I-Movix, une PME aux ambitions de géant

A l’occasion de la Coupe du Monde qui se joue en ce moment, les spectateurs peuvent observer de superbes ralentis… made in Belgium. I-Movix, la société montoise qui se cache derrière cette technologie est une petite structure qui caresse de grandes ambitions.

Cinq mille images par seconde. Il paraît qu’à cette vitesse de tournage-là, il est même possible d’observer la déformation d’une balle de golf projetée par un club. Les amateurs peuvent toujours s’amuser à tenter de déceler les éventuelles distorsions du ballon rond lors d’un match qu’ils regardent durant cette Coupe du Monde. Ce sont les caméras d’I-Movix qui se chargeront de dévoiler l’invisible.

Cette société montoise a récemment signé des contrats avec trois clients qui utilisent sa technologie lors de la grand-messe du foot qui se déroule jusqu’au 13 juillet prochain. Dont Rede Globo, la principale chaîne privée de télévision brésilienne qui a obtenu une partie des droits de diffusion de l’événement.

Peu avant l’ouverture de la compétition, Laurent Renard, fondateur de l’entreprise, ne sautait pourtant pas de joie. “Cette Coupe du Monde, c’est une fausse bonne nouvelle”, indiquait-il alors. Rabat-joie ? Réaliste, plutôt : “Nous ne signons pas de partenariats avec la Fifa. Nous mettons notre énergie sur nos clients à qui nous vendons la technologie, pas sur les événements sportifs. Il y en a tout de même 880 de taille mondiale organisés tous les trois mois…” Médiatiquement, le rendez-vous brésilien n’est toutefois pas une simple date parmi d’autres. Le patron d’I-Movix n’ignore d’ailleurs pas l’importance qu’une compétition de cette ampleur peut apporter à son business, lui dont les “supers ralentis” ont pris leur envol grâce aux Jeux olympiques de Pékin en 2008.

De la gendarmerie à l’ingénierie A l’époque, sa carrière de gendarme à cheval n’était pas encore un vieux souvenir. Il avait beau détester son job (une volonté paternelle), il lui faudra 19 ans pour le quitter. Jusqu’à un coup de téléphone, reçu un dimanche après-midi au beau milieu d’une balade à vélo. Au bout du fil, un de ses amis qui n’ignorait pas sa passion pour la programmation informatique.

“Il participait au tournage d’une publicité et il était confronté à un problème de stockage d’images avec une caméra digitale à haute vitesse. Je lui ai donné un coup de main et peu après, le fabricant new-yorkais de la caméra m’appelait parce que personne n’avait jamais tourné autant d’images.”

Une bourse de pré-activité plus tard, Laurent Renard crée sa société. D’abord vouée à la location de matériel pour les ralentis dans les films et dans les publicités. Faux départ. Son marché porteur, il le trouvera finalement dans le sport (“qui représente aujourd’hui 99,9 % des activités de la boîte”, dixit l’intéressé) et dans la fabrication de caméras.

Du matériel pouvant enregistrer jusqu’à 5.000 images par seconde donc, dont le prix est à la hauteur de la performance : entre 150.000 et 250.000 euros pièce. A ce tarif-là, l’engin peut remplacer n’importe quelle caméra “normale” mais surtout capter ce qui est insaisissable à l’oeil nu.

Toutes les dernières Champions League ont été filmées par cette technologie. Mais le football est loin d’être le seul débouché. Tournois de fléchette, tir à l’arc, cricket, rodéo, skateboard… Et même des courses de rapaces, dont les pays du Golfe sont particulièrement friands. Les Emirats arabes unis sont d’ailleurs le quatrième marché à l’exportation d’I-Movix, derrière les Etats-Unis, la Chine et la Corée. “En Belgique, nous n’avons jamais eu de commandes. Les clients géographiquement les plus proches sont à Londres et Paris.”

Bénéfice fluctuant I-Movix est désormais une affaire qui commence à rouler, avec une vingtaine de caméras écoulées par an et un chiffre d’affaires qui atteignait 3,1 millions d’euros en 2012. Même si les bénéfices restent fluctuants : + 110.805 euros en 2011, -190.163 euros en 2013, +269.282 euros en 2013.

Laurent Renard se souvient encore parfaitement des débuts difficiles : trois ans sans salaire pour lui mais aussi pour sa comptable d’épouse qui l’a suivi dans l’aventure (“Je suis l’entrepreneur fou qui court sans se poser de questions, elle est le manager qui tient les cordons de la bourse”), impossibilité de trouver des capitaux extérieurs et, par conséquent, obligation d’investir sur fonds propres.

“Quand un ancien gendarme à cheval dit qu’il veut créer la meilleure caméra au monde et lancer une boîte d’ingénierie en R&D sans être ingénieur, tout le monde le prend pour un fou ! Jusqu’aux premières commandes arrivées deux mois avant les Jeux olympiques de Pékin. A l’époque, il a fallu construire 14 caméras à 200.000 euros sur fonds propres…”

Encore aujourd’hui, Laurent Renard et son épouse restent actionnaires à 50 % chacun de la boîte. Moins par choix que par absence d’amateurs pour entrer au capital. Ils ont pourtant besoin de fonds pour assouvir leur ambition : celle de vendre 1.000 caméras endéans les cinq ans.

Une projection qui ne tombe pas du ciel, mais qui se base sur les ventes réalisées par Sony lorsque le fabricant avait sorti une caméra possédant une capacité d’enregistrement de 75 images par seconde. Sony ; le principal concurrent de la PME. Même si cette dernière est un peu trop petite pour inquiéter le géant japonais. “Les supers ralentis sont notre coeur d’activité. Pour Sony, il ne s’agit que d’un marché d’ultra-niche !”, analyse Laurent Renard.

L’entreprise montoise ne craint pas que quiconque vienne lui voler ses secrets de fabrication, elle qui ne les a pas protégés par un brevet. “Ça nous coûterait trop cher, entre 250.000 et 300.000 euros par an. Puis breveter, c’est documenter, donc d’une certaine manière donner accès à notre algorithme. Notre protection, c’est d’aller vite.”

Made in Mons Aller vite, c’est-à-dire sortir des nouveautés au moins une fois par an. “Alors on devient inattaquable.” Puis aussi améliorer constamment les services, comme offrir la possibilité de dépanner les problèmes techniques à distance ou encore parvenir à filmer de nuit sous les lumières artificielles, alors qu’avec de tels ralentis les “pulsations lumineuses” dues au courant alternatif devraient être visibles.

Le fruit du travail d’une équipe d’une vingtaine de personnes, alors que toutes les caméras (depuis la première jusqu’à la 800e pièce qui les compose) sont fabriquées à Mons, au premier étage d’un immeuble résidentiel.

“Embaucher n’a pas été simple, raconte Laurent Renard. D’abord parce qu’au départ nous étions inconnus. Nous avions dû faire appel à un ingénieur japonais. Puis les gens venaient surtout pour avoir une ligne sur leur CV. Désormais, nous sélectionnons les collaborateurs sur la passion. Chaque personne est hyper-importante.”

Récemment, I-Movix a fait appel au Cequal (Centre wallon de la qualité) pour mettre en place un système interne de gestion de la qualité et ainsi soutenir sa croissance. La société a beau être petite, elle fait tout pour se donner des airs de grande.

MÉLANIE GEELKENS

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