de Mons et de Tournai, qui peuvent s’appuyer sur Elio Di Rupo et Rudy Demotte.

Le manque d’une université constitue un handicap majeur ?

Charleroi bénéfice d’implantations de l’ULB, de l’UCL et de l’Université de Mons mais c’est loin d’être suffisant. C’est, avec la province de Luxembourg, la région de Wallonie où l’on compte le moins d’étudiants qui entrent à l’université. De plus, les jeunes s’orientent essentiellement vers l’ULB, l’UCL, les FUNDP ou l’Université de Mons. Le problème est qu’à l’issue de leurs études, une partie non négligeable de diplômés demeure là où ils les ont accomplies. Donc, non seulement Charleroi compte moins d’universitaires que les autres régions mais en plus ceux qui le deviennent ne reviennent pas nécessairement à Charleroi. Ce qui équivaut à un double handicap. Pourtant, il y a de l’emploi pour des universitaires dans la région.

Ce qui n’est pas le cas de Mons ?

Mons a une autre dynamique, davantage axée sur les services. Elle bénéficie de la présence d’une université (et même de deux) qui joue un rôle dans le développement de la région. Pointons également avec le Shape (Casteau), la forte présence américaine locale qui crée un environnement favorable à l’implantation d’entreprises US comme c’est le cas avec le centre de données de Google (Crystal Computing) à Baudour ou le Microsoft Innovation Center à Mons.

Et quid de la Wallonie picarde ?

C’est une région dynamique, probablement la plus dynamique du Hainaut. Particulièrement Tournai et environs. Elle est située à proximité de Lille qui est une métropole importante ainsi que de Courtrai qui est une des régions les plus prospères de Belgique.

Lorsque l’on analyse les tableaux, notamment en termes de chiffre d’affaires, on constate le poids encore relativement important de la sidérurgie…

Il reste une activité sidérurgique en Hainaut qui est globalement plus robuste que son homologue liégeoise. Des investissements importants ont été consentis dans la modernisation des outils de production. Le secteur dispose ainsi d’une base solide et relativement efficace pour se défendre sur les marchés internationaux. Maintenant, il est peu probable que la sidérurgie hainuyère puisse à l’avenir encore conquérir massivement de nouveaux marchés. Elle est stable et doit continuer à gagner en productivité. Mais à terme, c’est une activité dont l’importance relative diminuera.

Le problème majeur du Hainaut n’est-il pas le manque d’esprit d’entreprise ?

Probablement, même si le Hainaut opère progressivement un certain rattrapage. Dans sa période de gloire, le Hainaut comptait de nombreuses grandes entreprises qui employaient des milliers de personnes dans les charbonnages, la sidérurgie, le verre, etc. Elles ont aujourd’hui presque entièrement disparu du territoire hainuyer, à l’exception de Caterpillar. En d’autres termes, la culture de la PME et de la dynamique entrepreneuriale s’est implantée tardivement en Hainaut, qui est resté, sociologiquement, une terre de grandes entreprises, même lorsque celles-ci ont disparu ! Et c’est là que le bât blesse. Il y a trop peu de créations d’entreprises.

Au sein de l’Université de Mons, vous êtes, entre autres, en charge du développement institutionnel et régional. De quoi s’agit-il ?

Avec mon collègue Philippe Dubois, vice-recteur en charge de la recherche, je travaille en relation avec les institutions régionales afin de voir ce que l’Université peut apporter au développement de la province. L’Université de Mons dispose de deux sites : Mons et Charleroi. Nous sommes également présents au centre Negundo à Tournai. Nous proposons notamment des cours d’entrepreneuriat pour des personnes qui souhaitent lancer leur activité. L’objectif vise à ce que ces gens créent effectivement une entreprise et s’installent dans la province. Nous avons malheureusement encore trop de talents qui quittent le Hainaut.

Propos recueillis par Guy Van den Noortgate

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